Le sang versé des bataillons des colonies pendant la Première Guerre mondiale<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Histoire
Le sang versé des bataillons des colonies pendant la Première Guerre mondiale
©AFP

Bonnes feuilles

En 1402, Salou Casais, une princesse malienne, arrive à Toulouse, première trace d’un échange lointain dans la France médiévale. Une histoire oubliée ! Ces histoires négligées et omises, François Durpaire les dresse contre l'idée dépassée selon lui d'un roman national. Dans "Nos ancêtres n'étaient pas Gaulois !", publié aux éditions Albin Michel. Extrait 2/2

François Durpaire

François Durpaire

François Durpaire est historien et écrivain, spécialisé dans les questions relatives à la diversité culturelle aux Etats-Unis et en France. Il est également maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise.

Il est président du mouvement pluricitoyen : "Nous sommes la France" et s'occupe du blog Durpaire.com

Il est également l'auteur de Nous sommes tous la France : essai sur la nouvelle identité française (Editions Philippe Rey, 2012) et de Les Etats-Unis pour les nuls aux côtés de Thomas Snégaroff (First, 2012)

 


Voir la bio »

Dès 1914, la France a fait appel à ses troupes issues des colonies. Les Poilus venus de l'empire seront de tous les grands combats : les batailles de la Marne et de la Somme, Verdun... Ils tarderont à être reconnus par la France et les rescapés nourriront des ressentiments profonds envers cette patrie pour laquelle ils se sont sacrifiés. Beaucoup d'entre eux diront leur fierté d'avoir combattu pour un idéal de liberté et d'égalité. Des recrutements massifs interviennent dès la mobilisation et s'intensifient pendant toute la guerre. On peut évaluer à 200 000 les contingents sous les drapeaux pendant la Grande Guerre, dont 135 000 combattent sur le front européen et en Orient. Le plus gros des recrues forcées est fourni par l'AOF (162 000).

L'AEF n'intervient qu'au printemps 1918 (14 000 hommes). La propagande a diffusé l'idée d'un élan spontané de populations africaines qui se seraient précipitées dans la défense de la patrie. Les historiens ont montré depuis que les recrutements se sont faits pour la plupart sous la contrainte.

Dans le centre de la Côte-d'Ivoire, les hommes sont capturés, comme aux temps de l'esclavage. Ils sont traînés jusqu'au camp d'incorporation de Bouaké. Les actes de résistance sont nombreux. L'historien Jean-Loup Saletes les classe en trois catégories. En premier lieu, il y a les chefs de village, qui présentent aux commissions les malades inaptes après avoir mis en lieu sûr les valides. Ensuite, il rappelle les nombreuses fuites dans les colonies britanniques voisines (Ghana, Sierra Leone, Nigeria). Enfin, il y a les révoltes, comme celle des Bambaras de la région du Bélédougou (janvier 1915). Le vieux chef Diocé Taraolé préfère se faire sauter plutôt que de se rendre. Les révoltes, dans l'ouest du Burkina et dans l'Atakora (nord du Bénin actuel), sont réprimées avec brutalité : villages incendiés, rebelles fusillés et chefs déportés.

Les Africains sauvent la ville de Reims

En janvier 1918, la nomination de Blaise Diagne en tant que commissaire général chargé du recrutement indigène change tout. De février à août 1918, il convainc les hommes de l'AOF et de l'AEF de venir se battre en France. Il leur promet des médailles et surtout la citoyenneté française après la guerre. Les primes aux recruteurs sont revalorisées. Son action est un succès : 63 000 hommes sont recrutés de février à août 1918. Les dirigeants religieux, comme le cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie des Mourides au Sénégal, montrent la voie et engagent leurs propres enfants. Les tirailleurs sénégalais participent aux batailles les plus importantes de la Grande Guerre. En 1915, de mars à décembre, ils forment la moitié du corps expéditionnaire d'Orient lancé sur les Dardanelles. Après l'échec de l'attaque contre les Turcs, ils s'enterrent dans les tranchées. Par la suite, ils sont utilisés dans les batailles de la Somme – juillet et septembre 1916 –, à Verdun – de juillet à octobre 1916.

Ils contribuent à la reprise du fort de Douaumont. À la mi-avril 1917, 6 000 tirailleurs, soit 45 % de l'effectif engagé, sont sacrifiés à la bataille du Chemin des Dames, menée par Nivelle, avec le concours de Mangin. Ce dernier reçoit le qualificatif de « boucher des Noirs ». Il est provisoirement écarté de tout commandement à la suite des violentes attaques de Blaise Diagne à la Chambre des députés. L'épisode le plus marquant est sans nul doute la défense victorieuse de la ville de Reims dans laquelle ils prennent la plus grande part, au moment des offensives alliées et des contre-offensives allemandes du printemps et de l'été 1918. La ville est reconnaissante en édifiant en 1924 un monument à la gloire de l'année noire, dont une copie est envoyée à Bamako. En 1940, les nazis dynamiteront cet édifice qui rappelait leur défaite...

Extrait de Nos ancêtres ne sont pas Gaulois, François Durpaire, Albin Michel, 2018.

Lien vers la boutique Amazon : ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !