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A gauche une cosplayer, à droite l'héroïne à qui elle souhaite ressembler.
A gauche une cosplayer, à droite l'héroïne à qui elle souhaite ressembler.
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Cosplay

Connaissez-vous le cosplay ? Venue du Japon, cette pratique consiste à entrer dans la peau d'un personnages via divers déguisements improbables. Décidément, le jeu revient en force dans la société contemporaine.

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet est chercheur au Centre d’Etudes sur l’Actuel et le Quotidien (Université Paris V René Descartes). Il est docteur en Sociologie. Sa thèse s’intitule : "L’esprit du jeu dans les sociétés post-modernes. Anomies et socialités : Bovarysme, mémoire et aventure." Il a également collaboré à l’ouvrage dirigé par Michel Maffesoli et Brice Perrier : L’homme postmoderne.

Ses thématiques de recherche sont : le jeu, le risque, la morale, les nouvelles technologies, la science fiction et la bande dessinée.

Il est membre de la rédaction des Cahiers Européens de l’Imaginaire et l’un des trois fondateurs de La Tête qui manque.

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Ca ressemble au salon de l’agriculture, sauf que les vaches ont été remplacées par Dark Vador, Batman ou Spock. Le salon Paris Manga se tenait il y a quelques jours à Paris. A l'honneur :  BD japonaises, karaokés et bien d’autres phénomènes étranges comme le cosplay...

Le cosplay : un phénomène étrange ?

Le terme "cosplay" est la contraction de "costume player". Formule difficile à traduire en français mais qui exprime bien ce mélange de déguisement et de jeu (au sens théâtral du terme, mais aussi en son sens simplement ludique). En effet, il ne s’agit pas d’organiser des après-midi costumés. Il faut aussi incarner le personnage sur scène, ou simplement dans les allées des conventions. On peut alors croiser le Joker, Goldorak, Pikachu, et autres héros connus ou moins connus de ces univers mythiques contemporains.

Comme dans toute pratique ludique, le cosplay est aussi affaire d’initiés. Entre les néo-adeptes et les puristes français il y a un monde. A cela s’ajoute le fait que la pratique française est particulière : point de véritable cosplayer sans fabrication artisanale du costume. Faut-il y voir un attachement à l’artisanat des jeunes générations ? Certainement pas, mais comme tout phénomène culturel, le cosplay se différencie selon les régions où il prend racine. En France, cette spécificité est de fabriquer soi même son costume.  Allez savoir pourquoi...

Autre fait marquant du cosplay : l’âge de certains de ces participants. Il ne s’agit pas seulement d’adolescent de moins de 25 ans. Les "gardiens du temple" cosplay, c’est à dire les cosplayeurs de la première heure, ont entre 30 et 40 ans. Ils sont les enfants de Star Wars, d’Ulysse 31 ou de Capitaine Flam et sont aussi nombreux que les plus jeunes.

Mais pourquoi donc se déguiser ?

Ce retour du déguisement n’est donc pas anodin et exprime ce retour massif du ludique dans nos sociétés. La société moderne avait repoussé le jeu dans l’espace des loisirs, dans un espace n’existant qu’en opposition avec le travail. Alors qu’on observe aujourd’hui une contamination du travail par le jeu. Ainsi les méthodes de "la classe créative" envahissent les écoles de management et on voit apparaître nombre de stages où les jeux occupent une place centrale.

Le cosplay apparaît donc comme une des manifestations d’une tendance sociétale forte : le retour de l’esprit du jeu. Mais pourquoi se déguiser ? La première raison est l’importance du jeu des masques dans la vie sociale. Jouer avec son identité quotidienne, l’effacer au profit d’un masque fictif, mythique, ou simplement ludique est un moyen d’échapper aux contraintes sociales.

Jouer pour vivre ensemble

On joue pour se trouver dans un espace intermédiaire entre la vie réelle et un monde imaginaire. Et pourtant, toutes les relations sociales construites dans le jeu sont aussi réelles que toutes les autres et les masques n’apparaissent que comme un moyen de tisser des liens inédits que notre identité sociale nous interdirait en temps normal. Mais rien de nouveau sous le soleil, c’est déjà ce que l’on peut observer dans diverses sociétés secrètes au cours de l’histoire humaine. Le masque, le déguisement, ou encore les codes et secrets d’initiés du Cosplay, sont autant de marques d’une appartenance à une communauté.

La deuxième raison est cette appétence contemporaine pour le groupe (comme l'a bien montré le sociologue Michel Maffesoli). L’histoire moderne a conduit à un individualisme et à l’éclatement du lien social. Les différents rites ludiques, qu’il s’agisse du poker en ligne, des cosplayers, des MMORPG (ces jeux de rôle en ligne), ou simplement d’une partie de Trivail Pursuit, sont tous marqués par cette capacité à créer de la communauté, à produire du lien social. Le jeu, par ses règles et ses codes, crée un territoire, c’est-à-dire un espace qui appartient aux joueurs et qui les définit les uns par rapport aux autres. Autrement dit, tout jeu fait société. Le cosplay sous ses aspects étranges ne fait donc que marquer le retour en force de cette appétence communautaire, de ce vivre ensemble. Alors, si j’ose dire : déguisez vous !

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