Ne laissez plus de messages vocaux, ça ne sert à rien<!-- --> | Atlantico.fr
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Aujourd'hui, les gens préfèrent envoyer des mails.
Aujourd'hui, les gens préfèrent envoyer des mails.
©Reuters

Call me maybe

Les modes de communication asynchrones, comme le texto, permettent d'être plus discret et de pouvoir échanger quel que soit le contexte.

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle est docteur en sociologie et ingénieur télécom (ENST Bretagne). Elle est professeur à l'ISC Paris et co-fondatrice de la Chaire Digital BusinessSes domaines de recherche couvrent les usages des TIC (téléphone portable, Internet, médias sociaux…)

Elle a publié La télévision mobile personnelle : usages, contenus et nomadisme,  Les usages du jeu sur le téléphone portable : une mobilisation dynamique des formes de sociabilité  aux Editions L'Harmattan et J'arrête d'être hyperconnecté ! : 21 jours pour réussir sa détox digitale chez Eyrolles.

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Atlantico : En quoi peut-on dire que l’envoi de messages vocaux sur nos téléphones se fait aujourd’hui de moins en moins ? Pourquoi les gens préfèrent désormais envoyer des SMS et/ou des mails plutôt que de laisser des messages vocaux ?

Catherine Lejealle : De façon générale, l’usage du mobile pour téléphoner se marginalise face au temps passé à surfer sur Internet, à jouer ou encore passé sur les applications notamment Facebook. Le mobile reste un outil relationnel mais moins pour communiquer par téléphone qu’autrement : via des SMS, les selfies ou des updates sur les médias sociaux. Dans un second temps, si on zoome uniquement sur la partie de sociabilité interpersonnelle, donc sur la communication entre personnes, effectivement on observe que les messages vocaux ont moins la cote notamment auprès des plus jeunes, les fameux Y et les Z. Ce transfert s’effectue de la voix vers des modes asynchrones écrits comme le SMS, le courriel mais surtout les médias sociaux.

Il y a trois raisons à cela : la première concerne les jeunes et surtout les ados. Ils ont des forfaits illimités en SMS mais limités en voix. Dans ce cas, comment s’étonner qu’ils aillent plus vers le SMS ? C’est un arbitrage financier simple. Deuxièmement, les jeunes passent une grande partie de leur temps sur ces médias sociaux. Il est alors logique pour eux de converser entre eux sans changer de média. Puisque les plateformes permettent des échanges privés, ils y restent pour leurs communications interpersonnelles privées. La troisième raison est également utilitaire.

Les modes asynchrones peuvent être lus n’importe où et à l’insu des tiers qu’il s’agisse du prof, du parent ou encore des autres spectateurs dans la salle de ciné ou de concert. Ainsi, en utilisant ces modes de communication asynchrones, discrets, vous avez plus de chance d’avoir une réponse et de pouvoir échanger, engager une conservation. La qualité des réseaux fait que ces modes par SMS sont ultra rapides et permettent de nouer un dialogue et un mode interactif. On n’est pas du tout dans la caricature d’un long mail échangé où l’autre répond en décalé, une fois par soir. D’ailleurs des outils comme google voice permettent de convertir des messages vocaux en messages écrits. On constate qu’ils répondent à une attente, celle de pouvoir accéder à ses messages plus facilement même au volant ou dans les transports, en multi activités.

En quoi peut-on dire que ce phénomène relève en grande partie d’une volonté de gagner du temps ?

Effectivement depuis 1968, grâce à la célèbre formule de Mc Luhan nous savons que "Le message, c’est le médium". Cela signifie que le choix du moyen de communication pour véhiculer un message contribue au message final que nous recevons et décryptons. Un billet doux rédigé de la main de notre amoureux a plus de valeur qu’un SMS. Aimerions-nous qu’il nous envoie un fax (ou télécopie) ? Le choix du moyen de communication constitue un message en lui-même et peut être analysé comme révélateur de notre époque.

Alors qu’en dit-il ? Vous parlez de gagner du temps. Certes dans notre société le rythme s’accélère de plus en plus et on déteste attendre. Regardez l’évolution du commerce en ligne. Désormais on commande et on souhaite retirer le colis une heure après quelque part ou on commande avant 22 h et on est livrés dès 7 h le matin avec les croissants. Dans certains cas, oui, ce transfert vers des formes asynchrones traduit une volonté de gagner du temps. C’est le cas où vous appelez et où vous tombez sur une boite vocale. Or, chacun a constaté qu’en utilisant un mode asynchrone, moins intrusif, permettant à l’interlocuteur de répondre sans déranger les tiers présents (collègues…) il aura plus facilement une réponse. C’est un résultat d’une expérience vécue. Donc on va vers ce genre de mode qui permet de communiquer. Dans beaucoup d’autres cas, on utilise le SMS, le courriel, les messages privés des plateformes pour pouvoir nouer un dialogue et échanger en temps réel pour commenter ce qui se passe. On peut dire que ce choix du média relève d’une volonté de communiquer et d’être relié aux autres.

De la même manière, ce phénomène ne relève-t-il pas aussi chez certaines personnes d’une peur de la communication orale à l’heure où le manque de communication est de plus en plus criant ?

Je vois moins une peur que la mise en place de bonnes pratiques en matière de politesse. Arroseur arrosé, chacun a pu faire l’expérience de conversations bruyantes passées au téléphone qui dérangent tout un compartiment ou un open space. Désormais, chacun opte pour des modes qui dérangent moins les tiers présents.

J’observe vraiment une transposition de la communication vers des formats narratifs à la fois asynchrones courts incluant de plus en plus d’images et de vidéo, donc des formats adaptés à une consultation à la volée en parallèle des autres activités sur un mobile ou une tablette. Chacun acquière une expertise dans la présentation de soi sous ce format également plus ludique. Le format narratif s’est adapté aux contraintes et opportunités des outils (écran petit) et des situations (ubiquité et multi activités). On souhaite être relié à ses proches tout le temps mais sur des formats adaptés à la situation : format court, lisible sur mobile, en déplacement.

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