Editorial
Pourquoi la loi El Khomri ne survivra pas à la guerre de tranchées déclenchée par le gouvernement
Les conditions générales étaient pourtant favorables à une détente du climat social avec la reprise conjoncturelle en Europe, l’amélioration du pouvoir d’achat grâce à la baisse du pétrole et de l’euro, une timide reprise de la croissance et l’amorce d’un repli du chômage.
Les mois de mai ont toujours une sinistre réputation sur le front des conflits sociaux et le cru 2016 n’échappe pas à la tradition qui veut qu’un embrasement cyclique enflamme régulièrement le pays. Les conditions générales étaient pourtant favorables à une détente du climat social avec la reprise conjoncturelle en Europe, l’amélioration du pouvoir d’achat grâce à la baisse du pétrole et de l’euro, une timide reprise de la croissance et l’amorce d’un repli du chômage. Mais les experts savent bien que c’est au moment où une certaine détente se produit, où les contraintes paraissent se desserrer que les revendications se font plus fortes, car le carcan des contraintes qui demeurent devient insupportable. Au demeurant, le gouvernement a commis l’erreur de commencer la distribution des cadeaux électoraux aux privilégiés de son camp, déclenchant aussitôt une vague de revendications au moment où il mettait le feu au front syndical.
En quelques semaines, François Hollande a laissé se créer un climat schizophrénique où plus personne ne reconnait les siens. La loi El Khomri, au demeurant vidée en grande partie de sa substance, est devenue une sorte d’anathème débouchant sur une véritable guerre de tranchées. Ce n’est pas en modifiant aujourd’hui quelques paragraphes qu’on aboutira à une solution, tant les antagonismes sont exacerbés. Comme toujours , François Hollande a voulu finasser, selon sa vieille habitude du diviser pour régner. Il a commencé par s’appuyer sur la CFDT pour fractionner le camp syndical, mais il tente aujourd’hui de se rapprocher de Force ouvrière, pour détacher cette organisation de la CGT, au risque de s’aliéner la centrale de Laurent Berger et de précipiter la fin de la loi travail. Il espérait qu’en faisant traîner les choses, il laisserait pourrir la situation, face à l’impopularité de l’opinion devant le manque de carburant à la pompe. Or, c’et le contraire qui s’est produit. Les Français sont exaspérés par l’étendue du conflit actuel, mais se montrent relativement indulgents vis-à-vis de la CGT, tant la responsabilité incombe selon eux au gouvernement, dont l’impopularité atteint des sommets. Car le rejet de l’exécutif atteint un point de non retour. François Hollande est devenu l’homme le plus imprévisible qui soit en raison de ses abandons, ses reniements, ses volte-face incessantes. Il a réussi à donner l’impression que la loi El Khomri conduirait à faciliter les licenciements pour favoriser des embauches à des conditions moins avantageuses pour les salariés, suscitant dans l’opinion une peur qui conduit celle-ci à soutenir les manifestants dans leur hostilité au projet.
Le débat sur la nationalité avait déjà empoisonné l’opinion avant de s’achever sur un fiasco. La discussion sur la réforme du droit du travail a porté l’exaspération à un degré supplémentaire d’hostilité aussi bien dans la classe politique que dans l’opinion, qui n’accorde plus la moindre crédibilité à la parole officielle. La cacophonie qui se développe au sein de la gauche elle-même, le départ de certains collaborateurs de haut niveau, en quête de postes plus solides, témoignent de l’ambiance de fin de règne qui se répand. Ce n’est pas dans les derniers mois d’un mandat que l’on peut imposer l’autorité et prétendre engager des réformes. Cela fera-t-il réfléchir François Hollande pour l’amener à envisager de quitter un jour la scène dans les décombres de la loi travail ? Ce n’est pas ce qui l’anime pour l’instant ; à l’instar de tout homme politique, il rêve d’être aimé et de reconquérir l’opinion, même si les perspectives n’ont jamais été aussi sombres pour lui.
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