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"La ballade du soldat Odawaa" de Christian Rossi et  Cédric Apikian : ambiance crépusculaire pour ce western moderne
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Atlanti Culture

Nicolas Autier pour Culture-Tops

Nicolas Autier pour Culture-Tops

Nicolas Autier est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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"La bataille du soldat Odawaa"

de Christian Rossi, Cédric Apikian

Editions Casterman, 2019, 86 pages, 19€ 

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En priorité


THÈME
Quelque part dans le Nord de la France en février 1915. Un détachement de soldats allemands dirigé par le Commandant Von Schaffner est décimé par un tireur d’élite canadien, le soldat Odawaa. Qui est ce membre du contingent d’amérindiens envoyé en France par le gouvernement canadien ? Si personne ne semble l’avoir vu, tous les militaires canadiens connaissent la légende du matricule Tomahawk, tandis que leurs homologues allemands le redoutent au point d’avoir mis sa tête à prix.

Peu après, le colonel Desjoyaux convoque le capitaine Ernest Keating, chef de l’unité des snipers canadiens, pour lui demander de mettre fin aux agissements du Commandant Von Schaffner, revenu d’entre les morts pour se livrer au pillage en règle du secteur dont l’officier français a la charge. Keating lance à nouveau le soldat Odawaa sur les traces de Von Schaffner. 

POINTS FORTS
- La première scène fixe d’emblée la tonalité de l’album : c’est violent, dur, sombre, lugubre, désespéré, mais étrangement poétique. La première page nous plonge immédiatement dans l’ambiance crépusculaire de ce western moderne où tout espoir d’issue heureuse semble illusoire. 

- Les personnages sont rendus extraordinaires par cet environnement où ils tentent de survivre tout en essayant (re)donner un peu de sens à leurs actions : le soldat Odawaa, guerrier dont les exploits surhumains ont forgé la légende ; le capitaine Keating, ex-professeur de littérature cherchant dans l’alcool l’oubli de son drame personnel et la force de faire son devoir avec dignité ; le Commandant Von Schaffner et sa troupe de pillards mettant à leur profit le désordre né de la guerre ; Eléonore Keating, femme d’Ernest, infirmière militaire partageant avec son mari une insondable douleur ; Johannes, mystérieux allemand engagé dans une vendetta personnelle…

- Le scenario de Cedric Apikian relie ces personnages par un écheveau de liens insoupçonnés dans un climat de tension qui s’intensifie jusqu’à un dénouement final aussi magistral qu’inattendu. Le dessin de Christian Rossi nous replonge avec bonheur dans l’ambiance de la sous-estimée série Jim Cutlass, 1991-1999, éd. Casterman, qui nous emmenait au cœur de la brume ésotérique du vaudou et des bayous de la Louisiane de l’après-guerre de Sécession. Il restitue avec fluidité les moments d’explosion d’ultra violence, ceux d’introspection des personnages, le poids de leur désespérance et la tension du scenario. 

- Enfin la palette des couleurs contribue à créer ce climat de fin du monde d’où la lumière du jour est exclue, en privilégiant le noir, toutes les teintes de gris, les bleus sombres, verts d’eau, beiges ternes.

POINTS FAIBLES
Difficile de trouver des points faibles à ce western tragique transposé dans l’univers de la Grande Guerre… Les puristes pourraient éventuellement reprocher à la scène de duel final et à certains éléments du scenario de s’inspirer un peu trop du mythique, Le Bon, La Brute et le Truand, Sergio Leone, 1966. Ils pourraient également y voir un très bel hommage.

EN DEUX MOTS
La ballade du soldat Odawaa doit d’urgence trouver une place dans de votre bibliothèque. Elle y serait en bonne place au côté d’albums auxquels elle fait irrémédiablement référence : Ernie Pike - Chroniques de Guerre, Hugo Pratt, scenario Hector Oesterheld, 1979-1981 ; Koïnsky Raconte Deux ou Trois Choses Que Je Sais D’eux, Hugo Pratt, éd. Casterman, 1993 ; Sergent Kirk, toujours Hugo Pratt, éd. Les Humanoïdes Associés, 1984-1987 ; Commanche, Hermann et Rouge, éd. Lombard, 1972-1983, notamment les épisodes les plus sombres de la série ; et toute l’œuvre de Tardi consacrée au premier conflit mondial.

UNE ILLUSTRATION

L'AUTEUR

Cela fait près de 40 ans que Christian Rossi est dessinateur de BD depuis ses débuts en 1979 grâce à des dessins publiés dans des magazines tels que Pilote, Circus, Pif ou Gomme. En parallèle, il travaille comme dessinateur de presse pour Le Nouvel Observateur, Okapi, Le Point, ou Je bouquine. Difficile de résumer en quelques lignes la carrière d’un dessinateur ayant travaillé avec des scénaristes comme Serge Le Tendre, Pierre Makyo, Denis Lapière, Philippe Bonifay, Enrique Abuli… Sans compter les deux maîtres, notamment du western, que sont Jean Giraud (Jim Cutlass) et Jijé (Jerry Spring). En 2003, il démarre la série W.E.S.T, éd. Dargaud, avec deux auteurs de la nouvelle génération qui feront par la suite beaucoup parler d’eux : Fabien Nury et Xavier Dorison. En 2013, il publie le très surprenant Deadline, sur un scénario de Laurent-Frédéric Bollée éd. Glénat. En 2015, il contribue au mythe XIII en dessinant Felicity Brown, scénario de Matz, éd. Dargaud

Auteur/réalisateur de cinéma depuis une vingtaine d'années, passionné de BD depuis l’enfance, Cédric Apikian marque sa deuxième entrée dans la BD avec La ballade du soldat Odawaa. Il fut auparavant aux manettes de l’émission pifPAFpoum pendant quelques années. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître très largement permis par la robustesse du scenario et de l’association avec Christian Rossi. Amateur de cinéma « de genre », il transpose avec bonheur à la BD un projet de film qui n’a pu voir le jour faute de financement. Espérons que ce projet ne restera pas une tentative isolée. 

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