Économie circulaire, recyclage, interdiction de la fast fashion : environnement 0 / décroissance 1<!-- --> | Atlantico.fr
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Une loi compte encadrer et pénaliser financièrement la fast fashion.
Une loi compte encadrer et pénaliser financièrement la fast fashion.
©Richard A. Brooks / AFP

Quelle politique écologique responsable ?

Si l’objectif de protection de l’environnement ou de la lutte contre le dérèglement climatique est essentiel, les voies choisies relèvent souvent de l’illusions en termes d’efficacité. Probablement parce que les débats se sont largement sous l’influence de militants dont les objectifs politiques sont loin de se limiter à l’environnement.

Alexandre Baumann

Alexandre Baumann

Alexandre Baumann est auteur de sciences sociales et sur de nombreux autres sujets (Antéconcept, Agribashing, Danger des agrégats, Cancer militant).

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Loïc Rousselle

Loïc Rousselle est le porte-parole national et membre du bureau politique du parti Écologie au Centre. Loïc Rousselle est professeur de physique.

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Atlantico : Si l’objectif de protection de l’environnement ou de la lutte contre le dérèglement climatique est essentiel, en quoi les voies choisies relèvent-elles souvent de l’illusions en termes d’efficacité ?

Loïc Rousselle : Une politique écologique responsable devrait rechercher en permanence le meilleur équilibre entre le développement humain et la protection de l’environnement. Les deux peuvent et doivent aller de pair afin de susciter l’adhésion des populations…Idéalement, pour ne pas perdre de vue cet objectif, les politiques écologiques devraient s’appuyer au maximum sur des initiatives locales et décentralisées proches des besoins réels. Malheureusement, l’extrême centralisation et la bureaucratisation excessive de notre pays, comme de l’UE, aboutissent trop souvent à des objectifs hors sol. Les politiciens sont incités à privilégier les objectifs les plus spectaculaires et émotionnels…Ce qui leur assure un bénéfice politique immédiat tandis que l’évaluation de leurs décisions se fera sur le temps long. L’exemple de la politique massive de rénovations thermiques des bâtiments en Allemagne est emblématique à ce titre, cette politique décidée « d’en haut », d’un cout astronomique de 340 Milliards d’euros, n’a finalement pas abouti à une baisse notable de la consommation énergétique des bâtiments comme escompté par les politiciens. Cette somme aurait très certainement pu être mieux employée ailleurs en apportant plus de bénéfices environnementaux : Lutte contre la surpêche, recherche et développement, etc…

Cette idée d’efficacité de la dépense publique dans le domaine de l’environnement fait lentement son chemin, notamment grâce aux travaux de l’écologiste Bjorn Lomborg. 

Alexandre Baumann : On a vu avec Fessenheim que les ambitions environnementales annoncées étaient hypocrites. Ils ont littéralement payé (enfin fait payer à la France) une somme astronomique, sans doute des milliards d'euros, POUR une mesure radicalement néfaste pour la planète.

S'agissant de la Fast Fashion, la proposition prévoit de sensibiliser les consommateurs sur « l'impact environnemental » de l'industrie, d'instaurer un malus écologique pouvant aller jusqu'à 10 euros de pénalité par article vendu, et d'interdire totalement la « publicité pour les entreprises et les produits relevant de la mode éphémère ».
Les définitions semblent pourtant assez floues. L'article Wikipedia ne nous avance pas : il condamne l'impact écologique de la mode en général, parle d'un impact social négatif parce que l'activité donne du travail (de mauvaise qualité certes) au Bangladesh (tout le monde sait que le chômage, c'est mieux ...), parle de "neuromarketing" (oui du marketing donc, comme toutes les entreprises ...) et prend Zara comme première marque de Fast Fashion parce qu'elle s'inspire des modèles haut de gamme mais les vend moins cher. L'article se conclut même sur la mention d'une manifestation d'activistes contre ... un défilé Louis Vuitton. Outre que cela montre la porosité de Wikipedia au militantisme pseudo-écologiste, cela ne donne aucune définition claire. 
Si on va voir sur le site d'Oxfam, on n'est pas plus avancé. Il donne 4 critères: Une mode jetable, un renouvellement rapide des collections, des produits à faible coût, un impact social et environnemental désastreux. Donc, si c'est cher, c'est mieux ? Que veut dire "une mode jetable" ? Si on fait de la fast fashion produite en France, c'est bon ? L'article fait un lien avec le "lean management" qui servirait à "proposer au plus grand nombre des produits de moindre qualité", ce qui n'a strictement aucun sens (en gros, c'est une philosophie et des outils visant à limiter le "gâchis", comme l'est par exemple un entrepot à moitié vide ou un stock excessif), et qui aurait créé le concept de "fast food", avant de générer la "fast fashion" ... Si vous ne voyez pas le sens, c'est normal, il n'y en a pas. C'est un gloubi-boulga sans nom.
Cela pose une question: comment le Législateur veut-il la définir ? Est-ce le nombre de "collections" ? Je doute qu'on puisse les définir, surtout qu'une marque peut très bien s'en affranchir (quel régime juridique pour l'impression à la demande du coup ?).L'esprit de gaspillage qu'il y a à acheter une multitude d'habits et ne les porter que quelques fois est sans doute une drôle d'idée, que j'ai moi-même beaucoup de mal à comprendre, mais pourquoi la sanctionner ? Et comment, alors qu'on ne peut pas la définir ? 

Le récent projet d’encadrement gouvernemental de la fast fashion ou la décision de l’UE sur le plastique ne démontrent-ils pas cette dérive à l’oeuvre ?

Loïc Rousselle : Ces deux réactions politiques sont typiques de ces réactions « émotionnelles » assurant un bénéfice politique immédiat à leurs promoteurs sans qu’aucune étude d’impact n’ait été sérieusement menée.

Un sac en papier fait effectivement plus « écolo » qu’un sac en plastique mais nécessite beaucoup plus d’énergie lors de son processus de fabrication : Pour que l’utilisation du sac en papier devienne rentable du point de vue environnemental, il faudrait le réutiliser 42 fois au minimum ! Dans bien des cas, l’utilisation des sacs plastiques est plus intéressante pour l’environnement, à condition de continuer à développer les filières de recyclage.

Concernant la fast fashion, comment justifier des mesures de rétorsion particulières pour certaines entreprises alors que les vêtements vendus en France sont quasiment tous produits dans les mêmes pays et dans les mêmes conditions ? Imposer une énième taxe, c’est la solution de facilité…Il serait beaucoup plus courageux de s’attaquer à l’excès de normes et à la fiscalité délirante de notre pays afin d’inciter les entreprises de pret à porter à relocaliser une partie de leur production en Europe. C’est en Europe que les standards de protection de l’environnement sont les plus élevés du monde, y relocaliser au maximum la production industrielle a évidemment du sens au point de vue écologique.

Alexandre Baumann : Je n'ai pas d'avis sur la décision de l'UE à interdire les PFAS. S'agissant de l'interdiction de plastique à usage unique, il faudrait que je voie dans le détail. Néanmoins, il faut se rappeler que l'Europe ne représente qu'une petite part de la pollution plastique, celle-ci venant essentiellement de fleuves d'Asie et d'Afrique. Ne serait-il pas plus viable d'aider les pays émergents, qui en sont la principale source, à gérer leurs déchets ? Ou bien d'améliorer la filière recyclage, pour que nous en exportions moins (voir plus loin) ?

Le problème de ces mesures est qu'elles coûtent : elles coûtent à l'administration qui va devoir les mettre en oeuvre, elles coutent à l'économie qui va devoir s'y adapter. Elles rapportent, néanmoins, aux politiciens. Or, on ne sait pas si ce qu'elles sont censées apporter est proportionné à leur coût et si d'autres mesures ne seraient pas plus pertinentes. N'est-ce pas parce que, justement, avoir une politique environnementale rationnelle n'est pas l'objectif ?
Encore une fois, on a vu avec la fermeture de Fessenheim que l'environnement n'est pas la préoccupation principale des politiciens, écologistes ou autres. Une seule chose est claire: les politiciens espèrent sans doute des bénéfices politiques de ces décisions. Ils donnent le change, donnent l'impression d'agir efficacement. N'est-ce pas ce que leur demandent, au fond, les électeurs ?

Ces objectifs ne finissent-ils pas par entraver l’économie sans qu’il y ait de bénéfices pour l’environnement ?

Loïc Rousselle : La clef de voute d’une politique écologiste responsable tient en une formule : La performance environnementale croit avec la liberté économique.

C’est factuel, plus les pays ont une économie libre et développée, plus ils se préoccupent de protéger la nature et plus ils sont en mesure de s’adapter aux conséquences du changement climatique. En Europe, le pays ayant la meilleure performance environnementale est la Suisse !

L’écologie politique en France a été kidnappée par la gauche anticapitaliste…C’est un non sens complet ! Il est urgent de la libérer. 

En quoi les études d’impact permettent-elles de voir le décalage entre les promesses en matière de recyclage et de lutte pour la préservation de l’environnement et la réalité, très éloignée des objectifs prévus ? 

Loïc Rousselle : Bien des politiques, décidées avec les meilleures intentions du monde, ne donnent finalement pas les résultats escomptés. Tout simplement parce qu’elles sont décidées sans prendre en compte les besoins réels des gens et sans respecter leurs incitations…L’échec retentissant de la politique d’économie d’énergies par l’isolation thermique des bâtiments en Allemagne s’explique par l’effet rebond : Nos biais cognitifs inconscients nous poussent à la recherche du confort avant tout, ainsi la meilleure isolation des habitations a conduit à une augmentation des températures de chauffage sans générer de baisse de la consommation d’énergie. La formidable baisse de la consommation d’essence de nos véhicules a abouti à une augmentation de leur usage mais pas à une baisse globale de la consommation de carburant.

Les politiques de recyclage menées en France sont basées sur la coercition ou la culpabilité, jamais sur l’incitation…dans ces conditions, les résultats décevants sont inévitables. Une politique écologique efficace ne peut pas se faire sans l’adhésion de la population qui doit y trouver son intérêt.

Une manière toute simple d’améliorer le taux de recyclage serait d’imiter les méthodes des pays nordiques qui sont des champions en la matière…Ils ont tout simplement mis en place une consigne obligatoire pour les principaux emballages ! En mettant en place les bonnes incitations, nos amis suédois ont un taux de recyclage du plastique deux fois plus important que le notre.

La passion qu’entretiennent les politiciens français pour l’empilement réglementaire et pour les mesures punitives est contre productive pour la protection de notre environnement. 

Alexandre Baumann : On a effectivement la chance d'avoir des retours d'expérience au niveau du recyclage (ce n'est pas toujours le cas ...). 

Un rapport de la Cour des comptes de septembre 2022 a pointé que la diminution de déchets (volume d’ordures ménagères) produit par chaque français stagnait depuis 2010, alors que le gouvernement avait posé comme objectif la baisse de 15 % en 2030. Elle impute cet échec à un pilotage inusuffisant et souligne que les plastiques "posent des difficultés de traitement particulières". Leur "généralisation de leur collecte en poubelle jaune prévue pour 2022 n’est réalisée qu’aux trois-quarts".
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Je n'y ai pas vu abordée la question de l'exportation des déchets plastiques, dont la France exportait pourtant 484 000 tonnes de plastique dédiés au recyclage en 2016 (rq: on importe 123 000), sur les 1111 collectés chaque année, eux même représentant moins d'un tiers du total de déchets plastiques récupérés (3 401 000 tonnes). (Rapport CGEDD 2022 p.167)

Les débats sur ces sujets et ces projets ne sont-ils pas largement sous l’influence de militants qui prônent la décroissance et dont les objectifs politiques sont loin de se limiter à l’environnement ?

Loïc Rousselle : La conjonction du « kidnaping » de l’écologie par la gauche anticapitaliste dans les années 80 et de la montée en puissance d’ONG devenues des entreprises à part entière répondant à leurs propres besoins de développement ont progressivement conduit à un alarmisme permanent, une surenchère collapsologique très éloignée de la réalité. Les médias sont tentés de relayer en boucle les propositions les plus choquantes telles que la limitation à quatre voyages en avion dans une vie ou la limitation du nombre d’animaux domestiques. Pourtant, aucun des scientifiques du GIEC ne prône la décroissance…Au contraire, le GIEC prévoit une très forte augmentation du PIB mondial d’ici à 2100. Le PIB mondial devrait au minimum tripler voire être multiplié par six selon les scénarios. La décroissance serait un contresens complet car c’est le développement économique qui permettra à l’humanité de s’adapter aux nouvelles conditions climatiques. Les malthusiens ont toujours su capter l’attention en jouant avec nos peurs mais se sont systématiquement trompés en ne prenant pas en compte l’incroyable capacité d’innovation et d’adaptation de l’économie libre. Les efforts discrets mais constants des entrepreneurs pour limiter leur consommation d’énergie produisent des résultats remarquables : En 30 ans, la consommation d’énergie par unité de PIB a diminué de 40% dans les pays développés…Cette décroissance la, personne n’en parle, c’est pourtant une excellente nouvelle. Les entrepreneurs font au quotidien beaucoup plus pour protéger l’environnement que la totalité des militants de la décroissance autoritaire qui se succèdent sur les plateaux de télévision.

Alexandre Baumann : Le militantisme pseudo-écologiste a une puissance de frappe médiatique extraordinaire. Même après que le GIEC ait présenté le nucléaire comme un des éléments pour lutter contre le dérèglement climatique, le mensonge antinucléaire continue à prospérer. Idem pour les OGM. Même après que l'échec de l'EnergieWiende, démontrant l'impossibilité d'une décarbonation complète basée sur les énergies renouvelables et ayant consisté, au final, à dépenser des sommes folles (plusieurs centaines de milliards d'euros) juste pour se passer du nucléaire, des gens prônent la sortie du nucléaire et promeuvent le modèle allemand. Même après de nombreuses démonstrations du possible découplage entre le PIB et les émissions de CO2, les décroissants continuent de prétendre que c'est impossible. Sur ce thème, j'ai mis en évidence que le traitement médiatique des Monsanto Papers avait été mensonger. Tout le pays a été induit en erreur par l'écosystème antiglyphosate. Le premier livre, portant sur l'analyse des Monsanto Papers eux-mêmes, sort d'ailleurs le 14 mars: Monsanto Papers, désinformation médiatique.

On a aussi vu la porosité entre la sphère pseudo-écologiste et le militantisme propalestinien, faux nez de l'antisionisme dont les racines soviétiques sont démontrées par Poliakov dans "De l’Antisionisme à l’Antisémitisme" et "De Moscou à Beyrouth", tant à travers les réactions au 7 octobre qu'à travers le chemin pris par Greta Thunberg, qui a visibilement découvert à travers le massacre s'étant déroule en Israël qu'elle aimait beaucoup les palestiniens. On voit aussi une porosité entre les pseudo-écologistes et les forces pro-russes (ex: Bompard qui prétend que la résistance militaire à l'invasion en Ukraine est une impasse). Idem d'une porosité avec les courants antivaxx, anti-ondes et anthroposophiques.
Émerge de l'ensemble l'image d'un écosystème entrepreneurial tourné autour de la désinformation et de la manipulation de masse pour atteindre leurs fins, variables sur le plan individuel, mais qui convergent globalement vers la prise de pouvoir et partagent l'absence de barrière morale (ou leur faiblesse). Ils prétendent agir pour le bien, que ne peuvent-ils pas se permettre ? Il y a beaucoup à faire sur le plan environnemental et des acteurs bien intentionnés, mais les pseudo-écologistes dominent largement le débat et le corrompent.

Pourquoi les gouvernements cèdent à la démagogie face aux militants qui détournent le débat public sur ces enjeux ?

Loïc Rousselle : La préoccupation principale d’un politicien professionnel consiste naturellement à être réélu…L’écologie est devenue un thème incontournable pour espérer un mandat. Les militants anticapitalistes et les ONG sont passé maitres dans l’art de la communication médiatique « émotionnelle » et simpliste, ce qui leur confère un avantage considérable et immédiat par rapport au travail discret des écologistes de terrain et des entrepreneurs qui trouvent des solutions aux problèmes concrets. Il était donc parfaitement logique que ces « militants », en réalité très minoritaires y compris parmi les personnes de sensibilité écologiste, parviennent à imposer leurs revendications. La bonne nouvelle, c’est que leurs excès finissent par les décrédibiliser. La psychologie de la foule évolue et il est probable que dans un futur proche, l’écologie politique se libèrera de ces idéologues pour se recentrer sur ce qu’elle aurait toujours du être : L’art de concilier la protection de la nature avec un développement humain maximal.

Alexandre Baumann : La réponse la plus évidente est simple : l'intérêt électoraliste. Ils tentent d'apaiser le monstre que dressent ces entrepreneurs, la population avide de mensonges, qui veut désespéremment que quelqu'un canalyse loin d'elle son ressentiment et sa frustration. Certains vont tenter de le faire d'une manière la plus raisonnable possible sans doute et d'autres, au contraire, veulent simplement maximiser la domination du politique sur l'économique.

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