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L’euphorie boursière est-elle tenable ?
©Johannes EISELE / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

La généralisation de la vaccination a entrainé une atténuation des mesures de précaution et de distanciation. Cela a créé un formidable appel d’air et fait souffler une forte dynamique de reprise économique.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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La généralisation de la vaccination a entrainé une atténuation des mesures de précaution et de distanciation. Cela a créé un formidable appel d’air et fait souffler une forte dynamique de reprise économique. Trois chiffres permettent de mesurer l’importance du rebond économique :

  • Alors que le PIB chinois avait chuté de 6,8 % au premier trimestre 2020, il a bondi de 18,3 % au premier trimestre 2021, chiffre record depuis 1992 ; sur l’année, le FMI prévoit une croissance de 8,4 %.

  • Le FMI prévoit une croissance de 6,4 % aux États-Unis pour 2021, pourcentage jamais atteint depuis 40 ans.

  • De son côté, la zone euro devrait connaître une croissance de 3,8 % tant en 2021 qu’en 2022 et retrouver son niveau d’avant la pandémie plus rapidement que prévu. A la différence de la reprise américaine, le rebond européen ne s’inscrit pas dans un regain d’inflation.

Il y a six semaines, j’appelais votre attention sur l’envolée des matières premières ; parallèlement, depuis six mois, c’est l’euphorie boursière.

Les indices boursiers européens ont eu des performances à ceux américains. Depuis le début de l’année, l’indice européen l’Euro STOXX 600 a gagné 15 %, performance légèrement supérieure à celle du DAX allemand. En revanche, le CAC 40 est largement en tête avec une hausse de 20 %.

Le CAC 40 est à son plus haut niveau historique depuis plus de 20 ans. De novembre 2020 à aujourd’hui, l’indice est passé d’environ 4 500 à plus de 6 500, près de 50 % d’augmentation en huit mois ; depuis son plus bas de mars 2020, la hausse est de 70 % !

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De leur côté, les indices américains, Standard and Poors 500, Dow Jones et Nasdaq ont respectivement progressé de 13, 12 et 10 %. De part et d’autre de l’Atlantique, les valorisations boursières, et notamment celles des GAFAM, explosent, Apple à plus de 2 200 Md$, Microsoft a dépassé les 2 000, Amazon à près de 1 800, Google frôle les 1 700, et Facebook les 1 000. L’engouement pour certains titres a même conduit le gendarme du marché à revoir certaines règles.

Le redémarrage favorise les secteurs traditionnels comme la banque, l’industrie ou les énergéticiens, donc les activités économiques du Vieux Continent. Malgré ce rattrapage, les actions européennes sont encore sous valorisées par rapport aux américaines, ce qui laisse présager une poursuite de la progression boursière sur le vieux continent.

Les indicateurs de cette euphorie boursière sont nombreux : introductions en Bourse en rafale depuis le début de l’année, retour des particuliers qui ont beaucoup épargné durant la crise sanitaire

Une seule Bourse est en retard de ce mouvement général : la City. La cause en est le BREXIT voté il y a maintenant cinq ans, le 23 juin. Alors que l’Euro STOXX 600 a augmenté de 40 % durant cette période, l’indice de la Bourse londonienne, le FTSE 100 n’a progressé que 12 %. Même si ce décalage est une des conséquences de la sortie de l’Union européenne, il est encore trop tôt de tirer une conclusion définitive sur la pertinence du BREXIT, ne serait-ce que la pandémie complique le diagnostic.

Entre temps, le cœur boursier européen a quitté Londres pour rejoindre Amsterdam. Certains n’hésitent pas à évoquer l’histoire et indiquer que c’est un retour sur son lieu de naissance. La Bourse a démarré en 1602 dans les locaux de l’hôtel de ville d’Amsterdam avant de s’installer au début du XIXème siècle dans le bâtiment construit par BERLAGE. Aujourd’hui, les sociétés se précipitent à Amsterdam pour être coté à la Bourse, et même y installer leur siège social. Au-delà de ce clin d’œil de l’histoire, l’Europe boursière continentale existe et se développe avec Euronext qui regroupe désormais sept Bourses, Amsterdam, Bruxelles, Dublin, Lisbonne, Milan, Paris et Oslo.

La reprise économique est alimentée par les milliards injectés dans le circuit économique tant en Chine qu’aux États-Unis et en Europe. L’Oncle Sam est en train de faire un nouvel effort avec le plan sur les infrastructures. L’Administration BIDEN a trouvé un accord avec le Congrès pour le doter de près de 600 Md$ et une perspective de 1 000 Md$ sur 5 ans ou 1 200 sur 8 ans. Les montants sont impressionnants même si on est loin du point de départ des 2 300 Md$.

Cette nouvelle injection de liquidités dans le circuit économique accentue les tensions sur les taux courts américains. Entre la création monétaire de la FED et la succession de plans de relance, la monnaie abondante ne trouve pas suffisamment de placements, ce qui a deux conséquences :

  • Une augmentation des cours des titres intéressants disponibles. Les titres des entreprises du luxe enregistrent de belles performances ; mais, la réouverture du ciel aérien devrait permettre aux actions des entreprises aéronautiques ou de transport devraient retrouver les faveurs des épargnants.
  • Un accroissement des fonds monétaires américains avec un record à 4 000 Md$. Cet excès crée un risque d’apparition de taux négatifs, ce qui a conduit à une intervention de la FED dans le cadre d’opérations « reverse repo » ; la Banque centrale met sur le marché des titres détenus dans son portefeuille pour assécher, autant que faire se peut, les liquidités.

Cela a rassuré les marchés, mais pour combien de temps. Il y a quelques jours, le Président de la FED de Saint Louis a entrainé un mini krach boursier en laissant entendre une remontée des taux directeurs ainsi que l’extinction progressive, « tapering », du programme de rachat d’actifs, « quantitative easing ». Cela démontre qu’une déclaration telle une étincelle peut faire dévisser les marchés.

Au-delà du risque d’explosion de bulles spéculatives, l’économie mondiale est confrontée à la perspective d’une inflation rampante. Le risque est réel avec une hausse des prix américains à la consommation qui est passé de 4,2 % en avril à 5 % en mai.

La reprise pour le moment confinée aux économies du Nord devrait se propager à celles du Sud, et plus particulièrement à l’Afrique.

Il y a trois semaines, dans ma chronique intitulée « aider le Zambèze pour protéger la Corrèze », j’ai présenté la dernière initiative du Président Emmanuel MACRON pour faciliter une reprise économique en Afrique. Au cours de la dernière réunion de Paris à laquelle ont participé 21 chefs d’État africains et toutes les institutions internationales, il a fait un plaidoyer pour « un new deal » est une exigencepour sortir le continent de l’ornière. Avec la crise sanitaire, l’Afrique a enregistré en 2020 une baisse du PIB de plus de 2 % ; cela n’était pas arrivé depuis la décennie quatre-vingt-dix des « ajustements structurels ». Une reprise est certes prévue en 2021, mais les financements manquent pour assurer sa vigueur et sa durabilité.

Le FMI vient de répondre présent en annonçant la création d’un nouveau fonds de 100 Md$ pour aider les pays africains les plus pauvres et les plus vulnérables ; ce mécanisme, dénommé « fonds pour la durabilité et la résilience », a pour objectif de démultiplier les effets de la nouvelle allocation de droits de tirage spéciaux (DTS) de 650 Md$. Ce mécanisme sera constitué avec la mobilisation d’une partie des nouveaux DTS des pays riches. Heureusement que, dans le même temps, le FMI a montré sa préoccupation de ne pas alourdir la dette publique déjà élevé, voire insoutenable pour de nombreux pays africains.

Il reste maintenant à espérer que les autorités de contrôle seront suffisamment vigilantes pour que ce nouveau cycle de croissance soit durable et soutenable et qu’aucune bulle n’explose.

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