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Quand les monarchies du Golfe sont obligées d'importer… du sable
©Petr Kratochvil

Le sable est toujours plus fin ailleurs

Il y a autant de grains de sable que d'étoiles dans l'univers, soit. Mais vous ne pourrez bientôt plus vous baigner dans vos plages favorites.

Quand la ville de Dubaï a voulu construire The World, son archipel d'îles artificielles représentant les pays du monde, elle a importé 500 millions de tonnes de sable d'Australie. N'est-ce pas ironique, pour une ville du désert ?

La BBC a l'explication : il y a une différence entre les grains de sable transportés par l'eau, et qu'on trouve sur les plages et les rivières, et les grains de sable transportés par le vent, qui environnent notamment Dubaï. En effet, on a rarement vu le vent soulever le sable des plages, même sec : cela suppose bien que les grains y sont plus lourds. Ceux du désert, trop légers, trop usés, trop ronds, sont impropres à la construction.

Du sable des fleuves à celui des littoraux

Et son rôle, dans la construction, est essentiel. "Mélangé au ciment, c'est un matériau performant, ni cher ni difficile à trouver… jusqu'à il y a peu", décrit Le Monde, "car les carrières accessibles se raréfient et les lits des rivières ont été vidés". La Loire par exemple, célèbre pour la qualité de son sable, a été très fortement draguée à partir des années 1970. En 1972, il en fut prélevé 5 millions de tonnes rien qu'en Maine-et-Loire et Loire-Atlantique, alors que sa "production" annuelle n'est estimée qu'à 500 000, voire 1 million de tonnes. Autrement dit, son extraction raconte, en creux, la folle expansion des hommes.

La raréfaction des carrières a conduit les industriels à solliciter les plages, mais surtout les fonds marins, d'où ils extraient d'immenses quantités de granulats. "Une méthode qui aspire tout sur son passage, non seulement le sable mais le plancton et les autres êtres vivants, mais, en plus, déstabilise le littoral, ce qui accélère son érosion", poursuit Le Monde. En témoigne, récemment, l'opposition de sept maires de Charente-Maritime au projet "Le Matelier" d'exploitation dans l'estuaire de la Gironde.

La demande ne semble jamais s'arrêter

C'est l'explosion du secteur du BTP qui contribue à la croissance de la demande de sable. Il en faut 200 tonnes pour une maison de taille moyenne, 3 000 pour un hôpital, 30 000 pour un kilomètre d'autoroute, ou encore 12 millions de tonnes pour une centrale nucléaire…Les Echos précisent : "Le remblaiement des plages et la poldérisation constituent le second débouché du sable. Vient ensuite la consommation industrielle : fabrication du verre, de cellules photovoltaïques, etc." Les Nations Unies estiment ainsi que la Chine aurait consommé autant de sable au cours de ces 4 dernières années que les Etats-Unis en un siècle.

En somme, le sable est la ressource naturelle la plus utilisée, devancé seulement par l'air, et l'eau. Pascal Peduzzi, chercheur au Programme des Nations unies pour l'environnement, a publié une étude en mars 2014 dans laquelle il déclare que "globalement, entre 50 et 60 milliards de tonnes de matériaux sont extraits au niveau mondial chaque année, et le sable et le gravier en représenteraient 68 à 85 % du total". Sur l'estimation totale de 120 millions de milliards de tonnes, on pourrait supposer que ce n'est rien. A titre de comparaison, il y aurait autant d'étoiles dans l'univers (ce qui montre que l'estimation de la Genèse était étonnamment juste).

L'extraction illégale est un secteur très rentable

A Oran, en Algérie, la Gendarmerie nationale annonce que 200 personnes ont été arrêtées en 2015 pour pillage de sable. En effet, l'exploitation est sévèrement encadrée dans les pays développés, mais partout ailleurs le marché noir s'enrichit. Au Maroc, certaines plages ont tout bonnement disparu, d'après le reportage "Le Sable– Enquête sur une disparition" de Denis Delestrac, diffusé en 2013 et à nouveau en 2015. Bruce Edwards, dans la revue du Fonds monétaire international, enfonce le clou : "La moitié du sable utilisé dans la construction au Maroc – 10 millions de mètres cubes – vient de l'extraction illégale de sable côtier. Dans certaines parties de l'Inde où le prix du sable s'est envolé dramatiquement depuis le boom immobilier des dix dernières années, les cartels contrôlent en majeure partie l'offre".

Les Echos rappellent que "la frénésie d'achat de sable de Singapour, qui n'a cessé d'étendre son territoire – la surface de l'île a augmenté de 20 % en l'espace de quarante ans –, provoque des tensions. Son agrandissement s'est fait au détriment d'une vingtaine d'îles indonésiennes disparues de la surface du globe avant que Jakarta n'interdise, au début des années 2000, l'exploitation de sable".

Même légale, l'extraction est trop intense pour l'équilibre des écosystèmes

Aux Etats-Unis et dans d'autres pays développés, la fracturation hydraulique est une nouvelle source d'utilisation intensive de sable. En 2013, l'utilisation de sable pour les puits de fracturation était 19 fois plus importante qu'en 2003.  En effet, le processus consiste à injecter de l'eau et du sable dans un conduit foré profondément, afin d'en extraire du pétrole ou du gaz naturel qui était jusqu'alors inaccessible.

Seulement, même à mesure que la technologie de fracturation hydraulique s'améliore, la demande de sable augmente. De 2000 tonnes par puit à la mi-2013, l'industrie est passée à 4 400 tonnes par puit à la fin 2015. Et comme le gaz naturel se présente de plus en plus comme une alternative au pétrole, il est à craindre que la surexploitation ne se poursuive. 

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