"Eloge du lapin" de Stéphanie Hochet : Un rendez-vous littéraire à ne pas manquer<!-- --> | Atlantico.fr
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"Eloge du lapin" de Stéphanie Hochet a été publié aux éditions Rivages.
"Eloge du lapin" de Stéphanie Hochet a été publié aux éditions Rivages.
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"Eloge du lapin" de Stéphanie Hochet a été publié aux éditions Rivages.

Marine Baron pour Culture-Tops

Marine Baron pour Culture-Tops

Marine Baron est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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"Eloge du lapin" de Stéphanie Hochet

Editions Rivages
112 pages
16 euros.

Notre recommandation : EXCELLENT 

THÈME

Le lapin est un animal réputé sympathique, doux et espiègle. S’il est traqué par les chasseurs, il sait pourtant déjouer leurs pièges avec habileté. Le lapin est également un rongeur vif, envahissant les continents, se reproduisant à la vitesse de l’éclair, copulant à un rythme effréné. Associé dès le Moyen-Âge à la féminité, voire, purement et simplement, au sexe féminin, il incarne par ailleurs une représentation intrigante de l’être humain en tant que proie malicieuse, rapide, apparemment légère et taquine, mais plus complexe qu’il n’y paraît. Ce sont les facettes de cet animal, les représentations et les fantasmes qu’il suscite qui sont explorés dans ce livre.

POINTS FORTS

- Ce texte dépaysant se propose d’aborder le lapin (mais aussi le lièvre, appartenant à une autre espèce mais souvent confondu avec son cousin léporidé) à travers une multitude de domaines, notamment l’histoire, la littérature, la peinture, la cuisine, la mode, l’étymologie ou encore le cinéma et la mythologie. À partir de ce thème particulier, on apprend en réalité sur une multitude de sujets, sur des cultures lointaines de tous les continents, des coutumes, des préjugés et des croyances qui passent à travers cet être curieux, sorte de messager de craintes et de fantasmes parfois très surprenants. 

- Sans omettre une capacité d’affirmer, d’éclairer, ce livre s’éloigne de tout dogmatisme et invite à la réflexion, privilégiant une pensée complexe, s’attachant à pointer tous les paradoxes de la représentation du léporidé. On apprendra, par exemple, que le lapin, pourtant fertile et envahissant, est associé à la sexualité candide, ludique et sans conséquence. On se souviendra que, malgré sa douceur et son aspect inoffensif, prononcer son nom dans la marine, a fortiori à bord d’un bateau, porte malheur, tant il a pu provoquer de naufrages en rongeant les coques des navires. On apprendra aussi qu’il a pu incarner les Juifs dans l’imaginaire de certains, aussi bien pour les antisémites l’associant à un repoussoir que pour les Juifs eux-mêmes, voyant dans cet animal malicieux une sorte de petit David propre à se rire de Goliath, déjouant les tours de ses persécuteurs. On s’étonnera de sa place dans la culture japonaise, de son rôle dans l’imaginaire festif du pays du soleil levant, de sa relation à l’innocence et à la lune. On pourra aussi se plonger dans la mythologie indienne et découvrir que le lapin est celui qui sait nommer les fleurs et les animaux. On ressortira donc de ce texte un peu moins sûr de soi en apprenant que le lapin peut être tour à tour la ruse et la naïveté, qu’il cristallise la haine ou l’espoir, qu’il est représenté à la fois comme un ingénu enfantin et un connaisseur expérimenté des plaisirs de la vie. 

- La structure du livre est bien pensée, dans un esprit chrono-thématique. Si l’on excepte l’introduction et la conclusion, le texte s’articule en sept parties. Ces dernières se proposent à la fois d’explorer les origines des représentations du lapin et leurs évolutions, mais s’attachent aussi à privilégier les thèmes principaux associés à l’animal, comme la sexualité ou les représentations symboliques que le lapin suscite au Japon. Cette construction ingénieuse, équilibrée, rend la lecture ludique, agréable, et pique efficacement la curiosité. 

QUELQUES RÉSERVES

Le thème du livre pourra peut-être décourager certains lecteurs, ces derniers trouvant a priori ce sujet pas assez ample ou pas assez sérieux. Cet avertissement est, de façon très lucide, formulé par l’auteur dès les premières pages de son texte. Mais on aurait tort de s’arrêter à de telles appréhensions, d’abord parce que ce sujet est plus sérieux et plus profond qu’on pourrait le penser, ensuite, parce qu’il est l’occasion d’une ouverture sur une infinité de thèmes et de cultures, et parce qu’il se décline en une multitude de questions lui donnant du corps et du souffle.

ENCORE UN MOT...

Un livre riche et surprenant sur un animal chargé de fantasmes.

UNE PHRASE

« C’est certainement par admiration pour sa beauté que Albrecht Dürer dessina Le Lièvre. L’artiste allemand choisit de représenter le lagomorphe comme sujet autonome. Il n'est pas question ici de symbolique, mais de la réalité la plus précise de l’animal, dessiné sur une feuille blanche sans y ajouter aucun décor. On est saisi par le côté farouche du lièvre pourtant sagement couché, corps appuyé sur les pattes arrière, mais semblant prêt à s’enfuir (les oreilles sont relevées et les yeux ouverts). Le peintre a représenté les variations de brun de sa robe avec un soin remarquable ». (pp. 37-38)

L'AUTEUR

Stéphanie Hochet, écrivain français, a étudié la littérature britannique et a enseigné à Glasgow. Elle enseigne actuellement à Sciences Po Paris, où elle dirige un atelier d’écriture. Elle a collaboré à plusieurs magazines et journaux anglophones et francophones. Elle est l’auteur de nombreux romans, dont Le Néant de Léon (Stock, 2003), Les Éphémérides (Payot et Rivages, 2012), Sang d’encre ( Editions DES BUSCLATS, 2013) et Pacifique(Payot et Rivages, 2020). L’un de ses essais, Eloge du chat (Payot et Rivages, 2014), traduit dans de nombreuses langues, a été l’un de ses plus grands succès de librairie. Stéphanie Hochet a reçu plusieurs prix littéraires, notamment celui de la Closerie des Lilas en 2009 pour son roman Combat de l’amour et de la faim (Fayard), ou encore le prix Thyde Monnier de la Société des gens de lettres, en 2010, pour La distribution des lumières (Flammarion).

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