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La Chine va-t-elle précipiter ses voisins dans une grande répétition de la crise asiatique ?
La Chine va-t-elle précipiter ses voisins dans une grande répétition de la crise asiatique ?
©Reuters

Boucle de l'histoire

Suite à la chute des matières premières, à la hausse du dollar, et au ralentissement chinois, les marchés financiers des pays émergents affichent une baisse de près de 40%. Parmi eux, la Malaisie, le Vietnam, la Thaïlande, ou encore l’Indonésie. Une situation qui rappelle celle de 1997, ou une crise à priori similaire a eu des conséquences importantes sur le plan socio-économique.

Lars Christensen

Lars Christensen

Lars Christensen est un économiste danois spécialisé en économie internationale, marchés émergents et politique monétaire ayant plus de 20 ans d’expérience au sein de gouvernements et d'établissements bancaires. Il est l'auteur du site marketmonetarist.com. Son compte Twitter : @MaMoMVPY.

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Atlantico : En quoi la situation actuelle pourrait être comparée à celle de la crise asiatique de 1997 ?

Lars Christensen : Il ne fait aucun doute que les marchés émergents sont actuellement confrontés à une situation difficile. Il s’agit du double effet d’un resserrement des conditions monétaire aux Etats Unis et des inquiétudes fondamentales reposant sur un ralentissement structurel chinois, et, plus récemment, de la série de dévaluations chinoises.

Parce que cela signifie surtout un ralentissement de la demande externe pour les actifs des pays émergents, et de leurs exportations. La conséquence naturelle est de faire peser une pression sur les devises des marchés émergents, aussi bien en raison d’une faible demande externe, qui frappe surtout les exportateurs des matières premières comme la Chine et le Brésil, mais aussi sur les pays qui sont directement en concurrence avec la Chine sur les marchés manufacturiers, comme le Vietnam ou la Corée.

Il y a en effet des similitudes avec la situation de la crise asiatique de 1997. Cependant, il y a une différence cruciale qui est qu’aujourd’hui, la plupart des pays asiatiques ont plus ou moins des taux de change flottants, ce qui signifie que les chocs externes seront visibles à travers la baisse de la devise plutôt que par une chute brutale de l’activité économique. Et aussi longtemps que ces pays permettront une telle dépréciation de leur monnaie, le risque de voir se répéter la crise asiatique sera très faible. Ce qui ne veut pas dire que le choc n’est pas important. En fait, toutes les indicateurs démontrent que nous sommes actuellement au milieu du plus grand ralentissement de la croissance des pays émergents depuis 2008.

Quels sont les risques futurs identifiés pour ces pays ? Et comment peuvent-ils pour s’en prémunir ?

Il est très encourageant de voir que la plupart des banques centrales des pays émergents permettent à leur devise de baisser, en réponse au choc d’une faible demande externe et de la baisse des prix à l’export. Pourtant, des pays comme le Brésil semblent souffrir de ce que les économistes appellent la "peur de flotter", c’est-à-dire que même si ces pays ont des monnaies « libres », ils ont tendance à resserrer leur politique monétaire pour contrer la baisse de leur devise. La conséquence pour ces pays est de voir une forte baisse de leur croissance.

A l’inverse de 1997, le risque ne semble pas venir d’une crise des devises ou d’une crise financières, mais plutôt de voir que les vents contraires structurels et cycliques auxquels font face les pays émergents puissent provoquer une aggravation des heurts politiques, et une incertitude géopolitique. En effet, il est clair que les dernières années ont vu une détérioration du contexte politique dans de nombreux pays émergents.   

Après 10 années de forte croissance chinoise, qui a pu tirer l’Asie du sud-est par la haut, ces pays sont-ils devenus trop dépendants de l’économie chinoise ?

Puisque la Chine est devenue la seconde économie mondiale et le plus grand importateur d’un grand nombre de matières premières provenant d’autres pays émergents, il est en effet naturel que des pays comme le Brésil et l’Afrique du Sud soient très fortement dépendants des développements financiers et économiques chinois.

Cependant, cela signifie aussi que ces pays doivent être capables de s’ajuster rapidement à ces changements externes, notamment lorsque la croissance chinoise ralentit, et celle-ci devrait continuer à ralentir de façon assez nette au cours des prochaines années.

Donc, il est extrêmement important que des pays comme le Brésil et l’Afrique du Sud maintiennent des régimes de taux de change flottants, et qu’ils évitent d’essayer de lutter contre la faiblesse de leur devise, qui n’est que le résultat du resserrement monétaire américain ou de la faiblesse de la croissance chinoise. De plus, des réformes structurelles sont urgentes à mettre œuvre, parce que la détérioration de la situation externe devrait se poursuivre. Ainsi, le défi principal est de mettre en place ce type de réformes structurelles alors que la croissance est faible, parce que la conséquence est une plus grande incertitude politique.

D’autres pays, développés, sont aussi concernés par la situation actuelle, comme le Japon ou la Corée. Quels sont les risques encourus par ces deux pays ?

Le Japon et la Corée du Sud sont dans une situation différente de celle des marchés émergents en général. Même si le Japon et la Corée du sud sont tous deux des concurrents de la Chine, ils sont aussi, à un certain degré, des exportateurs vers la Chine. Ainsi, il est évident que d’autres dévaluations chinoises, ce qui est une éventualité très probable, mettront une pression supplémentaire sur le Won coréen et le Yen japonais, et les banques centrales de ces pays devront accepter cette situation comme un fait établi et ne devront pas se battre contre la dépréciation de la monnaie.

Je voudrais souligner que la Chine tend vers un modèle de change plus libre pour le Renminbi (nom officiel du Yuan ndlr), ce qui devrait être bien accueilli par tous, et plus encore, qu’en réalité la Chine essaye d’éviter un atterrissage brutal de son économie par la voie des dévaluations, ce qui est tout de même préférable à un effondrement économique du pays qui serait la conséquence d’une tentative de conservation artificielle d’une monnaie forte.

Il y a des risques très sérieux qui pèsent sur l’économie chinoise, et je pense que les chinois font face à des vents contraires, mais je pense également qu’il serait faux de dire qu’il s’agit d’une répétition de 1997. La crise, parce qu’il s’agit d’une crise, est très différente en raison de l’évolution des régimes monétaires (marchés flottants contre taux de change fixe à l’époque). Ce qui donne un espoir de pouvoir éviter cette répétition de 1997.

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