Interstellar : les astronautes survivraient-ils à un voyage dans l’espace-temps comme ceux des films ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Dans la réalité, le trou noir déchiqueterait tout astronaute qui s'en approcherait.
Dans la réalité, le trou noir déchiqueterait tout astronaute qui s'en approcherait.
©Reuters

Crédible

Le film Interstellar voit des explorateurs utiliser un trou de ver comme une porte vers d'autres contrées de notre Univers. Un voyage loin d'être possible dans la réalité.

Dans un futur proche, la Terre est de moins en moins accueillante pour l'humanité qui connaît une grave crise alimentaire. Un groupe d’explorateurs s’attelle alors à la mission la plus importante de l’histoire de l’humanité : franchir les limites de notre galaxie pour savoir si l’homme peut vivre sur une autre planète, grâce à un trou de ver – une sorte de tunnel interstellaire – découvert près de Jupiter.

Un trou de ver (en anglais : wormhole) est, en physique, un objet hypothétique qui relierait deux régions distinctes de l'espace-temps et se manifesterait, d'un côté, comme un trou noir et, de l'autre côté, comme un trou blanc. Si notre Univers était une pomme, un ver pourrait la « traverser » par ce tunnel et se retrouver de l'autre côté sans avoir à parcourir toute sa surface.

Le scénario d'Interstellar s'inspire en grande partie des travaux de Kip Thorne, un éminent physicien théoricien réputé pour ses apports cruciaux à la physique, l’astrophysique et à la gravitation. D'après ses recherches, il serait possible de voyager dans le temps, grâce aux fameux trous de vers. Jonathan Nolan, le scénariste du film, a aussi expliqué avoir beaucoup lu les travaux de Carl Sagan, scientifique et astronome américain, pour écrire le scénario.

Interstellar est loin d'être le premier film basé sur le postulat qu'il est possible de voyager à travers un trou de ver. Star Trek ou Star Gate ont déjà basé de nombreux épisodes sur ce thème. Plus récemment, c'est par le biais d'un trou de ver que les chitauris envahissent New York dans Avengers.

La différence, c'est qu'Interstellar a tâché d'être le plus scientifique possible. Kip Thorne est d'ailleurs le rédacteur originel du scénario. "Ensuite, Christopher et Jonathan Nolan sont entrés dans le projet et l'histoire a beaucoup changé", raconte-t-il à Sciences et Vie. "Mais ils ont gardé mon exigence de départ : rien dans le film ne doit violer les lois de la physique".

Kip Thorne a notamment utilisé son expérience pour simuler l'apparence visuelle d'un trou noir entouré d'un disque d'accrétion de matière en rotation rapide. Thorne a eu la possibilité de développer une simulation numérique avec un degré de précision très avancé, menant même selon le magazine américain Wired à des découvertes scientifiques.

Reste que « ces images ne sont qu'à demi-réalistes », explique à Europe 1 Jean-Pierre Luminet, physicien spécialiste également des trous noirs et pionnier de la simulation de leur visualisation, En fait, Thorne précise qu'il a volontairement « simplifié » sa représentation pour ne pas désorienter le spectateur qui n'aurait pas compris le résultat visuel.

Si la représentation visuelle du trou noir du film est crédible, qu'en est-il de l'idée de voyager à travers ? Déjà, « il existe des millions de trous noirs dans notre galaxie mais ils sont à plusieurs milliers d'années-lumière de notre Terre. Impossible de s'y rendre pour l'instant », tempère Jean-Pierre Luminet.

Rappelons qu'avec les techniques de propulsion actuelle il faut presque une décennie pour quitter le système solaire et près de 100.000 ans pour atteindre l'étoile la plus proche. Ainsi la sonde spatiale New Horizons lancée à très grande vitesse vers Pluton, dernière planète du système solaire (rétrogradée depuis au statut de planète naine) a croisé l'orbite de Neptune au bout de 8 ans. Il lui faudrait donc plus de 80.000 ans pour franchir la distance la séparant de Proxima Centauri.

Et même si un vaisseau parvenait à atteindre un trou noir situé à cette distance (car un tel objet à proximité de notre système solaire risquerait d'engloutir la Terre), il serait rapidement déchiqueté. « Un trou noir ordinaire a une force gravitationnelle si puissante qu'un vaisseau qui tenterait, ne serait-ce que de s'en approcher serait étiré, un peu comme un spaghetti, et donc, déchiqueté », assure Jean-Pierre Luminet.

Si, admettons, on parvenait à « entrer » dans le trou noir et qu'il comprenait vraiment un trou de ver – ce qui n'est qu'une hypothèse – , le plus dur ne ferait que commencer.

Il existe en effet plusieurs hypothèses différentes de trou de ver :

- le trou de ver de Schwarzschild est infranchissable, car il est instable et se referme sur lui-même en l’espace de 10-43 seconde... Même la lumière n'aurait pas le temps de le franchir. Et si on essaye de l’agrandir, il s'autodétruit…

- le trou de ver de Reissner-Nordstrøm ou Kerr-Newman, franchissable mais dans un seul sens, pouvant contenir un trou de ver de Schwarzschild. Le problème de ce trou de ver, c'est qu'il est aussi instable, et qu'en admettant qu'il ne s'effondre pas, les astronautes tentant de le franchir seraient grillés par les radiations, écrivait Thorne en 1987

- le trou de ver de Lorentz à masse négative, franchissable dans les deux sens. Mais la quantité d'énergie exotique qui serait nécessaire pour maintenir ce trou de ver ouvert est hors de portée de notre civilisation, rappelle le site Smithsonianmag. Là encore, la gravité finirait par déchiqueter tout objet ou humain s'y aventurant.

Même Kip Thorne, finalement, pense que l’hypothèse d'un tel voyage est peu crédible. « Si les trous de ver peuvent exister, je doute que ça doit le cas dans notre univers astrophysique », écrit-il dans son livre The Science of Interstellar.

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