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Léonidas Kalogeropoulos : "L’envie grandissante d'entreprenariat contraste avec l'appareil étatico-administratif qui reste très arcbouté sur le fait de surveiller chaque fait et geste des acteurs privés"
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ENTRETIEN BONNES FEUILLES

Léonidas Kalogeropoulos publie le « Manifeste des entrepreneurs pour la République : La Nation au service de l'Intérêt Général » aux éditions Balland. Dans cet ouvrage, il revient sur la grande aventure de l'entreprenariat en France.

Léonidas Kalogeropoulos

Léonidas Kalogeropoulos

Léonidas Kalogeropoulos est Président de Médiation & Arguments et Vice-Président d’Ethic.

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Atlantico : Vous publiez  le « Manifeste des entrepreneurs pour la République : La Nation au service de l'Intérêt Général » aux éditions Balland. Vous avez également lancé la plateforme numérique Entrepreneurs pour la République (EPR). Quel constat faîtes-vous de la place des entrepreneurs au sein de notre société et quelle est la doctrine derrière votre Manifeste ?

Léonidas Kalogeropoulos : Il y a deux réalités parallèles et opposées qui cohabitent en France actuellement. L’une est très stimulante, enthousiasmante et incite au plus grand optimisme quant à la capacité de notre pays à surmonter tous les défis qui sont devant lui : c’est l’explosion de l’entreprenariat, qui représente une profonde révolution culturelle, sociétale, et donc politique ; la confiance que les Français accordent aux entrepreneurs pour changer la société, la valorisation collective des entrepreneurs dans notre culture nationale, l’ambition des jeunes de monter leur boîte ayant définitivement supplanté l’envie de rentrer dans la fonction publique qui a longtemps prévalu dans notre pays… Tout cela contraste avec un appareil étatico-administratif qui reste très arcbouté autour de l’idée que l’autorité publique doit surveiller en permanence chaque fait et geste des acteurs privés pour s’assurer qu’ils ne nuisent pas à l’intérêt général, et surtout, que l’intérêt général constituerait un vaste domaine placé sous le monopole exclusif de l’action publique, toute intervention d’acteurs privés risquant de le vicier. Dans le domaine de la santé, de l’éducation, de l’environnement, des personnes âgées, du handicap, de la sécurité…, des entreprises réalisent des exploits d’inventivité et d’efficacité, mais elles sont confrontées à un écheveau de normes, d’autorisations préalables, de contrôles qui dépassent les exigences élémentaires des garanties d’ordre public que chacun peut comprendre, et qui relèvent davantage d’une chicanerie administrative qui révèle la volonté de certaines baronnies administratives, locales ou nationales, qui cherchent à corseter leur domaine de compétence pour éviter que des innovations ou des acteurs entrepreneuriaux ne viennent chambouler des secteurs qui pourraient alors échapper à leur mainmise.

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Que l’Etat et son administration exercent une forme de police économique pour s’assurer que des charlatans n’abusent pas la crédulité de leurs clients, chacun le comprend et l’accepte volontiers. Mais que l’on instaure une surveillance rapprochée du développement de toute innovation, avec des normes en cascades,  des autorisations préalables, des subventions qui faussent la concurrence, …, tout cela révèle un moment de tension entre l’extraordinaire dynamique entrepreneuriale et créatrice des Français, et une forme de féodalité administrative qui continue de penser que la société doit rester organisée de manière verticale, que chacun doit rester à sa place et que tout ce qui relève de l’intérêt général doit rester fermement verrouillé entre les mains des autorités publiques, grandes ordonnatrices de tout ce qui a droit de cité dans leur domaine.

Il faut à cet égard distinguer très clairement entre les responsables politiques et certaines sphères administratives. Les Cabinets ministériels et la culture politique portée par l’actuelle majorité apparaissent très réceptifs aux vertus de la dynamique entrepreneuriale. Certaines administrations tournées vers les entreprises, à Bercy en particulier, sont également très conscientes des innovations prometteuses développées autant par de nouveaux acteurs entrepreneuriaux que par des acteurs installés de longue date. Mais les responsables politiques eux-mêmes se heurtent à des administrations qui se sont organisées en bunkers, échappant à toute autorité hiérarchique, ou se retranchant derrière des arguments juridiques ou des prétextes de contraintes techniques ou informatiques pour bloquer des réformes, des évolutions ou des innovations qui seraient pourtant favorables à l’intérêt général. Un exemple flagrant est offert par les ARS, certaines d’entre elles refusant purement et simplement de dialoguer avec la moindre autorité nationale, au prétexte que les Autorités Régionales de Santé seraient des autorités administratives indépendantes, échappant à toute hiérarchie administrative ou politique ! Dans ce contexte, nous assistons à un moment de tensions très fortes entre des innovations de rupture portées dans tous les domaines - souvent par l’introduction de solutions numériques qui transforment et facilitent les solutions traditionnelles -, et des baronnies administratives, locales ou nationales, qui semblent obsédées par la préservation de leur « pouvoir de dire non », bloquant des solutions qui apporteraient des plus-values souvent déterminantes dans leur sphère d’intervention, plaçant les acteurs privés nettement plus du côté de l’intérêt général que les acteurs publics réputés pourtant en être les garants.

Cette propension des entrepreneurs à penser l’intérêt général, à créer des solutions qui transcendent les difficultés qui semblent insurmontables dans des organisations souvent obsolètes, à l’image de « Vite ma dose », qui a permis d’accélérer les vaccinations ou de Doctolib, qui est de facto devenu un partenaire incontournable de notre système de santé, témoigne d’une mobilisation de l’esprit d’entreprendre au service de l’intérêt général. Ce phénomène a un cousinage avec le libéralisme, mais il ne s’y limite pas. C’est pour le désigner dans ses spécificités qu’il convient de parler «d’entreprenalisme », c’est-à-dire cette mobilisation très citoyenne de Françaises et de Français, par dizaines de milliers, pour apporter chacun avec ses compétences, ses talents, ses savoir-faire, des réponses concrètes à une ou plusieurs dimensions de l’intérêt général. Avoir des millions d’entrepreneurs mobilisés pour créer et entreprendre au service de notre bien commun, c’est la plus belle concrétisation de notre idéal républicain.

A l’heure de la liberté d’entreprendre et face à l’impact économique de la crise sanitaire ayant fragilisé de nombreux entrepreneurs, la poursuite de l’intérêt général n’est-elle pas mise à rude épreuve ?

Au contraire. Au cœur de la pandémie, alors que nos entreprises étaient bloquées par le confinement, les entrepreneurs se sont mobilisés pour trouver des solutions tous azimuts, dans tous les domaines, révélant des trésors d’ingéniosité et de créativité pour transformer des savoir-faire traditionnels en les mettant au service d’une urgence nouvelle. Tous les entrepreneurs ont rejoué tous les jours « les taxis de la Marne » au secours de la Patrie en danger. Ce sont ceux qui avaient des contacts avec la Chine, qui ont su importer d’urgence des masques et des tests ; ce sont ceux qui savaient créer des sites de commerce en ligne qui ont ouvert des plateformes pour permettre aux commerçants et restaurateurs de continuer à vendre à leurs clients avec du « clic and collect » ; ce sont ceux qui ont ouvert des barnum de tests ou de vaccination dès que les produits furent disponibles, avant que les autorités publiques ne leur emboitent le pas, plusieurs semaines après… un mouvement patronal comme Ethic n’a cessé de faire le lien entre tous ses membres, dans tous les secteurs, et en se coordonnant avec les autres mouvements patronaux, pour apporter tous les jours des réponses concrètes là où souvent, l’appareil administratif ne parvenait qu’à produire de nouvelles normes ou des circulaires. La crise sanitaire a été un moment déterminant dans la prise de conscience de la responsabilité des entrepreneurs pour contribuer à ce que le pays tienne debout. L’autorité politique a rempli sa mission en apportant les aides nécessaires à un appareil productif à l’arrêt, mais les responsables économiques également, et pleinement.

Votre ouvrage, votre plaidoyer en faveur des entrepreneurs n’est-il pas mis à mal au regard de la réalité de la société française, du poids de la fonction publique, de l’administration ou des charges et des normes contraignant les entrepreneurs ?  Le poids de « l’Etat nounou » n’est-il pas encore trop fort à travers notre pays ?

Le poids de « l’Etat nounou » est le résultat d’une inclination collective. A chaque difficulté collective (précarité numérique, environnementale, éducative, sanitaire, territoriale, économique,….), collectivement, tout le corps social et ses relais se dressent pour demander d’une seule voix : « que fait donc l’Etat ?»… Alors l’appareil d’Etat, dans la journée, cherche une solution, produit une nouvelle norme, une nouvelle aide, une nouvelle commission, une nouvelle interdiction… mais jamais il ne dira : « Françaises, Français, relevez-vous les manches et trouvez la solution » ! Pourtant, c’est ce que nous, entrepreneurs, devons faire si nous voulons que « l’Etat nounou » recule dans notre pays. Nous ne pouvons pas espérer rajouter à la longue liste interminable des demandes adressées à l’Etat, la revendication suivante : « quand vous aurez terminé de vous occuper de tout, songez aussi à vous réformer pour cesser de vous occuper de tout »… Il relève de notre responsabilité collective de faire monter à la surface tout ce que la Nation, c’est-à-dire les entrepreneurs, qui sont des citoyens agissant, peuvent faire pour répondre aux besoins d’intérêt général. Alors, quand les Français en auront encore plus pris conscience, entamera-t-on le reflux de l’Etat nounou, parce que collectivement, nous pourrons nous dire « nous avons un problème à résoudre, on va s’en occuper ». Et si l’Etat peut aider, pourquoi pas, mais commençons par nous en occuper nous-mêmes !

Telle est l’ambition de la plateforme Entrepreneurs pour la République, qui met en relation des besoins d’intérêt général et des réponses concrètes d’entrepreneurs. Il y a déjà un collectif des industries françaises de solutions anticovid que nous avons monté en quelques mois, et tous les domaines de l’intérêt général sont présents, pour y recueillir les solutions concrètes d’entrepreneurs, depuis l’illettrisme, les défis de santé, en passant par les problématiques environnementales ou la reconstruction des banlieues, qui est mon obsession personnelle.

La candidature de Denis Payre au sein du Congrès des Républicains est-elle la plus à même de représenter les entrepreneurs pour le scrutin présidentiel de 2022 ? Quelles sont les attentes des entrepreneurs vis-à-vis des élections de l’an prochain et pour leur avenir par rapport au futur chef de l’Etat ? 

Les entrepreneurs doivent continuer à parler à l’ensemble des Français. L’entreprise n’est pas de droite ou de gauche. Il y a beaucoup de citoyens de gauche qui lassés de voir que leur bulletin de vote n’avait pas de prise sur la réalité, se sont lancés dans l’entrepreneuriat pour donner une dimension concrète à leurs aspirations. Et c’est l’occasion pour eux de se confronter à la réalité pour transformer leurs ambitions en actes. Ce message, celui de l’entreprise comme meilleur levier pour transformer de grandes ambitions en réalité, doit être diffusé partout, dans tous les partis, auprès de tous les candidats ; il ne peut pas être le message d’un bord politique. Quant à la réforme de l’Etat qui doit libérer cette citoyenneté entreprenante, elle représente elle aussi une priorité qui doit être impérativement portée par tous les candidats à l’élection présidentielle. Il faut prendre conscience qu’il n’y a pas un parti qui prône les blocages administratifs et bureaucratiques auxquels nous sommes confrontés. Ces phénomènes sont devenus une réalité « géologique » de notre Etat qui a stratifié des couches successives d’administrations, de lois, de niveaux territoriaux, et la réalité kafkaïenne à laquelle nous sommes confrontés échappe souvent à toute décision volontaire. Il y a une nécessité de faire de cette mise à plat une priorité de tous les candidats, parce que sinon, quelle que soit la couleur politique de celle ou de celui qui gagnera, le futur Président et sa majorité seront à la tête d’un Etat échappant à leur maîtrise et à leur pouvoir de décision. Restaurer l’efficacité de l’Etat est une nécessité autant pour les entrepreneurs que pour les décideurs politiques eux-mêmes. C’est une nécessité pour l’avenir de notre pays.

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