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Un pirate informatique en Chine.
Un pirate informatique en Chine.
©NICOLAS ASFOURI / AFP

Black Out

Alors que les menaces de piratage ou de sabotage n'ont jamais été aussi élevées, la sécurité de nos réseaux en ligne est devenue cruciale.

Ophélie Coelho

Ophélie Coelho

Ophélie Coelho est chercheuse indépendante en géopolitique du numérique, auteur de l'ouvrage Géopolitique du numérique - L'impérialisme à pas de géants.

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Atlantico : Wired a récemment publié un article sur « l'endroit le plus vulnérable de l'Internet », en Egypte. Qu’en est-il exactement ?

Ophélie Coelho : Wired s’appuie sur un rapport européen qui identifie deux points importants, qui sont des goulots d'étranglement où beaucoup de câbles passent. Ce sont le détroit de Gibraltar, avec le passage de 6 câbles, et le canal de Suez où passent 16 câbles. Ce dernier est un lieu de passage historique, et sensible car il regroupe au même endroit plusieurs câbles qui relient l'Europe à l'Asie et à l'est du continent africain. Mais dire que c’est l’endroit le plus vulnérable de l’internet est faux, puisque couper les câbles à cet endroit là ne va pas couper internet. Cela va plutôt, comme cela a déjà été le cas, couper les services et l'accès aux données initialement transportés et rendu accessibles par ce câble, mais dans le cas de l'Europe on pourra rédiriger le traffic sur d'autres câbles. C'est donc un article qui joue sur le sensationnalisme. L’erreur serait de laisser penser que cette zone est la plus importante pour les Européens, ce qui n’est pas du tout le cas, et qu’il faudrait mener des actions pour contrôler ces zones. En définitive, s'il est vrai que c’est un espace critique pour la connexion avec des pays comme l'Inde ou la Chine, pour l’Europe on aurait plutôt tendance à considérer que les câbles transatlantiques sont plus importants pour conserver une connectivité aux services les plus utilisés.

Là où cela est très intéressant, en revanche, est en terme géopolitique. En effet, la concentration de câbles à cet endroit qui traverse le territoire égyptien donne un pouvoir important à l’Egypte. C'est évidemment peu probable, mais si l'Égypte souhaitait couper ces câbles, elle le pourrait assez facilement. C’est donc pour eux une arme de négociation. De la même manière que le câble construit par Google, Telecom Italia Sparkle et Omantel en Israël peut devenir un moyen de négociation pour le pays et un argument commercial pour le consortium privé. Mais là encore, si la configuration géographique et originale, beaucoup de pays ont également ce levier de négociation là. La France et le Royaume Uni sont par exemple des portes d’entrée en Europe pour un certain nombre de câbles sous-marin. Chaque pays a le pouvoir sur les routes qui passent par chez lui.

Qu’arriverait-il concrètement si l’Egypte coupait les câbles ?

Ce qui est certain c’est que cela ne couperait pas internet : le réseau des réseaux ne fonctionne pas comme ça. En revanche, tout ce qui est hébergé à l'autre bout de ces câbles, en particulier dans certains pays d'Asie, ne serait plus accessible aux utilisateurs européens. Ce qui est coupé, c’est toujours uniquement ce qui passe par ce câble. Mais comme il y a d’autres routes jusqu'en Europe, il seraient tout à fait possible de rediriger tout ou partie du trafic sur ces routes marines ou terrestres. Enfin, dans les 16 câbles qui passent par l’Egypte tous ne sont pas de la même importance, n'ont pas tous les mêmes capacités techniques. Donc il faudrait aussi considéré cela pour bien comprendre les enjeux.

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Y-a-t-il d’autres endroits particulièrement vulnérables ?

Certains endroits sont plus sensibles que d’autres, mais plutôt que la configuration géographique il faut certainement prendre en compte le contexte pour chaque pays : nous ne sommes pas tous au même niveau de dépendance selon le câble touché. Il y a d'abord des inégalités d'accès au câbles, comme certains pays d’Afrique qui ne sont reliés qu'à un ou deux câbles, ce qui rend ces derniers critiques. Il y a également des questions de la localisation de services devenus essentiels pour l'activité du pays. En France, les câbles sous-marin qui semblent les plus importants sont ceux qui nous relient aux États-Unis, si l'on considère à la fois nos dépendances aux services et aux données numériques hébergés sur le sol américain.

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