Voilà ce que révèle l’impact quasi nul du crash des cryptomonnaies sur le reste de l’économie<!-- --> | Atlantico.fr
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Ce vendredi, la plate-forme d'échange de crypto-actifs FTX a été annoncée en faillite après avoir échoué à obtenir un plan de sauvetage.
Ce vendredi, la plate-forme d'échange de crypto-actifs FTX a été annoncée en faillite après avoir échoué à obtenir un plan de sauvetage.
©OLIVIER DOULIERY / AFP

Non-évènement

Alors que vient d’être annoncée la faillite de FTX, un des acteurs majeurs des cryptomonnaies, la crise est loin d'être équivalente en magnitude à ce que l’économie mondiale avait vécu au moment de celle de Lehman Brothers.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : >Ce vendredi, la plate-forme d’échange de crypto-actifs FTX a été annoncée en faillite après avoir échoué à obtenir un plan de sauvetage. Les experts ont établi des comparaisons entre l’effondrement de FTX et la chute de Lehman Brothers en 2008. Que signifie la chute de FTX pour le système financier ? Le peu d'effets qu'il a sur l’économie réelle ne montre-t-il pas à quel point l’écosystème des cryptomonnaies est encore isolé ?

Michel Ruimy : La faillite de la plateforme FTX, qui était considéré il y a encore quelques jours comme la deuxième plateforme mondiale, est le énième rebondissement du monde des cryptoactifs. Déjà très volatile, celui-ci est soumis aujourd’hui à un effet aspirant qui pourrait être dévastateur pour lui. 

En se remémorant le vent de panique créé sur les marchés par la chute du « stablecoin » TerraUSD (cryptoactif adossé au dollar), il est à craindre une contagion au système financier traditionnel, mais sans répercussions systémiques du fait d’une faible exposition à ces actifs. En effet, alors que les gestionnaires de fonds mondiaux se sont lancés dans une myriade de partenariats « cryptos » ces derniers mois, l’implosion de FTX, préférée à Binance par certains clients institutionnels, va vraisemblablement modifier la manière dont ces derniers interagiront avec les plateformes.

Enfin, la crise de 2008 avait entraîné une destruction généralisée de la richesse et une profonde récession. La grande différence avec la faillite de Lehman Brothers est de savoir qui interviendra sachant que la « planète crypto » n’est pas connectée à l’économie réelle comme l’étaient les prêts hypothécaires. Ceci signifie que la mise hors-jeu d’un des plus grands acteurs, autrefois considéré comme filet de sécurité potentiel pour l’ensemble du marché, n’est pas, dans une certaine mesure, une préoccupation pour les autorités monétaires.

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On voit depuis plusieurs mois maintenant les marchés des cryptomonnaies s’effondrer. Quel est l’impact de ces crashs sur l’économie réelle ?

Les cryptoactifs connaissent depuis plusieurs mois une chute spectaculaire. Cette baisse s’explique notamment par deux raisons.

D’une part, par l’éclatement d’une bulle spéculative en lien avec le fort et vif relèvement des taux d’intérêt par les banques centrales après une période où l’« argent gratuit » s’était déversé sur les bourses traditionnelles (politiques accommodantes). Cette hausse du prix de l’argent a alimenté la baisse des marchés financiers, dont font partie les cryptoactifs.

D’autre part, par une érosion de la confiance avec l’échec, en mai, d’un important projet sud-coréen : Terra (LUNA) et la débâcle, ces derniers jours, de la plateforme FTX, en quelque sorte un « Lehman Brothers des cryptoactifs », qui ont tiré encore un peu plus vers le bas ce compartiment.

La transmission de cette onde baissière à l’économie réelle doit être différenciée selon la zone géographique. Dans les pays développés où la diffusion de ces actifs est faible en raison d’un système financier relativement stable, l’intérêt de ces supports se situe davantage dans la protection contre l’inflation et dans un retour d’investissement. A cet égard, de nombreux cryptoactifs financent des projets soutenus par des entreprises technologiques cotées au Nasdaq (bourse américaine) à l’image de Tesla.

En revanche, cette tendance risque d’affecter grandement les pays émergents où ils se sont fortement développés ou ceux qui ont décidé de faire du bitcoin leur monnaie nationale (Salvador, République démocratique du Congo). Cette « cryptoïsation » peut résulter du manque de crédibilité des banques centrales, des faiblesses des systèmes bancaires, des insuffisances des systèmes de paiement et de l’accès limité à des services financiers. Ainsi, dans des pays où la monnaie est beaucoup moins stable comme l’Argentine - le peso a perdu 99% de sa valeur en 20 ans -, les Argentins s’en servent, dans les échanges du quotidien, comme alternative à un système financier perturbé.

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Quel est le poids du marché des cryptomonnaies par rapport aux marchés de capitaux ?

Ces supports sont une innovation financière conçue pour être utilisée dans des transactions entre pairs sans être redevables d’un gouvernement ou d’une banque centrale mais également pour limiter les risques potentiels du secteur financier. Plus de 9 000 actifs aujourd’hui, dont beaucoup présentent des volumes d’échange nuls, sont segmentés en fonction des objectifs de conception : alternative monétaire numérique à l’argent liquide, prise en charge d’un système de paiement à faible coût, soutien de l’activité de trading peer-to-peer…

Le marché est actuellement durement touché par le niveau de l’inflation et par de mauvaises conditions économiques. Selon le site www.coinmarketcap.com, la capitalisation boursière globale du marché est de l’ordre de 840 milliards USD, tirée par celle du bitcoin, chiffre à rapprocher, par exemple, de celui du marché mondial des changes où, selon la Banque des Règlements Internationaux, l’activité dépasse quotidiennement 6 600 milliards USD. Le poids de ce compartiment dans les marchés de capitaux est donc relativement faible.

Malgré la multiplication des plateformes d’échanges, une grande part des transactions se réalisent sur quelques sociétés leaders, comme Binance, qui domine le trading des cryptoactifs avec une part de marché supérieure à 50%.

A quel point y a-t-il une dimension « autarcique » au marché des cryptomonnaies ?

La création des cryptoactifs est notamment la conséquence d’un système résilient, qui serait capable a priori de résister aux futures crises financières. Ainsi, s’ils sont un sujet techniquement complexe, ils sont aussi une piste intéressante pour ceux qui veulent se couper / s’émanciper du système bancaire traditionnel.

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Cependant, le secteur des cryptoactifs, jusqu’ici plutôt discret face aux politiques, tente de se positionner comme un écosystème plus « institutionnel ». Mais, les candidats à la dernière élection présidentielle ne se sont pas vraiment positionnés sur les enjeux liés aux blockchains. Ces actifs semblant intéresser davantage les jeunes, il n’est pas impossible qu’à terme, certains dirigeants affichent des propositions afin de tenter de gagner des voix auprès de cette catégorie d’électeurs.

Y a-t-il une possibilité que les cryptomonnaies aient un vrai poids dans l’économie globale ? Si oui, faut-il s’en inquiéter et pourquoi ?

Les cryptoactifs constituent un écosystème où il y a beaucoup d’innovations, de capitaux et donc de création d’entreprises. Leur valeur i.e. le facteur technologique fondamental réside dans la blockchain sous-jacente. Sur les 16 000 actifs créés, il n’en reste aujourd’hui plus que 9 000 au motif, de manière générale, que de nombreux projets n’ont pas apporté de valeur sur le long terme. Cette situation est comparable à celle de la « bulle Internet » de la fin des années 1990. On a oublié le nom d’« entreprises stars » (Nortel, Compaq, Cisco…), puis Google, Amazon, Facebook… ont émergé.

L’ensemble du cycle de marché, actuellement baissier, doit permettre de réfléchir aux problèmes profonds du marché (manque de transparence, de visibilité des contreparties, bilans des projets ancrés dans des jetons spéculatifs…). En outre, ces actifs enregistrent de nombreuses transactions aux cours si erratiques qu’ils n’offrent pas assez de réserve de valeur / sécurité aux investisseurs. Il est impératif aujourd’hui que ce marché entame une nouvelle ère en basculant d’une valeur spéculative à une valeur utilitaire. L’atteinte de cet objectif suppose des actes et des pratiques radicalement plus ouvertes et transparentes.

Ce dont a besoin le secteur est un retour de la confiance et de l’enthousiasme sur la manière dont les jetons numériques s’intègrent dans nos vies de plus en plus numérisées. Déjà, de nombreuses banques centrales (Banque de France, Banque centrale européenne…) travaillent à la mise en place de monnaies numériques en utilisant la technologie de la blockchain. Il s’agit, pour elles, non pas de se positionner sur le marché des cryptoactifs mais de fluidifier les échanges de monnaies nationales, avec des dispositifs numériques plus rapides et plus fiables.

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