Éliminatoires Euro 2024 - France/Gibraltar : 14/0. D'accord, mais faut-il s'en réjouir ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La France l'a emporté 14-0 face à Gibraltar lors des éliminatoires de l'Euro 2024.
La France l'a emporté 14-0 face à Gibraltar lors des éliminatoires de l'Euro 2024.
©Valery HACHE / AFP

Domination totale

En remportant la plus large victoire de son histoire samedi contre Gibraltar, la France est devenue la première équipe européenne de l'histoire à marquer 14 buts dans un match de qualification à une grande compétition.

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez est entraîneur de tennis et préparateur physique. Il a coaché des sportifs de haut niveau en tennis. 
 
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Depuis que les élites me demandent de produire, de me reproduire et de consommer un maximum avant de mourir sans faire de bruit, je me gave de football. On se rebelle comme on peut. Fort de cette logique, je me suis évidemment jeté sur le match de l'équipe de France, hier soir, contre Gibraltar. Vous savez quoi ? Malgré l'ampleur du score, je n'aurais pas dû...
Pourquoi ? Tout simplement parce que j'ai vu une rencontre sans intérêt, car terriblement, je dis bien terriblement, déséquilibrée... Une rencontre qui n'a rien à dire - ou rien à raconter, si vous préférez - entre deux équipes que tout oppose, et d'abord le niveau de jeu. Nous touchons là l'une des métastases du football moderne : le principe est simple, il s'agit de réunir des stars sur un terrain, de les faire jouer contre des anonymes qui se feront battre à plate couture et de faire du football une science exacte. Charge aux journalistes, ensuite, de faire mousser le tout médiatiquement à grand renfort de statistiques sur les records de buts, de passes décisives ou de sélections, puis de comparer tout ça à des époques où ce genre de match n'existait pas et où l'adversité avait surtout autre chose à proposer. Bref, d'organiser un match qui, s'il ne vaut rien, exhibe des joueurs qui, eux, valent beaucoup... Le tout accouchant d'un spectacle aussi passionnant que ma dernière crise d'hémorroïdes...
Voilà pourquoi.
En fait, au-delà du score orgiaque, sur lequel je reviendrai plus loin sans trop de détails, et de cette victoire presque sans heurts (qui a dit "quel heurt il est ??!!"), le seul intérêt de la soirée résidait indubitablement dans la titularisation de Warren Zaïre-Emery. Il faut dire que revêtir le numéro 8 tricolore à 17 ans, huit mois et dix jours, en devenant le plus jeune international depuis 1914, ça fait tout de suite de vous "quelqu'un". Intérêt de courte durée puisque le jouvenceau est sorti après avoir été taclé à la cheville en inscrivant son but, à la 16e minute... 
Pour le reste, quand vous saurez que les Bleus ont concassé 14/0 une équipe classée au 198e rang mondial (sur 207 nations) qui n'a même pas attendu la 3e minute pour marquer contre son camp et la 16e pour jouer à dix, vous en saurez suffisamment pour faire semblant de vous y connaître lors du repas de famille dominical. 
Les buteurs : Santos (csc), Thuram, Zaïre-Emery, Mbappé, Clauss, Coman, Fofana, Rabiot, Coman encore, Dembélé, encore Mbappé deux fois et Giroud deux aussi (3, 4, 16, 30, 34, 36, 37, 63, 65, 73, 74, 82, 88 et 91e).
Et maintenant, quelques appréciations individuelles que je vous demande naturellement de relativiser, vu l'extrême faiblesse de l'opposition :
Zaïre-Emery : nul doute que le jeune milieu défensif n'oubliera jamais sa première cape avec un premier but plein d'engagement, une sortie précoce sur blessure et la certitude qu'il est impossible de prendre froid quand on sort, à ce point, couvert d'applaudissements. 
Mbappé : un 44e, un 45e sur désormais classique centre en retrait de Théo Hernandez, et un 46e beau à encadrer sur un lob de plus de 40 m. 
Giroud : celui qui a l'âge de ses envies a profité de l'aubaine pour inscrire ses 55e et 56e buts en Bleu. Il fait visiblement comme tous les bons chênes, il ne vieillit pas. Il prend simplement une belle épaisseur de plus chaque année.
Griezmann : il n'a pas marqué mais son 83e match consécutif en Bleu dit tout, ou presque, de sa constance et de sa fiabilité. 
Ces choses étant précisées, je formule le vœu que tous les dithyrambes et tous les éloges que vous entendrez ce matin à propos du plus large succès de l'histoire de l'équipe de France ne vous fassent pas oublier deux ou trois choses : 
_ que Gibraltar n'a pas tiré au but hier soir (contre 39 tentatives pour les Bleus) et n'a pas marqué un but après neuf journées de qualification.
_ qu'il s'agit de la seule sélection à n'avoir pas marqué sur les 53 engagées.
_ que ce carnage historique fait très mal à la glorieuse incertitude du sport.
Pardon ? Ce que tout cela m'inspire ? Que l'étoffe des héros est parfois un tissu de mensonges.
Rien d'autre.

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