Ultimatum des patrons au gouvernement : les trois raisons pour lesquelles ils sont si pressés <!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Gattaz, président du Medef.
Pierre Gattaz, président du Medef.
©Reuters

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Les organisations patronales (huit au total) ont écrit au président de la République pour lui demander d’apporter la preuve qu’il fera bien les réformes annoncées. Jusqu’à présent, rien n’a été fait. Et devant la fronde des parlementaires, les chefs d’entreprise pensent que rien ne sera fait non plus à l’avenir. Ils craignent qu’on aille à la catastrophe économique et sociale.

Cette fois, les patrons français sont vraiment fâchés. Huit organisations d’employeurs dont le Medef, la CGPME, l’Afep, et Ethic, ont mis en demeure le président de la République et son premier ministre de faire démarrer le train de réformes annoncées depuis plus de 6 mois, sans quoi ils quitteront la table de la grande conférence sociale des 7 et 8 juillet prochain. Ce qui voudrait dire qu’ils bloqueraient le fonctionnement de tous les organismes paritaires qui gèrent le modèle social, l’Unedic, les retraites, l’assurance-maladie, etc. Dans une lettre d’une rare violence, les mouvements patronaux demandent au président qu’il tienne ses engagements au minimum sur trois points.

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Premier point, ils demandent que l’objectif de baisse des prélèvements obligatoires de 41 milliards sur 3 ans soit acté non seulement dans le pacte de responsabilité, mais soit aussi inscrit dans la loi de finances rectificatives. Actuellement, l’État essaie d’obtenir du parlement une baisse des charges sur 2015. Et encore, il n’y a aucune trace écrite d’un engagement sur 3 ans. Pour cause, dit-on au Medef : le gouvernement ne trouve pas le financement de ces baisses par des allègements de dépenses.

Second point, les organisations patronales demandent un engagement de simplifications et de stabilité fiscale. En clair, cela veut dire qu’il faudrait  arrêter ou geler  tous les projets qui fleurissent dans tous les bureaux à propos de telle ou telle taxes. Deux projets mettent particulièrement en colère les patrons.

La perspective de tenir un compte pénibilité pour le calcul des retraites. C’est un vrai casse-tête chinois. Les mouvements patronaux disent que la pénibilité du job est déjà prise en compte dans le salaire. A la rigueur ils seraient prêts à renégocier la partie pénibilité dans le salaire, mais pas question de se livrer à un travail administratif ingérable pour mesurer la difficulté d’un travail dans la perspective du calcul de la retraite. C’est Kafka. L’autre projet qui rode au parlement serait de demander aux entreprises qui n’auraient pas créé d’emplois dans l’année de rembourser le crédit d’emplois compétitivité qu’elles auraient touchés. Ce projet est explosif. Il correspond à l’idée que si les entreprises touchent de l’argent public, ils doivent s’engager à créer des emplois. Le débat a déjà eu lieu. Il est lui aussi explosif. Les entreprises ne peuvent pas prendre d’engagements chiffrés.  Sur ces des deux projets les chefs d’entreprises sont prêts à faire la guerre.

Troisième point, les chefs d’entreprises demandent au président et au premier Ministre de s’attaquer enfin aux réformes structurelles de simplification et de dérégulation sur la fiscalité et le droit du travail. Le président de la République n’a pas cessé de reculer sur tous les projets qui avaient pour but de rationaliser les dépenses publiques. Les fonctionnaires par exemple ont récupéré le bénéfice d’un jour de carence en cas d’arrêt maladie (vive l’absentéisme), les intermittents sont en train de gagner l’ajournement des décisions qui avaient été pourtant négociées paritairement… Quant aux 50 milliards d’économies, on les cherche encore.

Faute de signes tangibles sur ces trois dossiers, les mouvements patronaux décideront d’abandonner la partie et de baisser les bras. Aucune raison de cautionner le fonctionnement d’un modèle social qui prend l’eau de partout et que le gouvernement n’ose pas réformer pour le sauver.

Pour quoi les patrons sont-ils aussi pressés ? Tout simplement parce qu’ils considèrent que la situation française est au bord de la catastrophe. Tous les indicateurs montrent que si rien n’est fait, on s’engage vers le déclin, alors que les autres pays d’Europe ont présenté et appliqué des plans de redressement.

D’abord, tous les indicateurs sont au rouge. Tous les moteurs de l’activité sont en panne. Investissement, consommation et exportation compris.  

Ensuite parce que l’environnement socio-économique est tel que les entreprises  n’ont aucune raison d’avoir confiance. Or la climat social compte tenu du chômage va se dégrader encore davantage. Même si inconsciemment l’avenir de la France était de se transformer en club de vacances pour touristes étrangers, on serait incapables d’en assurer les services correspondants.

Enfin, les chefs d’entreprise cherchent désespérément des raisons de faire ces budgets prévisionnels pour 2015. Qui seraient un peu plus épicés, mais pour l’instant tout est fade. Sur la base des chiffres du premier semestre, l’année 2014 présentera un encéphalogramme plat. Si on veut que l’année 2015 marque un début de redressement, il faudra manœuvrer au second semestre,  c’est-à-dire savoir si le gouvernement a compris dès le mois de septembre. Les budgets et les plans pour 2015 sont bouclés en novembre. Il faudrait donc qu’on ait dès cet été, un état des reformes et de l’environnement.

Alors il y en a qui vont encore dire que c’est de la faute aux  Allemands, à l’euro, aux  banques et surtout à la  Banque centrale européenne… Évidemment, cela nous exonère de tout examen. Mais ce genre d’incantation ne trompe personne. Le redressement ne dépend que de ce gouvernement et de ce président. Ou l’écosystème reste asphyxiant, ou il est dopant et porteur.

Actuellement il ne porte que des risques. Il est asphyxiant et rien ne dit qu’on soit capable à l’Élysée de préparer les bouteilles d’oxygène.

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