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Violences faites aux femmes : "Nous toutes" ou les limites du féminisme contemporain
©AFP

Manifestations

Des marches contre les violences sexistes et sexuelles sont organisées ce samedi à Paris et à travers la France, à l'initiative du mouvement Nous Toutes. Cette mobilisation souhaite "faire bouger notre pays, obtenir des mesures des pouvoirs publics et en finir avec les violences sexistes et sexuelles que subissent en immense majorité les femmes et les enfants".

Gabrielle  Cluzel

Gabrielle Cluzel

Gabrielle Cluzel est journaliste, rédactrice en chef de Boulevard Voltaire, et auteur. Elle a publié « Adieu Simone, les dernière heures du féminisme » aux éditions Le Centurion. 

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Atlantico.fr : Samedi 23 novembre le collectif Nous Toutes appelle à une marche contre les violences sexistes et sexuelles.

Comment expliquer qu'après plusieurs décennies de féminisme de telles manifestations soient encore nécessaires ?

Gabrielle Cluzel : Précisément, cette nécessité de manifester montre que le féminisme a échoué à défendre la femme... peut-être parce qu'en réalité il ne l’a jamais réellement défendue ! Il a marché main dans la main avec la gauche... énamouré comme  Beauvoir avec Sartre,  le féminisme a toujours été le supplétif empressé de la gauche, il a embrassé toutes ses causes. Le féminisme n'a été au fond qu'un prétexte  pour mettre à bas la société traditionnelle française, accusée d’être « patriarcale ».  La meilleure preuve est que lorsque l'immigration à majorité musulmane est arrivée en France, avec un regard culturellement très différent sur la femme (et radicalement patriarcal !), le féminisme n’a cette fois pas résisté. 

En réalité, les violences sexistes telles qu'elles existent aujourd'hui sont liées, je pense, à un double phénomène : la libération sexuelle, qu'il est interdit de critiquer, notamment à gauche, et qui a pris une tournure paroxystique dans les années 70 - Roman Polanski en est le symbole... - et qui a contribué à rendre les relations hommes/femmes extrêmement sommaires et triviales. Elle a dérégulé toutes ces étapes intermédiaires que pouvaient être la courtoisie, la galanterie française dont parle Claude Habib dans son livre du même nom : la société libertaire a dérégulé,  pour le multiplier et le rendre immédiat,  l’acte sexuel, tout comme la société libérale a dérégulé les marchés pour faciliter le commerce, il n'y a plus d'étapes progressives dans le consentement, plus de protection ni de limite. C'est très violent pour les femmes parce que ce n'est pas conforme à leur psychologie. De fait, le dialogue entre hommes et femmes a été rompu, leur relation abîmée, réduite à une forme d’antagonisme méfiant. 

L’autre raison, c’est l’arrivée sur notre sol d’une population avec une autre vision de la femme.  Ce n'est pas raciste de le dire, car tous les guides touristiques le confirment : il est de nombreuses régions, à l’étranger, où les femmes, pour éviter « les ennuis », doivent se couvrir les épaules, les bras, les jambes, voire la tête. Et pourquoi donc les mœurs des ressortissants de ces pays-là changeraient-elles sitôt qu’ils passent la frontière ? Ils sont d’autant moins incités à les abandonner qu’ils se retrouvent nombreux sur le sol français, confortés par une communauté soudée. « L’excuse culturelle » est d’ailleurs parfois invoquée par des m avocats dans le cadre de violences sexuelles... vous entendez beaucoup de féministes sur cet épineux sujet ? 

Cette manifestation est, disons-le, un coup de com’, c’est tout  : parmi les organisatrices, il y a par exemple Caroline de Haas, qui a aussi battu le pavé récemment à la marche contre l'islamophobie, aux côtés d’islamistes notoires. Une féministe qui marche avec des islamistes, c'est, si j’ose dire, comme un vegan qui participe à une chasse à courre... On se fiche du monde. Dresser les hommes contre les femmes est la dernière chose à faire aujourd'hui : la société est suffisamment violente, toutes sortes de catégories de populations se dressent déjà les unes contre les autres, « face à face » comme dirait Gérard Colomb...  Et ce n'est certainement pas une manifestation qui va changer la nature profonde des relations hommes / femmes : la réponse est civilisationnelle, culturelle, relève de l'éducation mais certainement pas de la manifestation. Il s’agit d’une manifestation gadget, instrumentalisée par des divas féministes. 

Le féminisme français est très politique et relativement conceptuel. Peut-on voir dans la manifestation de demain les limites d'une telle conception très généraliste, qui néglige les problèmes concrets des femmes ?

Evidemment. Les  féministes disent ne pas vouloir comme l’an passé se faire voler la vedette par les Gilets Jaunes. Mais les vraies difficultés concrètes étaient portées par les femmes en jaune que l’on a vues durant des mois sur les ronds-points ! Les problèmes de fin de mois,  l’envie légitime d’élever correctement leurs enfants. Bien sûr, ces femmes se retrouvent parfois en butte à la violence, le sujet ne doit pas être éludé. Néanmoins, c'est de façon concrète, par des mesures judiciaires appropriées et sévères (qu’a fait  d’ailleurs Christiane Taubira, grande féministe devant l’Éternel, pour lutter contre récidive en matière de délinquance sexuelle ? Rien ! Malgré les supplications des familles des victimes...) que l’on pourra y remédier, et certainement pas par de grandes manifestations politiques. Le plus suspect - et cela nous ramène au début de cet entretien -, est le côté monochrome du mouvement  :  c’est la gauche à la manœuvre. Ce n'est pas un mouvement qui transcende les partis politiques, pourtant, tous bien sûr sont contre ces violences. Donc ce n'est pas une manifestation de femmes. C'est une manifestation de femmes de gauche qui veulent se mettre en avant. 

Les féministes ont rejoint la défense de l'intersectionnalité. La femme est-elle devenue une minorité comme une autre ? 

Déjà c'est factuellement faux, les femmes ne sont pas une minorité. C’est même l’inverse. Simone de Beauvoir l’expliquait déjà dans Le Deuxième sexe : l’argument « minorité » ne tient pas, le seul combat, disait-elle, auquel on peut comparer la guerre des sexes, est, pour cette raison, la lutte des classes. Par ailleurs, cette  intersectionnalité artificielle, cette convergence des luttes à marche forcée, oblige à un féminisme à géométrie variable qui occulte de vrais sujets - comme la condition féminine issue de certaines « minorités » en banlieue - pour éviter de fâcher... c'est la quadrature du cercle. Ce n'est pas un combat pour défendre la femme, c’est un combat pour sauver la gauche. C'est assez comparable à l'écologie : d’une cause louable dépassant en théorie les discordes partisanes, on a fait une bouée de sauvetage de gauche. 

Propos recueillis par Aliénor Barrière

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