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Petites histoires des animaux célèbres : Bucéphale, le cheval d’Alexandre le Grand
©Reuters

Bonnes feuilles

Au lendemain de la modification du Code Civil qui reconnaît enfin que les animaux sont des « êtres vivants doués de sensibilité », Marie-Hélène Baylac nous invite à une redécouverte inédite et jubilatoire du monde animal à travers ses figures de proue les plus célèbres. Extrait de "Histoire des animaux célèbres", publié chez Perrin (1/2).

 Marie-Hélène Baylac

Marie-Hélène Baylac

Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure et agrégée d’histoire, Marie-Hélène Baylac a écrit sur la période révolutionnaire et l’Empire. Elle s’intéresse également à une approche transversale de l’histoire dont témoignent ses deux derniers ouvrages : Ces objets qui ont fait l’histoire (First, 2013) et Dictionnaire Gourmand (Omnibus, 2014).

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Un jour de l’an 341 avant notre ère, un Thessalien, du nom de Philonicus, se présente devant Philippe, roi de Macédoine, pour lui vendre un cheval. L’historien romain Plutarque raconte : « On descendit dans la plaine pour essayer le cheval ; mais on le trouva difficile, et complètement rebours : il ne souffrait pas que personne le montât ; il ne pouvait supporter la voix d’aucun des écuyers de Philippe et se cabrait contre tous ceux qui voulaient l’approcher. » Philippe ordonne qu’on le renvoie. Mais son fils, un adolescent d’une quinzaine d’années, laisse échapper sa désapprobation : « Quel cheval ils perdent là ! s’écrie Alexandre, qui était présent ; c’est par inexpérience et timidité qu’ils n’en ont pu venir à bout. Son père, qui l’entendait, ne dit rien d’abord ; mais, Alexandre ayant répété plusieurs fois la même chose, et témoigné le chagrin qu’il éprouvait : “Tu blâmes des gens plus âgés que toi, dit enfin le souverain, comme si tu étais plus habile qu’eux, et que tu fusses plus capable de dompter un cheval. – Sans doute, reprit Alexandre, je viendrais mieux qu’un autre à bout de celui-là. – Mais si tu échoues, quelle peine porteras-tu pour ta présomption ? – Eh bien ! dit Alexandre, je paierai le prix du cheval.” Cette réponse fit rire tout le monde ; et Philippe convint avec son fils que celui qui perdrait paierait les treize talents. »

Si Alexandre est si sûr de lui, c’est parce qu’il a compris pourquoi le cheval est farouche : les mouvements de son ombre sur le sol l’effrayent. Il le place donc face au soleil, le flatte doucement de la voix et de la main jusqu’à ce qu’il se calme puis l’enfourche « et le lâche à toute bride, en lui parlant d’une voix plus rude, et en le frappant du talon. Philippe et tous les assistants regardaient d’abord avec une inquiétude mortelle, et dans un profond silence ; mais, quand Alexandre tourna bride, sans embarras, et revint la tête haute et tout fier de son exploit, tous les spectateurs le couvrirent de leurs applaudissements. Quant au père, il en versa, dit-on, des larmes de joie ; et, lorsque Alexandre fut descendu de cheval, il le baisa au front : “O mon fils ! dit-il, cherche un royaume qui soit digne de toi ; la Macédoine n’est pas à ta mesure.” » Désormais, le sort d’Alexandre et celui de Bucéphale sont liés.

Bucéphale n’est certes pas un cheval ordinaire. Il appartient à la meilleure race de Thessalie, cette région d’où sont originaires les mythiques centaures, des chevaux dotés d’un buste d’homme, tout un symbole… Son origine est marquée au fer rouge sur une de ses cuisses : l’empreinte d’une tête de boeuf. D’où probablement son nom, qui signifie littéralement « tête de boeuf », parfois aussi attribué à l’aspect de sa tête : un front large et des naseaux courts et écartés. Ce beau et fort cheval a trouvé un maître à sa mesure et Alexandre un cheval à la hauteur de ses ambitions.

Quand Philippe meurt en - 336, Alexandre, devenu roi de Macédoine, décide de se lancer à la conquête du monde. Il conforte son emprise sur les cités grecques puis, au printemps de l’an - 334, s’engage en Asie. Dans les années qui suivent, il constitue un immense empire, qui s’étend de la Grèce et de l’Egypte jusqu’à l’Inde. Dans tous les combats, c’est Bucéphale qui le porte. Plutarque raconte qu’un jour, aux abords de la mer Caspienne, des « barbares ayant rencontré ceux qui conduisaient son cheval Bucéphale, le lui enlevèrent ». Et il ajoute : « cette perte l’affecta vivement », au point qu’Alexandre dépêche un homme pour annoncer aux ravisseurs que s’ils ne rendent pas le cheval, il les fera tous passer au fil de l’épée, eux, leurs femmes et leurs enfants. Bien sûr, Bucéphale lui est rendu.

Cet attachement, Bucéphale le rend bien à son maître, au point de le porter jusqu’à la limite de ses forces. En - 326, Alexandre affronte le raja Porus, sur les bords de l’Hydaspe, au Pendjab, dans l’actuel Etat du Pakistan. La bataille est d’une grande violence. Les chevaux de la cavalerie macédonienne sont effrayés par les deux cents éléphants caparaçonnés qu’aligne le raja… sauf Bucéphale : sur une pièce de monnaie frappée trois années plus tard, on voit Porus juché sur un éléphant brandir une lance vers Alexandre qui le poursuit à cheval. La victoire reste à Alexandre. Mais Bucéphale, blessé, âgé de trente ans – un âge respectable pour un cheval –, meurt peu de temps après. Plutarque dit le chagrin de son maître qui « crut avoir perdu un ami, un compagnon fidèle », le fit enterrer sur le bord de l’Hydaspe et fonda sur cet emplacement une ville qu’il appela Bucéphalie (aujourd’hui Jhelum).

Extrait de "Histoire des animaux célèbres", de Marie-Hélène Baylac, publié chez Perrin, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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