Gérard Larcher, candidat à la présidence du Sénat : "Il y a une radicalisation dans les territoires, une forme de désespoir qui se transforme en colère, et c'est assez inquiétant"<!-- --> | Atlantico.fr
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Gérard Larcher est candidat à la présidence du Sénat.
Gérard Larcher est candidat à la présidence du Sénat.
©Reuters

Contre la désespérance des territoires

Après avoir présidé le Sénat entre 2008 et 2011, le sénateur UMP des Yvelines Gérard Larcher brigue à nouveau la présidence de la Chambre Haute qui pourrait bien basculer à droite à l'occasion des élections sénatoriales de dimanche prochain. Le candidat veut défendre l'autonomie de l'Institution et que l'on prenne en compte "la désespérance des territoires".

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Anita Hausser : Dimanche, le Sénat pourrait bien redevenir une Assemblée à majorité de droite. Prévoyez-vous une large victoire ?

Gérard Larcher :Nous devrions l’emporter dimanche avec un peu plus de sièges que ce qu'indiquaient les premiers pointages qui nous donnaient entre quatre et huit voix de majorité. Je reviens d’un déplacement dans le Gard, un territoire qui ne nous était a priori pas favorable au départ, j’ai senti un véritable désarroi des maires, notamment des maires nouvellement élus, maires socialistes inclus . Ils m'ont tous dit :"On ne sait pas où on va" ! L'incertitude de la réforme territoriale, les conditions de la réforme des dotations, le déferlement normatif malgré tous les engagements qui ont été donnés depuis longtemps, bien avant Ayrault. Ces évènements montrent à quel point les élus locaux sont déboussolés et marqués par la crise économique.

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Que vous demandent-ils le plus ?

Ils demandent à être entendus et que l'on soit à l'écoute des territoires ; ils ont vraiment le sentiment qu'il y a deux mondes, les métropoles et quelques régions puissantes, et puis il y a le reste ... il y a vraiment une désespérance des territoires. Ce ne sont pas des mots "comme ça". Ils attendent que le Sénat fasse entendre sa voix, qu'il reprenne des forces; ils attendent que la nouvelle majorité sénatoriale ait une attitude qui ne soit pas destructrice, autrement dit, ils attendent une opposition constructive, en espérant qu'elle soit possible. Je rencontre des maires de gauche qui avaient voté pour François Hollande et qui me disent "On va voter autrement cette fois-ci". Vous savez dans des départements où il y a 14 % de chômage, la situation est telle que vous ne pouvez pas vous permettre, le gouvernement ne peut pas se permettre d'adopter uniquement des postures idéologiques, il faut aller dans le concret.

Aujourd'hui on ne sait plus très bien quel est le rôle du Sénat ...

Pendant trois ans le sénat est passé sous les radars médiatiques, et cela c'est la responsabilité de la gauche. Faute de majorité elle a été incapable de voter les textes budgétaires et les lois de financement de la Sécurité Sociale. Aucun texte important, hormis la loi de programmation militaire, n'a été voté. Parce qu'il y allait de l'intérêt national, c'est en fait l'opposition qui a permis son adoption grâce à un vote assez ciselé. Sinon il n'y aurait pas eu de majorité pour voter ce texte. Aujourd'hui, il nous faut une majorité cohérente et claire. Je reste cependant prudent dans mes pronostics sur l'ampleur de la future majorité.

Les maires sont très critiques à l 'égard de François Hollande. L'un d'eux m'a dit :"Il ne suffit pas de dire c'est pas facile"; pour moi non plus ce n'est pas facile de faire un PLU ( plan local d'urbanisme) dans ma commune. Je sais que ce n'est pas facile de trouver les crédits et les moyens pour améliorer mon village.

Nicolas Sarkozy a-t-il eu raison de se montrer aussi sévère pour décrire l'état du pays ?

Le déclassement de la France est réel. Le sentiment d’une absence totale de confiance dans la capacité du politique à changer le cours des choses est perceptible. La responsabilité du Sénat qui sortira des urnes le 28 septembre est majeure. Il faudra retrouver l’exigence législative et s’engager sur la voie d’une opposition constructive. Le président de la République devra entendre le Sénat.

Pas de radicalisation chez les élus de droite ?

Il n'y a pas de radicalisation chez les élus, mais il y a une radicalisation dans les territoires; il y a une forme de désespoir qui transforme en colère, et c'est assez inquiétant. Le mot a été prononcé par des conseillers généraux dans un département du Sud-Ouest. Je leur ai fait remarquer la force du terme employé. Ils m'ont répondu que la colère est en train de monter et que leur devoir c'est de le dire, que c'est dû au sentiment d'être abandonné ; j'avais vu les maires du Léon (en Bretagne), fin août. Ils avaient prédit ce qui s'est passé à Morlaix. Ils avaient prévenu qu'ils ne pourraient pas tenir les gens face à l'effondrement de la filière agroalimentaire. Ce n'était pas une menace…

Les sondages montrent que les Français ne se sentent pas concernés par le Sénat. Peut-on en faire autre chose qu'un club ?

Il faut oublier les poncifs. Le Sénat n'est pas un Club . Je n'ai pas du tout le sentiment d'appartenir à un club, mais à la deuxième Chambre du Parlement, qui est élue d'une manière différente de l’Assemblée Nationale. Le Sénat est la Chambre des Territoires. La reconquête de l’opinion se fera par les élus locaux qui représentent la vitalité de la République.

La plus value du Sénat prend son essence par le fait que nos clivages politiques ne sont pas la réplique de ceux de l'Assemblée Nationale. La plus value du Sénat, c'est la qualité des textes, la capacité à aborder des sujets difficiles à traiter, des sujets de société, comme nous l'avions fait pour la bioéthique il y a quatre ans. Le sénat peut avoir ses propres positions. C’est pourquoi je revendique l’autonomie du Sénat, indispensable à sa crédibilité et qui assure le roc de stabilité institutionnel indispensable aux institutions de la république.

Revenons à la réforme territoriale. Pour vous le département en tant que tel est-il sauvé?

Le département a eu un destin assez étonnant en neuf mois : il est en "bonne santé" à Tulle au mois de janvier (NDLR: dans le discours des voeux aux Corréziens de François Hollande ).Il disparait en avril ( au moment de la présentation de la réforme territoriale ) et il réapparait le 25 aout à la faveur d'un accord politique avec les Radicaux de Gauche. Et maintenant on nous présente trois versions du département dans le discours de politique générale du Premier Ministre. Il va falloir être attentif, car il risque d'y avoir un problème constitutionnel, au regard de l'article 72 ( ndlr :qui définit les principes généraux de l'organisation des collectivités territoriales en France.) Nous serons attentifs et il faudra que nous ayons une vraie discussion avec le président de la République et le Premier Ministre à ce sujet. Il va falloir qu'ils acceptent de discuter d'une manière positive et constructive avec la nouvelle majorité sénatoriale. Si ce n'était pas le cas, nous prendrons les Français à témoin !

Comment avez-vous fait campagne à la présidence du Sénat?

J'ai annoncé mon intention d'être candidat dès le mois de février, avant les municipales, tout simplement pour dire que ce n'est pas possible que le Sénat disparaisse dans l'indifférence, le silence et l'absence de contribution. Il y a eu les élections municipales et leurs résultats excellents. J’ai réfléchi, échangé, dialogué et élaboré un projet présenté fin juillet. J'ai continué mon dialogue avec les sénateurs, rencontré beaucoup de candidats, nouveaux notamment, dans des départements où nous pourrons gagner de nouveaux élus ( les Cotes d'Armor, le Tarn, la Cote d'Or, le Finistère, etc… ). Mais ce sont les sénateurs et uniquement eux qui choisiront. Comme toujours, avant la primaire, des rumeurs courent ; je suis très calme et serein ; le choix des sénateurs sera le bon. Mais une fois la primaire passée on n'a pas la majorité : il faut avoir la confiance des sénateurs centristes, des radicaux et de certains non inscrits. Il faut une majorité, claire, stable, solide, où il y ait à la fois des convergences, mais aussi l'expression des différentes sensibilités, c'est la responsabilité du président du Sénat d’organiser cela sans oublier les droits de l'opposition.

Partagez-vous l'avis de Philippe Marini qui estime qu'en cas de basculement du Sénat à droite, la présidence de la Commission des Finances ne doit pas revenir à un membre de l'opposition sénatoriale ?

Ce que dit Philippe Marini ne me choque pas, mais cela dépendra aussi de la volonté de dialogue du gouvernement avec l'institution sénatoriale.

Vous vous êtes souvent rendu au Moyen-Orient et notamment au Liban. Comment jugez-vous l'évolution de la situation dans cette région ?

Je veux d’abord exprimer ma consternation et ma tristesse face à la barbarie de l’exécution d Hervé Gourdel par DAECH en Algérie et j’ai une pensée émue pour sa famille et ses proches. On est dans la pire des configurations avec cette opposition Sunnites-Chiites. Il va falloir que des pays comme la Turquie ou l'Iran jouent pleinement leur rôle, et aussi l'Égypte qui n'est pas encore totalement relevée, sans oublier l’Arabie saoudite et le Qatar. On ne peut pas parler de cette région sans dialogue avec la Russie, sinon les peuples subiront la barbarie terroriste. La disparition des communautés minoritaires d’un pays est un baromètre. Après la minorité Juive disparue il y a 70 ans, c'est maintenant au tour des minorités chrétiennes. Ce sera alors la fin de toute convivialité au Moyen-Orient.

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