La carte politique du "nouveau monde" macronien n’est pas finalisée mais voilà à quoi elle ressemble en l’état<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Le Premier ministre Gabriel Attal et le chef de l'Etat Emmanuel Macron.
Le Premier ministre Gabriel Attal et le chef de l'Etat Emmanuel Macron.
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Macronisme

Le centrisme macronien relève de l’idée de mettre ensemble les partis de gouvernement d’avant 2017, ceux qui se succédaient dans ce qu’on appelle souvent une fausse alternance.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

Voir la bio »

Atlantico : Au regard de l'étude “Baromètre politique et intentions de vote aux élections européennes de Mai 2024”, les électeurs de droite et de gauche ne sont pas satisfaits et ne se reconnaissent pas à travers la candidature d’Emmanuel Macron, jugé trop ou pas assez à droite, selon les uns ou les autres. Peut-on s’attendre à ce que ce scrutin européen constitue les élections du grand retour du clivage gauche – droite ?

Christophe Boutin : Répondre à votre question suppose déjà de savoir ce que l’on entend par « droite » et « gauche », et si vous faites un clivage entre « droite » et « extrême droite » d’une part, « gauche » et « extrême gauche » d’autre part. C’est sans doute sur cette hypothèse qu’il faut partir,puisque la question que vous posez et celle de la désaffection d’une droite et d’une gauche qui étaient autrefois les droite et gauche « de gouvernement », autrement dit les Républicains et le Parti socialiste, envers le grand centre créé par Emmanuel Macron, sans que l’on sache d’ailleurs si cela concerne l’idée même d’une coalition centriste ou la personnalité du Président. 

Le centrisme macronien relève de l’idée de mettre ensemble les partis de gouvernement d’avant 2017, ceux qui se succédaient dans ce qu’on appelle souvent une fausse alternance. En effet, il y avait belle lurette que la gauche socialiste avait été convaincue par les lois du marché et la mondialisation économique nécessairement heureuse, tandis que la droite accédait à la plupart des demandes sociétales présentés par la gauche. Une fois bâtie, toute coalition centriste évolue en permanence en penchant, soit un peu à droite, soit un peu à gauche en fonction - normalement du moins - de ses ennemis prioritaires. Classiquement, sa frange de gauche prévaut et permet des alliances plus à gauche lorsque l’ennemi est à droite, celle de droite lorsque l’ennemi est à gauche. Mais l’ensemble des mandats d’Emmanuel Macron donne une autre impression, celle d’un centre qui serait parti à gauche, puisque formé très largement sur le socle du PS et du MoDem, qui n’a agrégé qu’ensuite qu’une partie seulement des Républicains, mais qui n’a pour autant pas cessé de glisser vers la droite., ce qui peut effectivement choquer ses électeurs venus de la gauche. 

Les chiffres du sondage que vous évoquez montrent donc logiquement que cette désaffection concerne nettement plus la gauche que la droite. C’est ainsi que 37 % des sympathisants du PS considèrent qu’Emmanuel Macron est un bon président, contre 52% des sympathisants des Républicains. Or ce n’est pas ici le résultat de l’alliance des socialistes avec la NUPES qui aurait durci leur discours, mais, et l’on s’en rend bien compte avec l’évolution de la liste menée par Raphael Glucksmann, de la réapparition d’une gauche qui s’était ralliée à Renaissance mais qui, déçue, entend maintenant exister à part entière entre Renaissance et la NUPES. Il n’y a que si l’on part cette fois aux extrêmes que l’on constate que le RN est le parti le plus violemment opposé à Emmanuel Macron, considéré quand même un mauvais Président par 90 % de ses sympathisants, quand 21 % des sympathisants de La France insoumise voient en lui… un bon président. 

Pourquoi les électeurs de gauche et de droite sont captifs du vote Macron alors qu’ils ne sont pas satisfaits au regard des résultats de cette étude ?

Peut-on parler d’électeurs captifs dans ces élections ? Il est permis d’en douter. Prenons les chiffres : seul 54 % des électeurs d’Emmanuel Macron au premier tour de 2022 sont actuellement prêts à voter pour la liste Renaissance, quand 11% disent vouloir voter LR, 15% PS… et 9 % RN. Ce que montrent ces chiffres c’est plutôt l’implosion de l’électorat macroniste, compensé partiellement par un apport de 14 % des électeurs de Valérie Pécresse, un apport dû à l’évolution du discours macronien que nous évoquions, mais aussi au fait que la droite europhile de LR apprécie peu la personnalité de Bellamy. 

Le clivage gauche-droite continue d’exister même s’il n’est pas représenté politiquement. Quel est le problème démocratique de cette absence et comment faire pour y mettre un terme ?

Considérer que le clivage droite-gauche n’est pas représenté politiquement semble un peu rapide. D’abord parce que les Républicains sont représentés au Parlement et y jouent même un rôle important, et pas seulement au Sénat, où je rappelle qu’ils ont toujours la majorité. Ils ont ainsi pu jouer un rôle clivant à l’Assemblée nationale dans ces derniers mois, et pourraient continuer à y jouer un tel rôle dans les mois qui viennent. La seule absence que l’on peut constater à l’Assemblée nationale et celle d’un PS qui ne serait pas inféodé à LFI dans la NUPES, qui aurait retrouvé donc sa place entre la NUPES et Renaissance.

Mais on peut aussi ne pas s’arrêter aux anciens partis de gouvernement, prendre plus largement en compte gauche et droite, et découvrir un nouveau clivage. La droite qui se dégagerait alors serait une droite nationaliste, un élément clé pour comprendre ce qui est en train de se produire en France mais aussi ailleurs en Europe. C’est le retour de la nation considérée comme un élément de protection par des citoyens qui, particulièrement inquiets de voir l’effondrement de l’État, souhaitent voir son autorité restaurée au profit d’un groupe homogène ayant une cohérence et donc une solidarité. En face, ceux qui se défient du nationalisme peuvent être divisé en deux groupes. Le premier espère construire une nation européenne en transférant pouvoirs et souveraineté aux institutions de l’Union européenne. C’est le groupe progressiste macronien, le parti des gagnants de la mondialisation. Enfin, plus à gauche si l’on veut, on trouve des contempteurs de la nation qui sont tout aussi opposés à la création d’une Europe souveraine, une extrême gauche qui nie l’existence des appartenances, quelles qu’elles soient, nationales ou de genre, et veut la disparition de toutes les frontières, entre États ou entre individus, dansl la fameuse « créolisation » du monde chantée par Jean-Luc Mélenchon. 

Il est permis de penser que ces éléments de distinction permettent de mieux comprendre les clivages actuels actuels qu’en recourant aux concepts de droite et de gauche, toujours mal définis – hommes et partis peuvent glisser de gauche à droite et inversement - et moins opératoires encore si l’on veut à toute force n’y intégrer que les anciens partis de gouvernement.

Si les partis de gauche et de droite traditionnels ne parviennent pas à bénéficier du désenchantement du mouvement centriste et ne bénéficient pas de l’incapacité d’Emmanuel Macron à créer un véritable contenu idéologique du macronisme, peut-on dire de l’extrême droite et de l’extrême gauche qu’elles tirent les marrons du feu ? Dans quelle mesure cela s’ajoute-t-il aux problèmes de représentation déjà évoqués ?

Que l’extrême droite « tire les marrons du feu » électoralement est certain, mais encore faut-il préciser que cela concerne prioritairement le Rassemblement national et dans une moindre mesure Reconquête!. Regardons les chiffres des intentions de vote : 86 % des électeurs de Marine Le Pen au premier tour de 2022 sont prêts à voter pour la liste du Rassemblement national quand seulement 50 % des électeurs d’Éric Zemmour s’apprêteraient à voter pour Reconquête!. À l’extrême extrême gauche, c’est encore beaucoup moins évident : il n’y a que 37 % des électeurs du premier tour de Jean-Luc Mélenchon qui sont prêts à voter pour la liste LFI, quand une part non négligeable d’entre eux, 28 %, se reporterait sur la liste socialiste.

Tous ces éléments ne posent aucun problème en termes de représentation : il est logique, et il est même sain dans une démocratie que les différents courants d’opinion soient représentés à la hauteur du nombre d’électeurs qui leur ont fait confiance. Le problème vient en fait des alliances possibles, et ce à droite beaucoup plus qu’à gauche, on l’a vu avec l’alliance très large qui a été conclue avec la NUPES. C’est une des conséquences du « cordon sanitaire » que la gauche a imposé à la droite dite « républicaine » pendant des décennies, lui interdisant toute alliance avec le Front national de l’époque, ce dont elle paye aujourd’hui les conséquences.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !