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Comment le potentiel diplomatique de la France est gaspillé par une classe politique sans vision et sans courage
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Bonnes feuilles

Extrait de "Carnet de guerres et de crises, 2011-2013", de Jean-Bernard Pinatel, publié aux éditions Lavauzelle (1/2).

Jean-Bernard Pinatel

Jean-Bernard Pinatel

Général (2S) et dirigeant d'entreprise, Jean-Bernard Pinatel est un expert reconnu des questions géopolitiques et d'intelligence économique.

Il est l'auteur de Carnet de Guerres et de crises, paru aux éditions Lavauzelle en 2014. En mai 2017, il a publié le livre Histoire de l'Islam radical et de ceux qui s'en servent, (éditions Lavauzelle). 

Il anime aussi le blog : www.geopolitique-géostratégie.fr

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Le magazine "Forbes" fait perdre 4 places à François Hollande en un an et le classe au 18ème rang des personnalités les plus influentes du monde. Un résultat d'autant plus négatif qu'il place le président de la République loin derrière Angela Merkel (5ème) et David Cameron (11ème).

Contrairement à ce que pourrait laisser supposer ce classement, la France sur les plans diplomatique, militaire, scientifique, technique et économique dispose d’un potentiel  qui devrait placer notre pays dans le top 5 des Etats les plus influents du Monde. Mais ce potentiel est gaspillé par une classe politique sans vision et sans courage.

Au plan géostratégique, le monde évolue vers un condominium sino-américain qui fonctionne suivant une dynamique d’adversaire-partenaire. Adversaire dans la course à la suprématie, partenaire pour empêcher un troisième acteur de venir perturber leur tête à tête. La conclusion qui s’impose est que la voix de la France ne pourra peser réellement dans les grandes affaires du monde et résoudre les crises et les conflits [1] qui pèsent sur notre sécurité et sur notre développement que dans le cadre d’une Europe Politique et d’une Alliance stratégique avec la Russie.

En effet, nous allons être confrontés dans les années à venir à l’islamisme radical qui comme le sionisme, dévoie à des fins de conquête la parole divine transmise par le Coran et la Tora. Nous avons décrit [2], dès 1976, la forme que prendra cette menace. Nous serons à l’avenir confrontés à une sorte de guerre civile mondiale : « ce concept implique une guerre sans front, qui déborde les frontières et dépasse les militaires, pour défendre des enjeux vitaux dans un processus qui peut aller jusqu’à la mort » d’un Etat, d’une nation, d’une civilisation. Nous prenions un exemple pour expliciter notre analyse : « la guerre d’Espagne en 1936 avait déjà annoncé cette forme de guerre civile internationale, avec le combat de volontaires russes, allemands, italiens et de brigades internationales. A force de détournements d’avions et d’actes terroristes, les Palestiniens ont essayé, à leur tour, d’impliquer le monde entier à leur cause et le monde dans son ensemble est devenu leur champ de tir ».

Le Président de la République et ses conseillers politiques n’ont pas compris que ce qui se passe en Syrie, et qui déborde en Irak, est l’exacte concrétisation de cette nouvelle forme de guerre civile qui, aujourd’hui, est  devenue confessionnelle. Ils ont naïvement cru qu’il s’agissait d’une révolution laïque contre un dictateur, reprenant les éternels poncifs véhiculés par les idéologues de la pensée unique, en retard d’au moins une guerre. Ils n’ont pas compris que l’Europe, avec aujourd’hui ses 25 millions de musulmans qui dans 20 ans seront 70 millions [3], est le prochain théâtre d’opération de cette guerre civile confessionnelle qui, cette fois, n’opposera pas sunnites et chiites mais islamistes et civilisation européenne aux racines chrétiennes

Ne confondons pas le message religieux et sa radicalisation dans des buts de conquêtes. Ce n’est pas la religion musulmane qui est une menace mais les islamistes qui en détournent le message en Algérie, au Mali, en Syrie, en Irak, en Tchétchénie ou au Daguestan comme les sionistes le font, de leur côté, pour la religion juive en poursuivant la colonisation rampante en Palestine. Ce sont aujourd’hui les musulmans qui sont les premières victimes de l’islamisme radical, demain ce seront les Européens et les Russes. L’islam et la démocratie ne sont pas incompatibles comme le montre la nouvelle constitution tunisienne. Mais la France et l’Europe, tout en respectant les coutumes qui y sont attachées, doivent combattre sans relâche et avec la plus grande fermeté tout prémices de radicalisation dont le communautarisme est le premier stade.

Or les responsables européens, notamment à cause des blocages des britanniques qui sont surreprésentés dans la diplomatie européenne, sont incapables de définir une politique étrangère et de défense ambitieuse dans ce domaine comme dans tout autre. Une politique mercantile de court terme en fait office avec en plus, pour la France, une posture arrogante de donneur de leçons qui ne fait qu’indisposer nombre de dirigeants étrangers. La réflexion géopolitique et stratégique  sur les intérêts de la France et de l’Europe au Moyen-Orient et en Asie centrale et sur la politique étrangère et de défense à mettre en œuvre pour les promouvoir est quasiment inexistante. Le « livre blanc sur la défense et la sécurité 2013 » français est, dans ce domaine, un recueil de constats et de banalités affligeantes. Ainsi les deux paragraphes consacrés à la Russie ne comportent que 20 lignes. Ils se contentent d’acter que la Russie se « donne les moyens économiques et militaires d’une politique de puissance »  mais ne définissent aucun objectif pour notre diplomatie et notre défense vis à vis de ce grand pays. A-t-on des intérêts communs en matière de sécurité et lesquels ? Si oui où ? Et comment concevoir et mettre en œuvre une stratégie commune ? Il en résulte une absence de vision qui conduit nos dirigeants à n’analyser et à ne commenter les évènements qui concernent ce grand pays qu’au travers de leur prisme idéologique.

La seule constante, de notre gouvernement, est la dénonciation incessante des manquements aux droits de l’homme en Russie alors que nos intérêts communs[4] nécessiteraient plutôt qu’on tende la main à ce grand pays pour le guider sur le chemin plein d’embûches du « graal »  démocratique qu’il essaie d’atteindre depuis seulement un quart de siècle alors que nous-mêmes, après deux siècles de haut et de bas, nous sommes encore loin de la perfection. Dans le même temps nos dirigeants, par intérêt mercantile [5],  font preuve de la plus grande retenue à l’ égard des princes et des rois moyenâgeux du Golfe persique dont on connaît le soutient qu’ils apportent aux islamistes et le peu de cas qu’ils font des droits de l’homme et de la femme.

L’absence de courage politique de nos dirigeants s’observe au premier chef dans la gestion de nos finances publiques. Tous les experts s’accordent à constater que la plaie principale de la France est une dépense publique trop importante, elle-même générée par l’absence de réforme en profondeur des structures territoriales, de l’éducation nationale et des prestations sociales. Pourtant, depuis vingt ans, les politiques de droite et de gauche se sont bien gardés de prendre le problème à bras le corps. Même Nicolas Sarkozy, qui s’est attaché à supprimer un fonctionnaire sur deux partants à la retraite, a évité de s’y atteler en profondeur. Tous, par peur de manifestations et de grèves, ont pratiqué l’échenillage dans le budget de tous les ministères au lieu de préserver et d’accroître les moyens de l’Etat régalien : la diplomatie, l’Armée, la Police et la Justice. Il en résulte un affaiblissement constant du potentiel d’influence de la France et une dette qui va prochainement atteindre les 100% du PIB en 2014.

Ce manque de courage qui frise la démagogie s’observe aussi dans la lutte contre le terrorisme. Alors que les Etats-Unis, La Grande-Bretagne et la Russie ne négocient pas avec les terroristes, nos hommes politiques, même s’ils s’en défendent, font le contraire en se pressant sur le Tarmac de Villacoublay pour s’attribuer le mérite de leur libération, aidés en cela par une classe médiatique qui confond information et émotion.

Ainsi par manque de vision géopolitique et stratégique et absence de courage dans la bonne gestion de nos ressources, notre classe politique et nos élites administratives ne remplissent plus leur mission fondamentale qui est d’utiliser à bon escient l’immense potentiel d’influence de la France pour accroître la sécurité des français et leur offrir un meilleur avenir économique. 

Dans le concert des nations, les Etats n’ont que des intérêts. Certains sont partagés et mondiaux comme le lutte contre le réchauffement climatique ; d’autres sont régionaux comme l’union économique européenne mais aucun n’implique la vassalisation de la France aux intérêts américains et israéliens que l’on observe aujourd’hui sous la Présidence de François Hollande. La France et les français n’y en tireront aucun bénéfice économique. Tous ceux qui, comme moi,  sur le terrain aident les entreprises françaises à se développer au Moyen-Orient, savent que les entreprises américaines et israéliennes concurrentes foulent au pied les normes anticorruption internationales avec la complicité de l’administration américaine qui les a établies et se servent de cette moralisation, affichée mais jamais pratiquée, pour contrer les concurrents des Etats-Unis.

Bien plus, je soutiens que cette politique d’alignement sur les Etats-Unis, à laquelle le Général de Gaulle [6] s’était toujours opposée, dessert fondamentalement les intérêts de La France et des français. Elle ne peut qu’accroître le chaos mondial, pénaliser notre développement économique et  mettre en danger la sécurité des français. Malgré le travail admirable de nos services anti-terroristes, que les médias clouent au pilori lorsqu’un djihadiste réussit à passer entre les mailles du filet, nous allons devoir faire face, dans les années à venir, à des attentats sur notre sol qui seront liés directement à la politique partisane et irresponsable menée notre gouvernement au Moyen-Orient et en Asie centrale. Elle ne sert que des intérêts particuliers ou étrangers qui ne sont pas ceux de la France.

Extrait de "Carnet de guerres et de crises, 2011-2013", de  Jean-Bernard Pinatel, publié aux éditions Lavauzelle, 2014. Pour acheter ce live, cliquez ici.

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