Liberté d’expression : précieuse comme jamais – l’Occident est le camp de la liberté ou pas !<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Tribunes
Liberté d’expression : précieuse comme jamais –  l’Occident est le camp de la liberté ou pas !
©CC Creative Commons

Liberté chérie

Si l’Occident veut exister à la hauteur de ses valeurs libérales et démocratiques, ce n’est certainement pas sur la Russie ou sur la Chine qu’il doit prendre modèle. C’est au contraire en s’éloignant résolument de l’autocratisme en vigueur dans ces pays

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

Voir la bio »

L’occasion de mettre en pratique ces bonnes résolutions s’est immédiatement présentée sous la forme de la liberté d’expressionqu’il est question de laisser ou pas aux médias de l’État russe opérant en Europe ainsi qu’aux personnalités politiques ou autres qui en France parlent et agissent en soutien plus ou moins affiché de Vladimir Poutine.

Dimanche 27 février au soir, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a en effetannoncéparmi les sanctions prises contre la Russie que l’Union européenne (UE) entendait« interdire la machine médiatique du Kremlin dans l’Union européenne ».De son côté, le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères Josep Borrell insistait sur la nécessité de mettre un terme au récit russe sur le conflit avec l’Ukraine :

« Nous voulons casser le récit des médias contrôlés par l’État russe, qui diffusent désormais de la propagande de guerre. Poutine veut conquérir un territoire, mais aussi les esprits. »

.
De la même façon, un sondage proposé par le compte twitter de l’émission de Cyril Hanouna « Balance ton post » demandait jeudi 24 février dernier, premier jour de l’offensive russe, s’il fallait« interdire d’antenne Éric Zemmour ». Sur plus de 30 000 votants, 41,6 % pensaient que « oui » :

On est encore assez loin de la majorité, naturellement, et ce n’est qu’un sondage en ligne sans garantie de représentativité, mais cela forme néanmoins une minorité suffisamment étoffée pour que le résultat inquiète.

Il est vrai que depuis le début des tensions entre la Russie et l’Ukraine, Éric Zemmour et d’autres responsables politiques àl’extrême-gaucheet àl’extrême-droiteont tenu des positions pour le moins alambiquées mais toujours conciliantes d’une façon ou d’une autre pour le leader du Kremlin, au point même qu’Éric Zemmour en est venu récemment à qualifier Poutine de« démocrate autoritaire »sous prétexte qu’il était élu. Un oxymore qui ouvre un vaste champd’entorses possiblesà l’État de droit…

Mais les esprits des citoyens, comme disait M. Borrell, seraient-ils si faibles, si peu doués de capacités critiques, qu’il faudrait en quelque sorte les protéger de tout contact avec des opinions non officielles, non validées par les autorités, sur les événements en cours ? Qu’il faudrait mettre en place des opinions barrières et des méthodes de distanciation idéologique ?

Comment ne pas voir que cette censure de l’information et des opinions correspond précisément à ce que fait Poutine en Russie, ce Poutine dont on abhorre à juste titre le comportement autocratique ?

Depuis le début du conflit, les reporters de la télévision russe reçoivent leurs informations, non pas du terrain mais depuis leurs studios de Moscou. Pour les téléspectateurs russes, il n’y apas de guerreen Ukraine mais une simple opération de maintien de la sécurité dans les régions séparatistes de Lougansk et Donetsk dont la Russie a reconnu l’indépendance la semaine dernière et une tout aussi simple« opération spéciale »de dénazification de l’Ukraine.

Surtout, ainsi que je l’ai déjà évoqué dans l’article précédent, la Russie figure en temps ordinaire au 150ème rang sur 180 pays pour la liberté de la presse selon lebaromètreannuel de Reporters sans frontières, tandis que la France, sans briller comme la Norvège, la Finlande et la Suède, se classe quand même à la 34èmeplace. Le bon mouvement ne consisterait-il pas plutôt à essayer de rejoindre les Pays-Bas ou l’Allemagne, dans les 15 premiers rangs du classement ?

La censure de l’expression est l’arme délétère de qui ne supporte pas la contradiction et/ou qui n’a pas d’arguments valables à opposer aux opinions différentes. S’agissant de RT France (ex-Russia Today), quoi de plus parlant que le libre choix de l’animateur Frédéric Taddeï demettre finà son émission « Interdit d’interdire » (titre d’une grande actualité)« par loyauté pour la France »? De telles décisions individuelles sont largement plus significatives, exemplaires et légitimes qu’une censure globale venue d’en haut.

Sans compter que techniquement, on voit mal comment l’environnement numérique dont nous disposons aujourd’hui pourrait empêcher l’information de circuler en dehors des canaux officiels.

Il convient d’admettre que les paroles, même déplaisantes, même très éloignées des idées que chacun peut se faire sur toutes sortes de sujets ne sont pas des actes et ne sauraient être criminalisées. La seule attitude possible dans une société ouverte consiste à les combattre dans le cadre de débats ou de conseils, ou éventuellement à ne les considérer qu’avec indifférence, certainement pas en censurant ou en pénalisant les auteurs.

D’une façon générale, la liberté d’expression donnée aux individus leur fait rechercher par eux-mêmes, et non par un décret supérieur, ce qu’ils jugent bien et ce qu’ils jugent mal. De plus, dans la mesure où elle n’est pas seulement la possibilité qui nous est offerte de nous exprimer librement, mais peut-être surtout la reconnaissance des possibilités d’expression des autres, elle devient confrontation des idées, elle devient débat.

C’est ainsi que la liberté d’expression est la plus à même de faire émerger de nombreuses idées nouvelles parmi lesquelles on a le plus de chance d’aboutir à la vérité, tandis que la censure des idées qu’on qualifie de mauvaises n’aura jamais l’effet de faire disparaitre ces idées. Au contraire, elle risque de leur donner encore plus d’importance, encore plus de crédit, car on se demandera toujours au nom de quelle mauvaise conscience du censeur elles basculent dans l’interdit.

Il me semble que tout cela devient encore plus essentiel aujourd’hui, encore plus précieux à préserver, dans cette situation de conflit où la France, où l’Occident en général se sent solidaire des Ukrainiens par attachement à l’État de droit et au droit international. On est le camp de la liberté ou on ne l’est pas.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !