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Déserter le PS ou résister en interne : Mélenchon ou Lienemann, quelle stratégie l’emportera ?
©Reuters

Dilemme

La sénatrice de Paris Marie-Noëlle Lienemann a réclamé dans Le Monde la tenue d’une primaire de la gauche dans laquelle elle porterait les voix de l’aile gauche du PS. Dans le même temps, une tribune dans Libération signée par d’anciens cadres du PS annonce leur ralliement à Jean-Luc Mélenchon. Deux stratégies pour la gauche du PS. Celle de Mme Lienemann semble être la plus réaliste.

Gérard Leclerc

Gérard Leclerc

Gérard Leclerc est un philosophe, journaliste et essayiste catholique. 

Il est éditorialiste de France catholique et de Radio Notre-Dame.

Il est l'auteur de l'Abécédaire du temps présent (chroniques de la modernité ambiante), (L'œuvre éditions, 2011). 

 

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Atlantico : Quelle est selon vous la stratégie la plus payante pour les personnalités de cette gauche de la gauche : rester dans le PS pour peser sur sa ligne, ou le quitter pour influencer de l’extérieur ? 

Gérard Leclerc : La situation actuelle est très compliquée pour la gauche de la gauche. Le premier problème est idéologique : pour cette gauche il est impossible de continuer à soutenir un Parti socialiste dont est issu un gouvernement qui, pour eux, ne fait pas mieux voire pire que la droite sur le volet économique et social. Cette gauche est en rupture idéologique sur ces questions avec le gouvernement socialiste. L'autre problème est de l'ordre de la tactique politicienne. Concernant le Parti communiste, il ne faut pas oublier qu’à la différence du Parti de gauche ou des Verts, le Parti communiste est un parti qui compte des élus, et qu’il ne peut en avoir qu’à l’issue d’accords avec le PS. Ils ont déjà perdu un grand nombre de leurs élus alors que c’était une de leurs forces. Par ailleurs, ils sont dans une situation compliquée avec Jean-Luc Mélenchon qui s’est d'ores et déjà lancé seul dans la bataille de l’élection présidentielle de 2017 en dépit de leur alliance initiale.

Pour se sortir de cette situation embarrassante, y a trois options possibles pour la gauche de la gauche. La première est de participer à une primaire de la gauche, mais encore faudrait-il qu’il y en ait une. Cela leur permettrait d’avoir une tribune pour leurs idées et d’obtenir par la suite un accord électoral pour les élections législatives qui suivront la présidentielle. En revanche, cela aurait l’inconvénient de les forcer à réaliser d'importantes contorsions idéologiques puisqu’il est hautement improbable qu’ils remportent la primaire, ils seraient donc conduits à soutenir un candidat socialiste à la présidentielle très éloigné de leurs idées.

La deuxième option est de passer un accord avec les Verts qui sont très demandeurs. Mais il serait très humiliant pour eux de se ranger derrière une candidate comme Cécile Duflot, sans parler une nouvelle fois des désaccords idéologiques majeurs comme par exemple sur la question du nucléaire.

La troisième option est d’aller seuls à la présidentielle. Dans ce cas ils encourent le risque de faire un score extrêmement faible, surtout si M. Mélenchon se présente par ailleurs.

A quelles conditions pensez-vous que Jean-Luc Mélenchon pourrait parvenir à rallier à lui pour 2017 un nombre conséquent de cadres du Parti socialiste ? Sachant que selon un sondage de l’Ifop-Fiducial pour Sud Radio, il atteignait les 15% d’intention de vote si Emmanuel Macron était le candidat du PS en 2017…

Je ne crois pas beaucoup à la perspective d’un départ conséquent de cadres du PS pour se rallier à Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle de 2017. Il y aura certainement quelques personnalités pour faire ce basculement, notamment ceux qui sont déjà en quasi rupture avec le PS comme Pouria Amirshahi par exemple, mais un mouvement massif est assez improbable.

Le grand rêve des leaders de la gauche du Parti socialiste comme Marie-Noëlle Lienemann c’est une alliance populaire comme l’alliance de la gauche d’autrefois, mais derrière un candidat socialiste. Cette perspective reste néanmoins également improbable dans l’état actuel des choses, avec la ligne politique du gouvernement socialiste actuel. Mais je ne pense pas qu’ils tenteront une aventure hors du parti derrière Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier est déterminé à ne pas faire d’alliance avec le PS. Ils prendraient le risque de perdre leur siège en se retrouvant en 2017 en compétition avec un candidat PS aux élections législatives.

Que pèse aujourd’hui l’aile gauche du PS ? Une initiative du type de celle de Mme Lienemann répond-elle à une réelle attente de certains cadres du PS ?

La gauche du parti socialiste a toujours existé et pèse selon les moments aux alentours de 10, 15 ou 20%. Arnaud Montebourg a ainsi fait 17% à la primaire socialiste de 2012, le groupe Socialiste, radical et citoyen (SRC) faisait en son temps 20 à 25%. Le problème c’est que cette tendance est aujourd’hui coincée sous la barre des 20% dans le meilleur des cas et 10 dans le pire. Par ailleurs ils n’ont jamais sauté le pas en s’alliant avec un candidat autre que celui du PS, ce qui signerait automatiquement leur exclusion du parti. Je pense donc qu’ils vont garder cette ligne de conduite et continuer ce qu’ils essaient de faire actuellement avec les frondeurs : développer leurs idées et s’efforcer de peser sur la ligne du Gouvernement, du parti, et in fine du futur candidat à l’élection présidentielle.

Le fait que Marie-Noëlle Lienemann défende fortement l’idée d’une primaire correspond effectivement tout à fait aux attentes de l’aile gauche du PS. Le fait qu’ils n’envisagent pas de quitter le PS pour rejoindre Jean-Luc Mélenchon ne les empêche pas, bien au contraire, de vouloir à tout prix recentrer la ligne politique sur les fondamentaux de la gauche. Ce ne sera possible que dans le cadre d’une primaire. En revanche, il est évident que sa candidature ne sera certainement pas celle derrière laquelle se rangera toute l’aile gauche du PS. Benoît Hamon ou Arnaud Montebourg seraient certainement susceptibles de jouer ce rôle. Le risque d'ailleurs pour eux c'est, dans le cadre d'une primaire, qu'il y ait plusieurs candidatures de l'aile gauche car cela diviserait leurs forces. Une seule candidature aurait déjà peu chance de leur permettre de gagner la primaire, alors s'il y en a plusieurs...

La fameuse union de la gauche est-elle morte avec le mandat de François Hollande ? Le Parti socialiste peut-il remporter des victoires électorales sans garder en son sein son aile gauche ?

L'éclatement de l'union de la gauche est effectivement un des grands événements du mandat de François Hollande. Jusqu'alors, le Parti socialiste parvenait à réaliser une synthèse entre les différentes tendances. Il y avait un relatif équilibre entre la gauche sociale-démocrate et la gauche plus jacobine, centralisatrice, autoritaire, que l'on appelait la première gauche. On se souvient notamment de la "gauche plurielle" de Lionel Jospin qui rassemblait le Parti socialiste, les Verts et le Parti communiste. Le divorce entre ces deux tendances est désormais consommé et cela va être de plus en plus compliqué pour les socialistes de s'unir. François Hollande est allé clairement vers le social-libéralisme ou social-réformisme ce qui entraîne un rejet puissant de la part d'une partie non-négligeable de la gauche. Il ne devrait donc pas y avoir de véritable union ni évidemment de plate-forme ou de programme commun.

La seule chose qui pourrait éventuellement permettre un accord électoral de deuxième tour c'est le fait qu'il va falloir que les élus de gauche s'organisent et s'entendent pour ne pas perdre leurs sièges.

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