Voilà pourquoi l’immigration profite beaucoup moins à l’économie française qu’à celles des autres pays de l’OCDE<!-- --> | Atlantico.fr
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Des voyageurs arrivent au comptoir de l'immigration à Roissy Charles-de-Gaulle
Des voyageurs arrivent au comptoir de l'immigration à Roissy Charles-de-Gaulle
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Poids économique

Selon une étude que vient de publier le Conseil d’analyse économique, si l’immigration de travail peut être un facteur de croissance, la France n’en bénéficie car « son immigration, repliée sur les droits familiaux et humanitaires, est comparativement au reste de l’OCDE, peu qualifiée, peu diversifiée et peu nombreuse ».

Patrick Stefanini

Patrick Stefanini

Patrick Stefanini est un haut fonctionnaire français, membre du Conseil d'État et ancien directeur général des services de la région Île-de-France. Sa carrière se situe entre l'administration et la politique. Diplômé de l'ENA en 1979, il soutient Chirac avant de devenir un proche conseiller d'Alain Juppé lorsque ce dernier est entré à Matignon en 1995. Il s'est démarqué notamment lors de batailles électorales réputées difficiles ; il fut ainsi l'artisan de la victoire de Jacques Chirac à la présidentielle en 1995, de celle de Valérie Pécresse aux élections régionales de 2015, avant donc de conduire François Fillon à la victoire de la primaire, fin 2016. En mars 2017, il renonce à ses fonctions de directeur de campagne de François Fillon. Patrick Stefanini est directeur de campagne de Valérie Pécresse dans le cadre de l'élection présidentielle de 2022.

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Atlantico : Réduite au respect des droits individuels familiaux et humanitaires, l’immigration en France est-elle, comparativement à nos principaux partenaires de l’OCDE, peu qualifiée et aux origines géographiques peu diversifiées ?

Patrick Stefanini : La caractéristique de la France, qu’elle partageait jusqu’à une date récente avec le Royaume-Uni, est que son immigration est fortement influencée par son histoire et notamment son histoire coloniale. Les principaux flux d’immigration à destination de la France viennent de pays qui ont été des colonies ou des protectorats. Les trois pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) représentaient encore 29% du total des titres de séjour délivrés chaque année en France en 2019 et si on y ajoute les pays d’Afrique sub-saharienne avec lesquels la France a des accords bilatéraux on arrive à 38%. Si l’on prend la totalité des pays d’Afrique, on est très au-dessus de 50%. Le poids de l’histoire coloniale en France est absolument décisif, ce qui n’est pas le cas dans la quasi totalité des autres pays européens, soit parce qu’ils n’ont jamais eu de colonies, soit parce qu’ils ont eu des colonies il y a fort longtemps comme l’Espagne ou le Portugal. 

Comment a progressé l’immigration au travail en France ? 

En France, l’immigration de travail est faible, elle était très faible avant l’accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy, il s’agissait de 7000 à 8000 titres de séjours par an. Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux ont débloqué cela en prenant deux décisions : d’une part ils ont levé le principe de l’opposabilité absolue de la situation de l’emploi en établissant une liste des métiers dont les entreprises ont besoin et qui sont accessibles aux étrangers sans autorisation, d’autre part ils ont permis aux étudiants étrangers ayant fini leurs études en France avec un master d’y rester pour travailler. Cela a eu deux conséquences : des étudiants qui avaient tendance à se détourner de la France comme les étudiants marocains ou algériens ont repris la route des universités françaises. Il y a donc eu un bond des étudiants étrangers en France, leur nombre passant de 45 000 à 90 000 aujourd’hui.

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Par ailleurs, l’immigration de travail a progressé en France, elle a certes été contrecarré par la crise financière de 2008, mais elle a repris ensuite pour s’établir à plus de 30 000 titres de séjours en 2019, ce qui est un record même si c’est trois fois moins que l’immigration familiale. 

Qu’est ce qui distingue l’immigration française des autres immigrations de l'OCDE ?

Deux réalités, d’une part l’immigration de travail en France est beaucoup faible que dans les autres pays européens, d’autre part il y a beaucoup plus d’immigration extra-communautaire en France que dans le reste de l’Union européenne. Le problème est que nous accueillons chaque année 90 000 migrants familiaux, mais ils ne viennent pas en France sur des critères d’employabilité. Ils se rendent dans notre pays car ils y ont de la famille, mais on leur délivre des titres de séjours qui leur permettent de travailler et au bout de deux ou trois ans, ils viennent sur le marché du travail et ont beaucoup de mal à trouver un emploi. Cela explique en France que le taux de chômage des immigrés était en 2018 était de l’ordre de 15,8% soit deux fois plus important que le taux de chômage des non-immigrés. 

L’immigration, parce qu’elle est à dominante familiale, a du mal à trouver sa place sur le marché du travail. Si l’on y ajoute le fait que la France a un taux de chômage supérieur à la zone euro et que l’employabilité des immigrés est moins bonne que dans les autres pays européens en raison d’une moindre qualification, cela explique que le taux de chômage des immigrés est plus élevé que la moyenne. Donc l’économie française profite moins de l’immigration que celle des autres pays européens. 

Une des recommandations de la note inspirée du Canada est d’ Introduire en France un système clair et prévisible, de type « système à points », cela serait-il efficace ? 

Pour que la France profite davantage de l’immigration en terme économique, il faudrait comme Mme Pécresse le propose réduire drastiquement les flux en instaurant des quotas ce qui exige une révision constitutionnelle. Mme Pécresse est d’ailleurs la seule candidate de droite à avoir poussé l’exercice en rédigeant un projet de loi constitutionnel, mais il faudrait aussi mettre en place dans les pays d’origine un bilan de compétences pour les migrants familiaux. Il faudrait en effet faire faire en sorte que tout migrant familial soit testé en terme de compétences avant d’obtenir son visa de façon à pouvoir ensuite bénéficier d’un parcours de formation professionnel qui améliore son employabilité en France. 

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