Ces inconnus sur lesquels vous tombez régulièrement : ce que la science sait maintenant pour prédire les rencontres (faussement) aléatoires<!-- --> | Atlantico.fr
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Les citadins tombent souvent sur un même inconnu.
Les citadins tombent souvent sur un même inconnu.
©Reuters

On se connaît, non ?

Une récente étude, menée par un centre de recherche basé à Singapour, a étudié pour la première fois le phénomène de "l'étranger familier" à l'échelle d'une ville entière."L'étranger familier" : vous savez, cette personne que vous ne connaissez pas et qui appartient pourtant à votre environnement.

Le psychologue social américain Stanley Milgram est principalement connu pour l'expérience de Milgram (sur la soumission à l'autorité) et l'expérience du petit monde (la théorie des six degrés de séparation). Mais il a aussi travaillé sur les particularités liées au fait de vivre en ville, rappelle le site The Atlantic Cities. Milgram a notamment souligné le fait que les citadins tombent souvent sur un même inconnu - "l'étranger familier", comme il le nomme dans son livre The Individual in a Social World, publié en 1972.

"L'étranger familier". Vous savez, cette femme à côté de laquelle vous attendez le bus chaque matin. Ou encore cet homme que vous croisez presque tous les samedis en allant acheter votre pain et votre journal. Des personnes que vous ne connaissez pas, et qui appartiennent pourtant à votre environnement. "Ces visages et ces gens sont considérés comme parties intégrantes de votre milieu", explique Stanley Milgram. Bien plus que les personnes avec lesquelles vous échangez quelques mots - par politesse - à la machine à café ou dans la cour de votre immeuble.

Quelques années avant que Milgram ne publie son essai, ses élèves ont mené ont étude rudimentaire pour montrer l'ampleur du phénomène. Dans un premier temps, ils sont allés un matin photographier des personnes qui attendaient leur train dans une gare de banlieue. Une semaine après, ils sont retournés sur place avec les clichés et ont demandé aux gens de désigner les visages qu'ils reconnaissaient. Résultat : près de 90% des "cobayes" avaient au moins un "étranger familier" dans leur vie. En moyenne, ils en avaient quatre !

Une récente étude, conduite par le Future Cities Laboratory (un centre de recherche basé à Singapour), a observé pour la première fois ce phénomène à l'échelle d'une ville entière. Les chercheurs ont ainsi confirmé que les citadins connaissaient effectivement des "étrangers familiaux", et que ces derniers constituaient une sorte de réseau social caché, détaille The Atlantic Wire. "Vu dans son ensemble, le réseau de rencontre empirique que nous illustrons ici est un petit monde bien connecté, au sein duquel les individus [...] interagissent fortement avec un nombre croissant de personnes à travers toute la ville", explique l'étude.

Pour parvenir à cette conclusion, les scientifiques se sont penchés sur 30 millions de trajets d'autobus empruntés par 2,9 millions de personnes. A l'aide de cartes à puce, ils ont localisé les itinéraires des gens, et déterminé la date, l'heure ainsi que les personnes avec lesquels ils se trouvaient.

Ils ont découvert que la plupart des rencontres enregistrées avaient lieu à la même heure du jour, généralement le matin (85% des cas). Il existe une explication logique à cela : les trajets en transports en commun obéissent souvent à des habitudes quotidiennes - c'est particulièrement vrai la semaine lorsqu'on travaille. Sans surprise, plus une personne est routinière dans ses trajets, plus elle a de chances de rencontre des "étrangers familiers".

Deux bémols à cette étude : impossible de savoir avec certitude si les "étrangers familiers" se voyaient l'un l'autre. Les chercheurs n'ont fait que "tracer" les gens à l'aide d'une puce, ils ne leur ont pas demandé s'ils avaient bel et bien vu les mêmes inconnus régulièrement. Impossible non plus de savoir si les deux personnes n'étaient pas, en fait, vraiment amis ou qu'elles se connaissaient.

Du reste, l'expérience soulève de nombreuses questions : une connaissance approfondie de ce réseau social caché permettrait-elle de prédire la propagation de certaines épidémies ? Les "étrangers familiers" pourraient-ils aider les chercheurs à mieux comprendre la "contagionsociale" - cette idée selon laquelle nos comportements déteignent sur notre entourage ? Enfin, que se passerait-il si nous nous mettions à parler à ces individus que nous voyons souvent mais que nous ignorons ? Peut-être faudrait-il alors revoir la théorie des six degrés de séparation...

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