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Vue de la forêt amazonienne.
Vue de la forêt amazonienne.
©Mauro Pimentel / AFP

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Une start-up affirme qu'en insérant de nouveaux gènes dans des peupliers, ils peuvent les faire pousser 53% plus rapidement que leurs équivalents non-modifiés. Une révolution qui fait débat...

Thierry  Gauquelin

Thierry Gauquelin

Thierry Gauquelin est professeur à Aix Marseille Université et chercheur à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale (IMBE)

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Atlantico : Une idée audacieuse pourrait permettre d’enrayer la crise climatique : une modification génétique des arbres. Ils seraient ainsi en mesure de capter une plus grande quantité de CO2 et de l'enfermer dans les troncs et le sol pendant des décennies. Maddie Hall, PDG et fondatrice de la startup climatique Living Carbon, participe à cette « révolution », selon des informations de Wired. Les scientifiques de Living Carbon ont affirmé qu'en insérant de nouveaux gènes dans les peupliers, ils peuvent faire pousser les plantes 53% plus rapidement que leurs équivalents. Comment fonctionne ce mécanisme au niveau des arbres ? Est-il réellement possible « d’améliorer » les arbres en jouant sur leur taux de croissance et sur le potentiel de capture du carbone ? 

Thierry Gauquelin : Le processus fondamental en jeu concernant tous les végétaux et donc les arbres, c’est la photosynthèse au cours de laquelle le carbone du CO2 atmosphérique est fixé sous forme de molécules carbonées dans les différents organes (bois, feuilles, fruits, racines), et ce, grâce à l’énergie lumineuse. Améliorer l’efficacité de cette photosynthèse par des manipulations génétiques réalisées sur des arbres élevés en laboratoire ou en serre, donc en conditions très contrôlées, c’est un chose. Que cela ensuite se traduise effectivement « in natura » par une amélioration de la croissance des arbres, cela en est une autre car celle-ci dépend aussi évidemment des facteurs environnementaux, le climat, le sol, la concurrence des autres organismes animaux et végétaux, etc. L’efficacité des arbres est liée à l’efficacité de l’ensemble de l’écosystème auquel ils participent... l’arbre n’est pas isolé dans son environnement ; c’est la différence avec le laboratoire !

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Selon des physiologistes comme Amanda Cavanagh de l'Université d'Essex, seule une infime fraction de la lumière du soleil qui atteint les feuilles est réellement utilisée pour transformer le CO2 en matière vivante. Environ 95 % de toute cette énergie est gaspillée. Les arbres à photosynthèse améliorée vont-ils pouvoir transformer plus rapidement le carbone atmosphérique ?

Pas nécessairement, car il existe ce que l’on appelle des facteurs limitants, alors qu’effectivement la lumière ne l’est pas, sauf dans des sous-bois très ombragés. Prenons par exemple, l’azote ou le phosphore contenu dans le sol, nécessaires au fonctionnement des arbres. S’ils sont en quantité insuffisante, les « avantages » fournis par cette photosynthèse améliorée, ne pourront pas s’exprimer. C’est aussi sans compter sur le fait que ces frankentrees auront de fortes chances de ne pas être adaptés au milieu dans lequel vous allez les implanter.

L’implantation de forêts de ces « frankenarbres » sont-elles vraiment une bonne idée pour l’environnement ? Quels seraient les bienfaits réels ?

L’idée générale que les arbres et les forêts par leur rôle de puits de carbone peuvent participer et participent déjà à l’atténuation du changement climatique est non seulement séduisante mais vraie. Par contre réaliser, pour ce même objectif, des plantations mono-spécifiques, souvent d’essences exotiques et qui ne correspondent en rien à ce que l’on peut appeler une forêt, n’est vraiment pas une bonne idée. Si en plus il s’agit d’organismes génétiquement modifiés, c’est encore plus discutable et dans tous les cas une aberration écologique. En dehors du fait que les gènes modifiés peuvent se disséminer par les pollens en dehors de la plantation, - et on ne maîtrise pas ce processus - on ne sait rien de la manière dont ces arbres vont se comporter à moyen et long terme et des conséquences sur leur environnement et sur la biodiversité en général. Leur adaptation au changement climatique ou aux bio-agresseurs sont impossibles, étant par définition des populations clonales sans diversité génétique. De plus, si ces plantations devaient effectivement s’avérer plus productives, cela conduirait à épuiser le sol et les nappes phréatiques très rapidement ! Conçus à l’origine pour leur résistance aux insectes et leur tolérance aux herbicides, ces arbres OGM ont été d’abord pensés pour l’industrie papetière et seulement récemment avec l’alibi de la fixation de carbone qui a fait émerger l’idée d’une amélioration de la photosynthèse. Il faut aussi évoquer les graves conséquences sociales et économiques sur les populations rurales autochtones auxquelles on impose ces plantations. Et des mouvements de protestations aux US, au Brésil ou encore au Chili se développent depuis quelques années.

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 Quelles sont les espèces d’arbres qui sont les plus susceptibles d’être utilisées pour obtenir ainsi de meilleurs rendements et pour lutter encore plus efficacement contre le réchauffement climatique via cette méthode originale ? Des expériences ont déjà été menées notamment sur des peupliers ou des arbres à croissance rapide et avec des résultats prometteurs.

Si plantations il doit y avoir, Il faut privilégier voire même imposer des espèces natives, autochtones, adaptées à leur environnement, au climat, au sol et à sa biodiversité présente par exemple dans le sol. Celles-ci vont aussi présenter une diversité génétique importante garante d’une adaptation au changement climatique. Tout l’inverse de ces plantations d’arbres OGM !

Nous devons sortir de cette idée que l’Homme peut tout contrôler, tout modifier de cette nature qui a mis des millions d’années à s’organiser, à s’adapter, à trouver un équilibre dans son fonctionnement ; il est temps de faire confiance à la nature dans toute sa dynamique et sa diversité. On sait, par exemple, aujourd’hui, puisqu’il s’agit de fixer du carbone, que les forêts anciennes et matures pouvaient également stocker du carbone à l'instar des forêts ou plantations en croissance. Intéressons-nous plutôt à leur préservation et leur développement... mais c’est sans doute financièrement moins rentable !

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Le dérèglement climatique est là, l’action coordonnée à l’échelle de la planète, non. Vaut-il mieux Gretathunbergiser ou se préparer à faire face ?

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