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Ces couples que la tragédie fait entrer dans l’Histoire
©OLIVIER LABAN-MATTEI / AFP

Eros et Thanatos

Dans "Des Couples tragiques de l’histoire" (Editions Perrin), Jean des Cars montre comment certains représentants des grandes dynasties et les couples au sein de la royauté ont aussi été marqués par la tragédie de l’Histoire et les affres de la passion.

Jean  des Cars

Jean des Cars

Jean des Cars est l'auteur de nombreux ouvrages sur les princes des grandes Maisons d'Europe, et en particulier la famille de François-Joseph Ier d'Autriche et d'Élisabeth de Bavière, dite Sissi. Il vient de publier : La saga des Habsbourg : Du saint empire à l'Union européenne (Perrin). 


 

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Atlantico : Vous publiez "Des Couples tragiques de l’histoire" aux éditions Perrin. De Louis XVI et Marie-Antoinette au chah d'Iran, comment expliquer que les représentants des grandes dynasties et les couples au sein de la royauté aient été aussi marqués par la tragédie de l’histoire et les affres de la passion ? Dans les différents récits de votre ouvrage, les figures historiques et ces couples tragiques de l’histoire sont-ils une nouvelle vision des mythes grecs d’Eros et Thanatos ? Leur amour était-il scellé par un destin funèbre, par la fatalité ?

Jean des Cars : On ne peut pratiquement jamais prévoir, réellement, si un couple, quel que soit son milieu ou la rencontre de deux milieux, sera heureux ou malheureux. Dans ce domaine, on a tout vu et son contraire! Les personnages voués à un destin politique, public, en tous cas exposés au regard des peuples et des nations, ne savent pas ce qui les attend sinon l’épreuve d’être jugés, aimés ou détestés. Ils savent seulement que leurs attitudes seront scrutées par l’opinion, hier comme aujourd’hui, même si notre époque est caractérisée par le voyeurisme de l’image et le cauchemar des réseaux sociaux, trop souvent un déversoir lâche de jalousies et de rumeurs... Et même les unions “bien sur le papier”, comme disait une de mes tantes, ont parfois des destins surprenants. Ce que j’ai voulu montrer tient, en effet, de la confrontation entre Eros et Thanatos mais aussi, tout simplement et très souvent, de conventions banales au départ. Ce qui m’intéresse est le rôle de l’imprévu, celui-ci transformant, balayant et déformant une situation de départ et pouvant faire naître, parfois, un accord psychologique, affectif, éventuellement physique inattendu entre deux êtres. C’est la fatalité qui transforme leur destinée en pages d’Histoire. Les frères Goncourt avaient raison en écrivant: “ Vous aimez le roman? Lisez l’Histoire”... Je l’ai presque toujours vérifié en étudiant et en racontant, dans plusieurs livres,le sort de personnages au pouvoir dans les grandes dynasties européennes.

Comment expliquer que les obstacles, les difficultés et les tragédies aient pu parfois sublimer la passion, l’amour et la connexion au sein de ces couples majeurs de l’histoire, comme ce fut le cas par exemple pour Marie-Antoinette et Louis XVI lors de leur emprisonnement ou bien encore Napoléon et Marie Walewska lors de l'exil ?

Dans le cas de Louis XVI et de Marie-Antoinette, si on a longuement relaté leurs difficultés et désaccords physiques en raison de leur jeune âge et de leurs timidités, j’ai tenu à relater ce qu’on oublie, à savoir leur osmose, leur union intellectuelle et leur entente, pour ainsi dire silencieuse, dans la dernière partie de leurs vies, à savoir leur emprisonnement au Temple. Tous deux savent qu’ils sont perdus, que leurs morts sont inévitables. Et si on ne peut dire qu’ils se “retrouvent enfin”, ils se découvrent dans leur courage qui fait d’eux, in extremis, un couple par cette lucidité qui les unit: c’est le couple de condamnés qui sait ce qui l’attend. La prévenance de Louis XVI, lucide, le réalisme posé de Marie-Antoinette, ont été souvent occultés dans cette terrible phase. Cette communion sur la vérité de leur situation a trop été négligée. Quels que soient leurs défauts, leurs travers, leurs erreurs voire leurs fautes dans leurs existences souveraines, ils sont effacés et remplacés par la certitude de leur fin prochaine. Et c’est profondément associés qu’ils vivront leurs derniers moments ensemble. C’est d’une incontestable dignité. Il me paraît que cette évolution, digne de respect, avait été généralement occultée. Elle n’efface rien du passé mais elle le transforme, dans leurs derniers moments ensemble, en une intimité de réflexions qu’ils n’avaient jamais réellement connue ni même envisagée. Ils se sont quittés en mari et en épouse, c’est à dire avec la même vision, enfin à l’unisson, avec un incontestable courage.

Dans le cas de Napoléon et de Marie Walewska, c’est, enfin, l’amour qui triomphe par l’ultime phase de cette romance. Je me suis rendu à l’Ile d’Elbe, un monde fascinant. Ce qui est sublime est le courage de Marie Walewska mais aussi sa fierté d’être la seule femme ayant aimé l’Empereur qui se se soit déplacée sur le lieu de son exil. Il faut réaliser l’exploit de cette femme, de sa fierté d’être la seule de ses conquêtes féminines ayant eu le courage de cette expédition au nom de l’amour. Quand on connaît la configuration de l’Ile d’Elbe, ses conditions d’accès en 1815 et la seule revendication de cette maîtresse qui, tenant l’enfant de l’amour contre elle, se borne à dire: “C’est mon fils”, avec toutes les interprétations et suppositions que provoque cet aveu, son audace est admirable. Une leçon ! C’est un épisode merveilleusement romanesque, à mon avis le plus bouleversant de la vie amoureuse de Napoléon.

Le destin si particulier et tragique de ces couples - de Dom Pedro de Portugal et Inès de Castro, de François II et Marie Stuart, de Louis XVI et Marie-Antoinette, de Napoléon Ier et Marie Walewska, du duc et la duchesse de Berry - n’a-t-il pas contribué paradoxalement à construire la légende de ces couples « mythiques » et emblématiques de l’histoire ? L’amour, leur passion, l’unité de ces couples et leur destin brisé par la fatalité n’ont-t-il pas magnifié leur empreinte à travers les siècles, les transformant presque en grandes figures romantiques ?

Évidemment, la dimension, je dirais « théâtrale » des exemples que vous retenez dans mon livre, exemples et qui m’ont, bien entendu, passionné, fait des quatre couples que vous évoquez des exemples hautement romantiques. Au Portugal, l’incroyable et macabre vengeance de Don Pedro, enragé de douleur, est hallucinante et on comprend qu’Henry de Montherlant en ait tiré une pièce. Quant à Marie Stuart, sa beauté, son allure mais aussi sa vie amoureuse désordonnée et son obsession de défendre l’Ecosse catholique, ainsi que ses maladresses politiques, en font une héroïne passionnante et toujours vénérée. Et si la duchesse de Berry s’est trompée d’époque en se prenant pour la Marie Stuart vendéenne car la Vendée de 1832 n’était pas celle de 1793, elle a le panache de ne jamais se plaindre et ne gémit pas. Son courage, chargé d’inconscience, est très romantique et séduisant. Les point final de l’existence de ces deux héroïnes est on ne peut plus romanesque et donc passionnant.

Au regard de la pandémie de Covid-19 en cette année 2020 si particulière qui vient de s'achever, existe-t-il des exemples de couples au sein de familles royales ou princières, ou de femmes et d’hommes illustres qui pourraient figurer dans votre ouvrage pour un chapitre contemporain ?
Il est trop tôt pour mesurer l’impact des angoisses et des bouleversements causés par la pandémie chez des couples illustres. Je dirais seulement, en ce début d’année, que dans le cas de Harry et Meghan, leur départ pour le Canada puis pour les Etats-Unis fut d’un aveuglement et d’un égoïsme coupables: même s’ils ne représentent plus la Couronne, donc l’Etat britannique, c’était abandonner le Royaume-Uni alors qu’il affrontait deux traumatismes, la pandémie et le Brexit. Pour l’opinion outre-Manche, c’est une véritable trahison.

 Jean des Cars publie "Des couples tragiques de l’histoire" aux éditions Perrin

Deux extraits de l'ouvrage :

-  Les couples tragiques de l’histoire : Louis XVI et Marie-Antoinette, seul le malheur les réunira

- Les couples tragiques de l’histoire : Marie Walewska, l’amour sacrifié de Napoléon

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