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Cette première victoire diplomatique que pourrait obtenir Donald Trump dans sa gestion de l’inquiétant cas nord-coréen
©Reuters

Succès

Dans un contexte de forte tensions entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, le changement de diplomatie de Trump pourrait porter ses fruits peut-être plus tôt que prévu.

Jean-Vincent Brisset

Jean-Vincent Brisset

Le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset est chercheur associé à l’IRIS. Diplômé de l'Ecole supérieure de Guerre aérienne, il a écrit plusieurs ouvrages sur la Chine, et participe à la rubrique défense dans L’Année stratégique.

Il est l'auteur de Manuel de l'outil militaire, aux éditions Armand Colin (avril 2012)

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Atlantico : Alors que les essais balistiques menés par la Corée du Nord au cours de ces dernières semaines inquiètent Séoul et Tokyo, notamment sur les engagements américains quant à leur protection, comment peut on juger de la pertinence de la politique menée par Donald Trump pour "régler le problème", c'est à dire en mettant la pression sur la Chine ? Après 25 ans de diplomatie infructueuse entre Washington et Pyongyang, la méthode Trump a-t-elle une chance de réussir ? Les essais menés par Pyongyang ne sont ils pas un camouflet pour cette stratégie ?

Jean-Vincent Brisset : Il est certainement beaucoup trop tôt pour juger de la pertinence du changement d’approche inauguré par Donald Trump dans la gestion de la problématique nord-coréenne. Pendant 25 ans, les dirigeants américains qui se sont succédé ont alterné les menaces (non suivies d’application), les tentatives de coopération (en essayant même parfois de les faire financer par d’autres), les rencontres à différents niveaux et les embargos/sanctions (inefficaces). En résumé, l’ensemble des moyens d’une politique étrangère « classique ». La rencontre entre le Président américain et son homologue chinois, en avril dernier, a vu les deux dirigeants évoquer nombre de problèmes, le premier d’entre eux étant l’évolution des rapports économiques entre les deux pays. La Corée du Nord a fait partie des points abordés, et il semble qu’il l’ait été dans une approche différente, avec Trumpmettant la Chine face à ses responsabilités dans la survie et le maintien de la capacité de nuisance du régime Kim. Cette approche avait déjà été tentée, en particulier dans la fin des années 90, mais l’administration US était restée dans le domaine de la rhétorique, se contentant de formuler des demandes. Il semble que le nouveau  Président américain ait mis une vraie pression sur son homologue en employant des arguments qui relèvent bien davantage du monde des affaires que de celui de la politique traditionnelle. Mais on imagine mal que cela ait pu être fait sans des contreparties dont le contenu demeure largement du domaine des hypothèses. Parmi les monnaies d’échange potentielles, l’abandon du soutien de Washington à Taiwan a été évoqué, provoquant quelques craintes dans l’île.On peut penser que Donald Trump, à la recherche d’un premier succès diplomatique incontestable, ait voulu profiter de l’évolution de la politique chinoise envers Pyongyang, déjà marquée en février 2017 par l’arrêt de l’importation du charbon nord-coréen, une des rares sources de revenus du pays. Depuis cette époque, et en particulier après la rencontre entre les deux Présidents, la Chine, exaspérée,  a multiplié les annonces assez dures sur les « provocations » nord coréennes. Mais, dans le même temps, alors que Trumpaligne une série de menaces, y compris militaires, envers Kim, Xi voit s’approcher le XIX° Congrès, échéance cruciale pour lui. Dans cette optique, il ne peut pas se permettre d’afficher une quelconque dépendance vis-à-vis des Etats-Unis. D’où quelques nouvelles déclarations selon lesquelles la Chine n’a aucune responsabilité dans les essais du trublion. A Washington aussi, les problèmes de politique intérieure jouent aussi un grand rôle. Le Président est très isolé face à une classe politique -largement soutenue par les médias- qui a longtemps « téléguidé » les décisions des dirigeants et qui craint, à juste titre, de se voir ramener à un rôle d’exécutant.
Depuis 24 ans que dure le feuilleton balistique et nucléaire mis en scène par Pyongyang, il est difficile de dire à quoi ressemblera le prochain épisode. Du côté US, un Président qui voudrait pouvoir s’attribuer un succès là où tous ses prédécesseurs ont échoué. Il a déjà fait bouger la Chine et vient d’enregistrer des soutiens de poids. Au Japon, même si la légitimité de Abe vacille et, plus inattendu pour beaucoup, en Corée du Sud où le déploiement de systèmes anti missiles a pu reprendre. De son côté, la Chine voudrait pouvoir se débarrasser de ce qui est pour elle une épine. Mais elle ne peut ni ne veut permettre au reste du monde de croire que cela a été fait sous la pression de Washington. 
Pendant ce temps, les essais balistiques se poursuivent. Pour Kim, il est indispensable de prouver qu’aucune pression extérieure ne peut l’atteindre. On imagine aussi qu’il a fixé des échéances à ses techniciens et que ceux-ci n’ont pas d’autres choix que de poursuivre la course en avant.

En constatant que la Chine tend à souhaiter la stabilité de la région, et ne semble pas prête à accepter un flux de réfugiés venant de la Corée du Nord en cas d'effondrement du régime, pas plus que Pékin ne saurait accepter un déploiement de forces américaines à ses frontières, quel serait un développement acceptable pour l'ensemble des parties ? Tokyo et Séoul sont ils voués à devoir accepter un voisin disposant de l’arme nucléaire ?

Pour Tokyo et Séoul, la menace nord-coréenne est beaucoup plus immédiate et concrète  qu’elle ne l’est pour les Etats-Unis. Outre son existence même, elle est une atteinte indirecte à leur souveraineté dans la mesure où elle rend indispensable le recours au « parapluie » américain. Pour Pékin, l’effondrement du régime aurait pour première conséquence l’afflux de millions de réfugiés. Il semble d’ailleurs que la surveillance, le long des 1400 kilomètres de frontière, ait déjà été renforcée. En tout état de cause, la Chinen’aura d’autre choix que de tenir à bout de bras le successeur de Kim. De plus, si la chute de la dynastie actuellement au pouvoir devait conduire à une réunification des deux Corée, cela se traduirait pour Pékin par la création d’une frontière terrestre commune avec un allié de Washington, ce qui lui est inacceptable. Mais, pour Séoul en particulier, le remplacement du régime de Kim par un gouvernement totalement à la solde de Pékin serait aussi une menace.

Si Etats Unis et Chine semblent être la manœuvre dans le règlement de cette question, quels pourraient être les moyens d'échange permettant de satisfaire les deux parties ? 

Les deux parties ont un intérêt commun immédiat : la cessation des programmes nucléaires et balistiques de la Corée du Nord, avec un démantèlement vérifié des installations et des moyens existants. Cela a déjà été fait pour des pays du seuil, de manière pacifique comme au Brésil ou en Afrique du Sud, de manière plus brutale en Irak et en Syrie. Cela n’a pas été aussi simple -et ce n’est pas abouti-pour l’Iran. Chine et Etats-Unis ont déjà beaucoup moins de convergence sur ce qui pourrait se mettre en place à Pyongyang, sachant qu’on imagine mal la classe dirigeante actuelle se convertir à la démocratie et au respect des règles.
Parmi les scénarios imaginés, celui d’un marchandage (méthode déjà évoquée plus haut) qui verrait la Chine « débarquer » Kim JongUn pour le remplacer par un fantoche à sa solde qui ferait de la Corée du Nord un état tampon, ayant abandonné toute ambition de se doter d’une force de dissuasion. En échange, les Etats Unis pourraient retirer tout ou partie de leurs moyens (défense anti missiles en particulier) déployés chez leurs alliés Japonais et surtout Sud-Coréens. Et/ou arrêter tout soutien à Taipei. Dans toutes ces hypothèses, on enregistrerait un succès à court terme contre la Corée du Nord, au prix d’une très forte perte d’influence des Etats Unis au profit de la Chine.

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