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NKM et maintenant Nadine Morano… Pourquoi les favoris de la primaire représentent autant le problème que la solution des outsiders
©Reuters

Double-Face

En début de semaine Nadine Morano, après Nathalie Kosciusko-Morizet, a vertement critiquée l'organisation des primaires, ainsi que son verrouillage par les grands candidats.

Philippe Goulliaud

Philippe Goulliaud

Rédacteur en chef du service politique du Figaro, il a co-écrit avec Marie-Benedicte Allaire "L'incroyable septennat" en 2002 (Fayard). 

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Atlantico : Le 8 août dernier, Nadine Morano s'est exprimée sur sa participation à la primaire de la droite, critiquant vivement les conditions de candidature. Que sait-on, à quelques mois du scrutin, des coulisses de cette première primaire à droite, de son fonctionnement ?

Philippe Goulliaud : Pour la droite, cette primaire est un voyage en terre inconnue. Certes, il y a eu le précédent de la primaire socialiste, en 2011, qui avait vu la victoire de François Hollande. Le PS a fait figure de précurseur, à l’époque sous les critiques permanente de la droite. Nécessité fait loi, Les Républicains se sont convertis au principe d’une primaire à droite, pour résister à la pression électorale du Front national et tenter d’assurer la présence de leur candidat au second tour de la présidentielle de 2017. Ils se sont inspirés du modèle socialiste de 2011 : primaire ouverte à tous les électeurs, système de parrainages pour filtrer les candidatures, débats télévisés entre les postulants. Cinq ans plus tard, la droite promet une primaire ouverte, les 20 et 27 novembre. Mais dans les faits, ce n’est pas si simple. Le système de parrainages - 2 500 militants à jour de cotisation, 250 élus, 20 parlementaires – est beaucoup plus restrictif et favorise les "grands candidats". Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon, Bruno Le Maire et sans doute Jean-François Copé réussiront à franchir le pas. Sans oublier Jean-Frédéric Poisson, président du Parti chrétien démocrate, dispensé de rechercher des parrainages comme symbole d’ouverture. Les autres, tous les autres, rament. Et du coup dénoncent un verrouillage par la rue de Vaugirard, le siège du parti. Les tensions devraient monter sur ce thème jusqu’au 9 septembre, date limite de dépôt des parrainages.

Il y a également eu quelques accrochages entre Nicolas Sarkozy et ses rivaux qui l’ont accusé de faire campagne en utilisant les moyens, notamment financiers, du parti, certains souhaitant qu’il démissionne de la présidence de LR. Et il y a eu aussi une passe d’armes sur le vote des Français de l’étranger qui, in fine, s’est traduite par la victoire des concurrents de l’ancien chef de l’État qui ne voulait pas d’un scrutin électronique et a dû s’y résoudre.

De nombreux candidats se plaignent ouvertement des conditions de participation, jugées trop complexes à remplir, et accusent Nicolas Sarkozy de verrouiller le jeu. Qu'en est-il ? Peut-on décemment penser qu'à terme, pour participer, il faudrait être "adoubé" par le chef des Républicains ou par son rival Alain Juppé ? Les deux hommes nourrissent-ils des calculs politiques pour affaiblir l'autre ?

Sarkozy ou Juppé ont-ils intérêt à favoriser des "petits candidats" ? Pas si sûr. Le débat, pour le moment, semble se focaliser sur le duel entre le président des Républicains, le favori des militants, et le maire de Bordeaux, qui reste le favori des sondages même si l’écart s’est resserré. Dans ce contexte, tous les autres candidats seront tentés de les choisir pour cible et de multiplier les critiques contre leurs propositions, voire les critiques ad hominem.

Cela n’empêche pas les calculs pour préparer les rassemblements de second tour. Ainsi Dominique Bussereau, membre de l'équipe de campagne d'Alain Juppé, vient-il de faire un petit signe amical à Nathalie Kosciusko-Morizet. Il a souhaité sur Twitter la bienvenue dans son département de Charente-Maritime à "la courageuse et brillante NKM" qui peine à trouver ses parrainages. Et sans aller jusqu’à lui donner le sien qu’il a déjà accordé au maire de Bordeaux, il a formé le vœu qu’elle puisse participer à la compétition. "Ce serait dommage qu'il n'y ait pas de candidature féminine dans la compétition", a-t-il dit. Les militants et élus LR de son département seront peut-être sensibles à cet appel du pied.

Quant à Nicolas Sarkozy, il a vu Jean-François Copé avant l’été. Il a déjeuné avec Nadine Morano pour tenter de se réconcilier avec elle. Il fera tout pour apparaître plus rassembleur qu’Alain Juppé.

Par ailleurs, l’intérêt de Sarkozy est sans doute qu’il n’y ait pas trop de participants à la primaire. Plus elle sera ouverte aux électeurs modérés, centristes, voire de gauche, et plus on se rapprochera du corps électoral de la présidentielle. Ce qui devrait favoriser Juppé. Plus le corps électoral sera limité et plus les militants LR, tout acquis au président du parti, seront en situation de faire le scrutin. Au profit de l’ancien chef de l’État. Mais le paradoxe de cette consultation est que Sarkozy a aussi intérêt, pour la suite, à ce que la primaire à droite connaisse un succès populaire équivalent, voire supérieur, à celui de la primaire socialiste qui avait attiré quelque trois millions d’électeurs au second tour. Il ne peut pas s’offrir la moindre contestation du résultat du scrutin, quel qu’en soit le vainqueur. En 2006, la primaire interne au PS qui avait vu la victoire de Ségolène Royal n’avait pas été suivie d’une réconciliation avec ses adversaires, DSK et Laurent Fabius. En 2001, les socialistes avaient retenu la leçon et ils ont joué le grand air de la réconciliation. Là encore, la droite va devoir s’inspirer de l’exemple de 2011. Et pour cela, il faut qu’il n’y ait pas eu trop de violence verbale entre les candidats. Ce qui n’empêchera pas quelques tirs de snipers plus ou moins coordonnés par les candidats ou leurs soutiens.

Quels seraient les petits candidats les plus à même de profiter d'une ouverture "stratégique" du jeu des primaires ? Pourquoi ?

A priori, il serait logique qu’une telle ouverture stratégique profite, en priorité, à une femme. Pour la droite, organiser une primaire présidentielle sans la moindre candidate apparaîtrait en effet comme un archaïsme et susciterait des critiques sur le machisme de la droite. Dans cette hypothèse, Nathalie Kosciusko-Morizet pourrait recevoir un petit coup de pouce de l’un ou l’autre candidat pour garantir la candidature d’une femme. Mais la générosité en matière de parrainages ne semble pas de mise aujourd’hui.

Au-delà de l'aspect purement théorique d'une telle stratégie, quelles pourraient en être les résultats dans la pratique ? Doit-on s'attendre à ce que des candidatures comme celle de NKM ou de Nadine Morano volent des voix aux "grands challengers" de la primaire ?

Certes, sur le papier, une candidature de NKM pourrait affaiblir Alain Juppé (sur un positionnement moins droitier) ou Bruno Le Maire (sur le créneau de la rénovation). Mais qui soutiendra-t-elle au second tour ? Une candidature de Geoffroy Didier, naguère proche de Nicolas Sarkozy, pourrait affaiblir celui-ci en mettant en évidence ses contradictions ou ses promesses non tenues. Mais là encore, quelle serait son candidat au second tour ? Même chose pour Nadine Morano qui "chasse" sur les mêmes terres que l’ancien président. Mais elle est très sévère contre le positionnement du maire de Bordeaux. Et elle ne le ménagerait pas pendant la campagne. Alain Juppé n’a donc aucun intérêt à l’aider à figurer sur la ligne de départ.

En fait, cette primaire étant une première à droite, on ne connait pas le corps électoral et on ne sait pas  quelles seront ses réactions. Chacun des prétendants apporte sa pierre, plus ou moins grande, à la construction de l’édifice de la primaire. Il n’est pas prouvé qu’un candidat prenne des voix à un autre. Pour l’emporter, chacun doit mobiliser ses partisans, les convaincre d’aller voter les 20 et 27 novembre, en quelque sorte les "accompagner" dans les bureaux de vote. C’est un exercice très spécifique. Il s’agit de convaincre plus que de contraindre. Et les débats entre les candidats seront déterminants.

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