Covid : et si les probabilités de transmission les plus fortes n’étaient pas celles qu’on a le plus expliquées aux Français<!-- --> | Atlantico.fr
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Près de 660 millions de cas de Covid-19 ont été rapportés à ce jour de par le monde.
Près de 660 millions de cas de Covid-19 ont été rapportés à ce jour de par le monde.
©ALAIN JOCARD / AFP

Covid

Dans la littérature scientifique tout porte à penser que la voie de transmission quasi-exclusive du coronavirus est la transmission par les aérosols contaminés de notre respiration.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Vous avez écrit sur Twitter : « On apprendra peut-être dans quelques mois que le Sars-CoV-2, le virus de la grippe, le VRS sont quasi-exclusivement transmis par aérosols en lieux clos, mal ventilés, bondés où l’on passe plus de 15 minutes. Les autres contaminations seraient juste anecdotiques, rarissimes. » Pourquoi dites-vous cela ?

Antoine Flahault : Près de 660 millions de cas de Covid-19 ont été rapportés à ce jour de par le monde, or les cas de transmission du coronavirus par voie manuportée ou même par voie directe sont restés extrêmement rares. Dans la littérature scientifique tout porte à penser que la voie de transmission quasi-exclusive du coronavirus est la transmission par les aérosols contaminés de notre respiration, et c’est sans doute vrai aussi pour la plupart des virus respiratoires, comme celui de la grippe ou le virus respiratoire syncitial (VRS). 

Quels seraient alors les cas, et lieux, dans lesquels le risque est le plus élevé ? Et ceux où les risques sont moindres ?

Nous avons la chance de pouvoir, parfois, voir les aérosols de notre respiration. Ce sont ces petits nuages évanescents qui sortent de nos narines ou de notre bouche, l’hiver, dehors, lorsqu’il fait froid. Evanescents, parce que dehors ils se dispersent immédiatement dans l’atmosphère. Nous avons une autre possibilité de visualiser d’autres types d’aérosols accompagnant notre respiration. Il s’agit de ces nuages de fumée que produit le fumeur. Ceux-là, on les voit parfois planner plusieurs minutes, voire même plusieurs heures dans des locaux fermés lorsqu’ils sont mal ventilés. Imaginez que ces aérosols soient ceux de notre respiration - ces derniers en revanche sont invisibles à l’intérieur d’une pièce chauffée - et qu’ils soient contaminés par le coronavirus. Lorsque vous respirez dans cette atmosphère confinée, c’est douze fois par minute que vous inhalez ces particules fines que sont ces aérosols et qui vont pénétrer profondément dans votre arbre respiratoire. Si vous restez, disons quinze minutes dans la pièce, vous aurez respiré 180 fois dans ce nuage malfaisant. Retournons à nos aérosols invisibles contaminés par le coronavirus ou par le virus de la grippe, vous comprendrez que vous aurez fourni 180 occasions aux virus de vous infecter, inutile de préciser que vous aurez peu de chance d’en réchapper. En revanche, si vous êtes dehors, sur une terrasse de café, il est possible qu’une personne infectée en face de vous vous envoie quelques aérosols contaminés, en vous parlant par exemple. Il est possible que ces aérosols contaminés pénètrent dans votre arbre respiratoire. Mais le niveau d’inoculation - la dose de virus reçue - sera bien moindre et la probabilité de se retrouver contaminé, également. 

Quels sont ces lieux qui sont les plus à risque de favoriser la constitution de ces nuages d’aérosols persistant de la respiration de personnes infectées ?

Eh bien ce sont les lieux clos, mal ventilés et qui reçoivent beaucoup de monde. Car plus il y a de personnes dans une pièce et plus la probabilité que l’une d’entre elle soit infectée devient grande. Ces lieux sont principalement les crèches, les écoles, les universités, les hôpitaux, les bureaux partagés, les salles de sport, les clubs, les bars et les restaurants, les églises, les transports publics sur d’assez longue distance… Bien sûr les habitations privées aussi, dès que l’un des membres du foyer est contaminé. En revanche, les supermarchés, les musées où l’on reste rarement plus d’un quart d’heure, et même beaucoup moins longtemps au même endroit, et dans une certaine mesure les bus, trams et métros où les portes s’ouvrent toutes les deux minutes, tous ces lieux sont probablement moins à risque que les précédents. Les enquêtes COMCOR de l’Institut Pasteur confirment cela.

Ces lieux doivent-ils donc être notre priorité en termes d’aération/purification de l’air ? Et de nos actes de protection individuelles (masques, etc.) ?

A terme, il faudra certainement des normes contraignantes de qualité de l’air intérieur pour l’ensemble du bâti qui reçoit du public, et pour tous les transports publics, mais dans un premier temps, en particulier pour passer les fêtes de fin d’année et le reste de l’hiver le plus sereinement possible, on pourrait viser en priorité les lieux clos, mal ventilés et bondés dont j’ai proposé une première liste, et chercher soit à les éviter, soit à veiller à les aérer massivement, et sinon porter en permanence un masque de type FFP2 pour réduire efficacement le risque de contaminations en période de forte circulation virale, comme actuellement. Le problème que l’on rencontre, c’est qu’on n’a aucun moyen naturel pour se rendre compte intuitivement qu’un local est correctement ventilé ou pas. Si l’on veut savoir, il faut mesurer la concentration de CO2 dans la pièce où le wagon à l’aide d’un capteur de CO2, que l’on trouve dans le commerce. Si le niveau qu’indique le capteur de CO2 reste inférieur à 600 ppm, alors on peut rester en confiance sans masque dans le local ou le wagon. Au dessus de 1000 ppm, on ne devrait plus retirer le masque, aérer d’urgence ou quitter la pièce.

Les autres formes de contamination que l’aérosol sont-elles quantité négligeable ? 

Le problème c’est qu’on s’est beaucoup trop intéressé aux voies de contaminations marginales. Les gens se sont rués sur les solutés hydro-alcooliques, ont désinfecté les poignées de portes ou les chaises alors qu’aucun cas de Covid n’avait jamais été rapporté par ce type de contaminations. On peut sans doute attraper un virus de gastro-entérite ou une salmonelle par des surfaces souillées et par contaminations manuportées, mais ni la grippe ni le Covid. Autant le dire, non ? Je ne sais pas si la probabilité de contaminations par les surfaces est complètement nulle, mais on sait aujourd’hui qu’elle est, au plus, anecdotique. 

La plus grotesque des mesures avait probablement été d’exiger le port du masque sur les plages, sur les quais de Seine ou dans les rues. Il vaut mieux prioriser nos actions et retenir que dehors, surviennent moins de 5% des contaminations par coronavirus. On apprendra peut-être un jour que c’est même moins de 1%. Alors le masque, c’est dedans que ça se met ! 

On s’est trop préoccupé également des contaminations directes, vous savez la personne qui vous éternuerait dessus sans mettre sa bouche dans le pli de son coude. Je ne suis pas en train de dire que ce geste est inutile, il est certainement bien d’éternuer dans son coude, ne serait-ce que pour limiter la charge d’aérosols dans l’atmosphère de la pièce. Mais la probabilité de se faire contaminer par voie directe, c’est à dire par les postillons d’une personne infectée, qui atteindraient votre arbre respiratoire, s’avère également très faible. Tout d’abord, il faut très bien viser pour envoyer un postillon à courte distance exactement dans nos narines, notre bouche ou nos conjonctives oculaires. Ces cibles sont quand même très étroites. Ensuite, la personne qui chercherait à vous infecter utiliserait ici un fusil à un coup, si l’on peut dire, car il lui faudrait que les virus contenus dans ses postillons vous infectent dès leur atterrissage sur leur cible. Cet inoculât ne repassera pas 180 fois ou plus comme celui que vous inhalez sans même vous en rendre compte dans le nuage contaminé lorsque vous séjournez pendant plus de 15 minutes dans un local clos, lors d’une réunion ou d’un cours qui vous semble interminable.

Ainsi, ce que je propose ici c’est de mieux choisir ses priorités cet hiver si l’on veut vivre le plus normalement possible, en minimisant les risques de contracter à nouveau le Covid ou la grippe. Pour cela être un peu guidé par les probabilités de transmission que l’on connaît désormais mieux de ces virus, pourrait s’avérer sans doute une façon pragmatique de procéder.

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