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Le bulletin de notes de Barack Obama par Bernard Henri-Lévy
©Reuters

On fait le bilan

Alors qu'Obama fait campagne pour son futur successeur, nul de sait comment l'histoire le jugera, mais voilà comment le philosophe français - souvent critique - le juge.

Bernard-Henri Lévy

Bernard-Henri Lévy

Philosophe de renom, Bernard-Henri Lévy est à la fois écrivain, cinéaste, essayiste et éditorialiste.

Politiquement engagé, il s'est exprimé notamment sur le conflit au Kosovo ou sur la guerre en Irak.

Il a signé le 16 mars 2011 le manifeste intitulé Oui, il faut intervenir en Libye et vite !, rédigé par plusieurs intellectuels et publié dans Le Monde.

Son dernier ouvrage, L'esprit du judaïsme est sorti aux éditions Grasset. Il a réalisé le documentaire Peshmerga, sorti dans les salles en mai 2016. 

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Je reviens ici faire le compte des débits et des crédits des années Obama.

Je maintiens les critiques que j'ai déjà formulées à l'encontre d'une politique étrangère qui a trop cédé à Bachar el-Assad, à Vladimir Poutine, et plus généralement aux ennemis des Etats-Unis.

Et pourtant…

Peut-être parce que, cette fois-ci, j'évalue son bilan dans son ensemble.

Peut-être est-ce l'effet des derniers ajustements et des derniers regrets d'un homme qui se soucie visiblement de l'héritage qui laissera.

Ou peut-être, tout simplement, me suis-je mieux rendu compte du climat toxique de violence que le 44ème président des États-Unis a dû affronter.

Le fait est que j'estime le bilan de Barack Obama globalement positif, pour au moins cinq raisons.

Premièrement, la crise de 2008, la plus sérieuse que les Etats-Unis ont eu à affronter depuis les années 30. Obama a répondu à la crise avec un plan de relance d'une ampleur colossale (800 milliards de dollars injectés dans une économie au bord de la banqueroute) ; avec des mesures politiques sans précédent car étrangères à la culture politique du pays (la nationalisation de fait de General Motors) ; et le début d'une reconstruction morale de Wall Street (la loi Dodd-Frank de 2010 qui, pour la première fois, a remis en question l'infaillibilité des marchés financiers). Difficile d'imaginer ce qu'il aurait pu faire de plus sur ce front-là.

Deuxièmement, il y a ses engagements sur les questions sociétales les plus sensibles ; des engagements qu'il a dans l'ensemble remplis, malgré l'opposition du Congrès et de nombreux Etats. Le mariage pour tous est maintenant reconnu dans tout le pays. Malgré l'opposition des républicains au DREAM Act, celui-ci a commencé à sauver des limbes des millions d'enfants d'immigrés clandestins, et à les intégrer à la société américaine. Et, quoi qu'on pense de la "médecine socialisée", sa réforme du système de santé a réparé certains des effets les plus mortels du système préexistant. Obama finira son deuxième mandat sans avoir fermé Guantanamo et sans avoir réussi à réduire la vente libre des armes d'assaut. Mais il peut être fier de ce qu'il a fait pour étendre les droits des membres marginaux de la société.

Troisièmement, il y a la prétendue question de la race. La discrimination contre les noirs américains est une plaie ouverte dans le corps de la société américaine, et l'élection d'Obama était en tant que telle une réponse puissante à cette blessure. Certains disent qu'une fois l'élection acquise, il a fait profil bas sur le sujet. Ce n'est pas complètement faux. Mais il l'a remis au premier plan après les tragédies de Baltimore et de Ferguson. Il a fait sien - ce qui, venant du président des Etats-Unis, n'est pas rien - le mantra "Black Lives Matter" des nouveaux mouvements pour l'égalité. Ceux qui voudraient nous faire croire que, par sa personnalité, il a enflammé les conflits qu'il cherchait à apaiser devraient méditer un fait simple qui met à bas leurs arguments : c'est sous sa présidence que les extrémistes et les prêcheurs de violence, les racistes inversés de la Nation de l'Islam, ont perdu du terrain.

Quatrièmement, il y a le style Obama. On peut considérer que le style n'est pas grand-chose. Sauf que, de La Boétie à Kantorowicz, de Machiavel à Rousseau, tous les théoriciens de la politique sont d'accord : tout contrat social finit immanquablement par être incarné dans un nom, puis ce nom dans un corps, et ce corps dans un mélange de présence, de distance et de prestance qu'on a raison d'appeler un style. Pensons à Donald Trump et à son épouvantable vulgarité. Ou à la liste des présidents dont les fins de mandats ont été sapées par un impeachment, des scandales ou des guerres paralysantes. Il faut bien admettre qu'a contrario, la probité d'Obama, son élégance, son comportement, le caractère irréprochable de ses derniers mois, la manière qu'il a eu de contrecarrer le parti pris de ses adversaires avec une dextérité habile et un talent politique sans pareille, ont donné une bonne image de l'Amérique - à l'Amérique elle-même, et au reste du monde.

Cinquièmement, il y a la politique étrangère. C'est là, sans conteste, que la déception est la plus forte. Mais là aussi qu'a eu lieu le plus important des ajustements récents dont j'ai parlé au début. Son discours sur le Brexit à Londres a corrigé l'impression malheureuse d'un Président qui semblait avoir tourné le dos à l'Europe. Son accord sur le climat avec la Chine, en novembre 2014, a émoussé un peu la division du monde par les deux super-vainqueurs de la mondialisation. Et l'accélération de la bataille de Falloujah, l'intensification de l'aide aux Kurdes irakiens à l'extérieur de Qaraqosh et de Mossoul, le soutien fourni aux Libyens de Misrata faisant face aux islamistes de Syrte - ces choix ont mis à mal l'idée d'une Amérique se croyant dispensée d'une responsabilité accrue après avoir tué Ben Laden (mais après avoir autorisé l'EI à croître).

En somme, tout cela indique que Barack Obama est très loin de l'image d'un président "de l'échec" que ses détracteurs les plus têtus veulent vendre.

Parfois, je m'autorise à penser à voix haute à un autre chef de l'Etat américain qui, au milieu d'une autre guerre - une guerre infiniment plus terrible que notre guerre contre les formes post-modernes du chaos - a brigué et reçu un troisième et un quatrième mandat.

Obama, un Président qui a commencé son mandat en ressemblant à Kennedy, puis l'a fini en nouveau Roosevelt ? Absurde, bien sûr - trop tard. Et pourtant, cette impression reste…

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