"Skylight" de David Hare : inventaire d’une fracture sociale et amoureuse<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
"Skylight" de David Hare est à découvrir au théâtre du Rond-Point.
"Skylight" de David Hare est à découvrir au théâtre du Rond-Point.
©

Atlanti-Culture

La pièce de théâtre "Skylight" de David Hare est à retrouver au théâtre du Rond-Point.

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann d’abord professeur d’histoire en collège, est actuellement enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’université de Lille – Charles de Gaulle. Le théâtre est une passion qui remonte à sa découverte du Festival d’Avignon ; il s’intéresse également aux séries télévisées. Il est, avec Charles Edouard Aubry, co-animateur de la rubrique théâtre et membre du Comité Editorial de Culture-Tops.

Voir la bio »

"Skylight"

De David Hare

Traduit de l’anglais par Dominique Hollier

Durée : 1 h 50

Mise en scène

Claudia Stavisky

Avec

Patrick Catalifo, Sacha Ribeiro, Marie Vialle

INFOS & RÉSERVATION

Théâtre du Rond Point

2bis avenue Franklin Roosevelt

75008 PARIS

01 44 95 98 21

http://www.theatredurondpoint.fr

Du 18 au 29 mai à 21h sauf les lundis. Les dimanche à 15 h. Relâche le 26 mai.

Notre recommandation : EXCELLENT

THÈME

Tour à tour, le fils puis le père viennent rencontrer Kyra, à présent enseignante, dans son modeste appartement, situé dans un quartier périphérique de Londres peu recommandable.

Kyra avait brutalement rompu tout lien avec leur famille, alors que sa trajectoire professionnelle était si prometteuse dans l’entreprise de restauration florissante du second, devenu par ailleurs son amant.

Cet espace mal chauffé, aux pièces représentées par des armatures métalliques verticales et horizontales constitue la lucarne, le puits de lumière – le skylight – où les choses vont être mises au point une bonne fois pour toute entre les protagonistes, en respectant les exigences d’une unité de temps (d’un après-midi au lendemain matin), de lieu, et d’action.

POINTS FORTS

La pièce, écrit dans les années 1990, délivre une charge vigoureuse contre une conception de la bonne marche de l’économie et des hiérarchies sociales légitimes qui eut son heure de gloire dans l’Angleterre néo-libérale de Mme Thatcher et de ses successeurs, qu’il s’agisse du conservateur John Major, ou du champion travailliste du New Labour, Tony Blair.

Certains morceaux de bravoure sont particulièrement bien sentis au cours de l’affrontement que se livrent - sur le terrain des idées, des valeurs, mais aussi des sentiments - l’entrepreneur accompli et son ancienne maîtresse, un temps partie prenante du système.

Mais l’auteur a l’intelligence de distribuer les remarques les plus déstabilisatrices à l’un comme à l’autre des protagonistes, de sorte que le réquisitoire de Kyra n’exclut pas le plaidoyer de Tom, et inversement, chacun des deux protagonistes se faisant le meilleur avocat de sa propre cause.

L’interprétation singulièrement forte des principaux personnages – Tom (P. Catalifo) et Kyra (M. Vialle) - qui tentent de faire revivre leur amour alors que les conditions et le moment ne s’y prêtent plus, que l’émancipation de la jeune femme est accomplie et que son amant, en dépit des remises en cause, reste prisonnier de conceptions par trop figées et dont il ne peut se défaire, en dépit de l’indéniable force de ses sentiments.

Une mise en scène probante, une direction de comédiens nerveuse et dynamique, et des décors judicieusement agencés.

QUELQUES RÉSERVES

À quand une pièce française aussi forte sur les effets sociaux du néolibéralisme importé d’Outre-Atlantique et d’Outre-Manche ?

ENCORE UN MOT...

Décidément, Jean-Michel Ribes soigne sa sortie (prévue pour 2023) !

En effet, Skylight, c’est un théâtre engagé punchy, qui évite les écueils d’un didactisme trop poussé ou les facilités d’un théâtre militant schématique et désincarné. Bref, un « théâtre réaliste » assez éloigné des productions assommantes du « théâtre à thèse ».

Margareth Thatcher avait un jour déclaré : “La société, ça n’existe pas“. David Hare pense et surtout prouve exactement le contraire..

NB : Une fois encore, l’affiche de Stéphane Trapier résume et va à l’essentiel...

UNE PHRASE

Kyra [s’adressant à Tom] : «... tout à l’heure, quand tu parlais du “business“ [tu disais] “Plus personne ne comprend rien aux affaires“, voilà ce que tu m’as dit. Et tout à coup, on n’entend plus que ça. Tous ces gens qui, soi-disant, “réussissent“ et qui n’arrêtent pas de se plaindre. La société toute entière devrait les remercier à genoux de faire ce qu’ils n’appellent plus “gagner de l’argent“. Aujourd’hui, il faut appeler ça autrement, trouver un nom bien plus gentil. Aujourd’hui, nous devons dire “créer de la richesse“… »

L'AUTEUR

Né en 1947, David Hare fonde sa troupe de théâtre en 1968, après ses études à Cambridge, et se fait remarquer dès sa première pièce, Slag (1970).

Skylight a été créé en 1995, alors qu’il était à la direction du National Theater de Londres. Les questions de pouvoir, d’argent, de corruption et de conflits d’intérêt sont à l’origine de nombre de ses pièces, comme Gethesmane (2008).

Éclectique mais toujours engagé, il écrit aussi bien sur la guerre en Irak (Stuff Happens, 2004) que sur le MI-5, les relations israélo-palestiniennes (Via Dolorosa, 1998) ou l’expérience de la pandémie (Beat the Devil, 2020).

David Hare donne aussi toute la mesure de son talent dans l’écriture et la réalisation de films (Wetherby, Ours d’Or à Berlin en 1985) et la scénarisation cinématographique (Damage de Louis Malle en 1992, Le procès du siècle en 2016, Noureev de R. Fiennes en 2018).

Il est considéré comme l’un des dramaturges les plus importants du XXe siècle.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !