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"Face aux Barbares" de Laurent Lasne : une démarche  passionnante, mais des redites et trop de références
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Atlanti-Culture

Jean-Noël  Dibie pour Culture-Tops

Jean-Noël Dibie pour Culture-Tops

Jean-Noël Dibie est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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LIVRE

Face aux Barbares

de Laurent Lasne

Ed. Le Tiers Livre

RECOMMANDATION 

           BON

THÈME

Par cet essai, qui fait suite à un premier travail publié en 2015, chez le même éditeur, « Uber, la prédation en bande organisée », lLaurent Lasne a l’ambition de « refonder les sources et les potentiels des modèles coopératifs », comme l’affirme, dans sa préface, le professeur Dominique Boullier.  

La plateforme américaine de voiture avec chauffeur UBER, « qui vise surtout à créer de la valeur actionnariale », et la coopérative de taxis parisien Gescop-Alfa, servent de fil d’Ariane à l’ouvrage. L’auteur s’efforce d’y dresser un état des lieux exhaustifs de l’économie sociale, depuis les prémices de l’association, dans son sens entrepreneurial, avant de s’attacher à la réception politique des « innovations disruptives ». Il estime, que celles-ci sont, aujourd’hui, dominées par la finance, qui a confisqué la « contre-culture nomade et communautaire des jeunes étudiants en informatique » des années soixante-dix. Ceux-ci aspiraient à créer les outils d’une société horizontale fondée sur le partage de l’information. Mais cette économie du partage, source de sociabilité, n’a pas résisté à l’émergence de plateformes prédatrices qui exploitent la coopération humaine. Les deux algorithmes qui ont permis à Google de sélectionner des pages à partir d’une requête et d’affecter à ces requêtes une valeur marchande, ont installé un nouveau modèle économique, la marchandisation des données. Dès lors que le Web 2.0 a installé « la créativité de la multitude », la finance a entrepris de capter la richesse des contributions gracieuses des usagers de ces plateformes.

Cette démonstration faite, Laurent Lasne explore le modèle collaboratif, qui renvoie aux pratiques d’une économie non soumise à la propriété du capital. Accumulant les références, il revisite origines et parcours des utopies associatives. Il promène le lecteur dans le capharnaüm des modèles d’organisation : révolutionnaires, de 1789 et 1870, saint-simoniens, associations ouvrières, syndicats … La « joie fouriéristes » et la « rigueur buchézienne », se retrouvent sur l’abolition du salariat, ce dernier étant la base du modèle américain d’organisation scientifique du travail…

Dans la troisième partie de l’ouvrage, l’auteur s’attache aux dérives de « la data économie » qui, prenant de vitesse les organisations sociales, a mis en cause la légitimité de la chose publique ». Il entend démontrer que des logiques de calcul et d’efficacité instrumentalisent la raison, une « grammaire numérique » installant une société réticulaire. Aussi, veut-il voir dans les tentatives, encore marginales, de reconfiguration d’une économie sociale et solidaire, la voie de la résistance à l’émergence de plateformes prédatrices exploitant la coopération humaine. Face à l’innovation disruptive, il propose le modèle coopératif qui associe.

POINTS FORTS

Une abondante documentation étaye un raisonnement intéressant.
Une démarche constructive, en un temps où nombre de chercheurs se contentent de constater tels ou tels dysfonctionnements de la nouvelle économie numérique émergente.

POINTS FAIBLES

Les très nombreuses références et citations de philosophes, sociologues et chercheurs, peu ou pas connus du lecteur non spécialiste de l’économie sociale, rend la lecture difficile. Il en va de même de redites pouvant égarer un lecteur qui n’aurait pas parfaitement intégré le plan de l’ouvrage.

EN DEUX MOTS

Cette lecture, parfois ardue, donne matière à réflexion. Pour autant, l’économie coopérative n’est qu’une des voies possibles vers une économie numérique au service de l’humain.

UN  EXTRAIT

Ou plutôt 6:

Page 22 - Au « Peace and love » brouillon des commencements, succédera le « Think different » d’Apple.  

Page 47 - Le personnel politique réformateur s’est trouvé dépassé, impuissant, face au déferlement de la « cavalerie » numérique, car « la disruption ne s’encombre pas de la réforme : elle la dissout, et la remplace par un état de fait… ». (Bernard Steigler)

Page 61 - En outre, les géants de la netéconomie ont des stratégies bien plus invasives avec l’uberisation de services publics non marchands dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la sécurité. 

Page 129 - Avec la révolution numérique… « L’idéal d’une gouvernance par les nombres tend à supplanter une gouvernance par les lois » (Alain Supiot)

Page 179 - Le problème n’est pas le numérique, mais le capitalisme financier numérique. (Dominique Boullier)

Page 208 - Et si la démocratie représentative semble en fin de cycle, alors le temps est venu d’inventer de nouvelles modalités institutionnelles pour démocratiser la société…. (Dominique Rousseau). »

L’AUTEUR

Né à Paris en mai 1958, Laurent Lasne, a débuté sa carrière comme correcteur. Journaliste, essayiste et éditeur il a publié, pour l’essentiel avec sa maison d’édition, Le Tiers Livre, plus d’une trentaine d’ouvrages. Ceux-ci témoignent de ses deux passions, le sport, auquel il doit sa reconnaissance médiatique, et l’économie sociale. Spécialiste de l’histoire des SCOP, il a, notamment, publié, en 2000, « Un siècle de coopération », et en 2009 « De Gaulle une ambition sociale ».

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