Alain Madelin : “Si on est libéral, la priorité absolue c’est de combattre Jean-Luc Mélenchon et ses alliés”<!-- --> | Atlantico.fr
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L'ancien ministre de l'Économie Alain Madelin lors d'une réunion marquant le 3e anniversaire du Fonds Stratégique d'Investissement à la Caisse des Dépôts et Consignations, à Paris le 17 novembre 2011
L'ancien ministre de l'Économie Alain Madelin lors d'une réunion marquant le 3e anniversaire du Fonds Stratégique d'Investissement à la Caisse des Dépôts et Consignations, à Paris le 17 novembre 2011
©LIONEL BONAVENTURE / AFP POOL / AFP

Législatives

Les élections législatives à venir constituent un choix complexe pour les électeurs libéraux. Alain Madelin, libéral historique et ancien ministre, fait part de son éclairage sur la question.

Alain Madelin

Alain Madelin

Alain Madelin a été député, Ministre de l'Economie et des Finances et président du Parti Républicain, devenu Démocratie Libérale, avant d'intégrer l'UMP.

Il est l'auteur de Faut-il supprimer la carte scolaire ? (avec Gérard Aschieri, Magnard, 2009).

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Jean-Sébastien Ferjou

Jean-Sébastien Ferjou

Jean-Sébastien Ferjou est l'un des fondateurs d'Atlantico dont il est aussi le directeur de la publication. Il a notamment travaillé à LCI, pour TF1 et fait de la production télévisuelle.

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Atlantico : Pour qui voter aux élections législatives, quand on est un électeur libéral, au regard de ce que sont les programmes proposés ?

Alain Madelin : Il n’y a pas de parti libéraux mais il existe pour peu que l’on regarde à la loupe et qu’on soit indulgent des candidats libéraux. Chez les Républicains, au Modem, à Horizon ou à Renaissance et même du côté d’une certaine gauche, chez les non-mélenchonistes. Donc la réponse est claire, voter pour ces candidats au premier tour et même au deuxième tour pour ceux qui réussiront à franchir la barre qui leur donne des chances d’y figurer à savoir 12,5% des inscrits. C’est souvent difficile, mais beaucoup moins avec une forte participation électorale.

La situation eut été bien entendue très différente si Emmanuel Macron avait tenu sa promesse de scrutin proportionnel qui aurait permis la représentation de chaque famille politique qui n’auraient pas été obligées de s'assujettir à d’autres pour faire figurer ses candidats au deuxième tour. J’ajoute aussi que si un scrutin proportionnel avait effectivement été mis en place, nous aurions surement vu la renaissance d’une famille pol libéral, ce qui aurait simplifié le choix des libéraux.

Reste la question du deuxième tour. Bien sûr, d’abord, battre Mélenchon. Je dis Mélenchon, non pas le Front Populaire qui n’est qu’une étiquette trompeuse qui n’a rien à voir avec notre historique Front Populaire. Ce front là, c’est le Front Mélenchon. Et je regrette souvent que par nécessité électorale les écologistes et les socialistes aient accepté d’y figurer tout en acceptant le risque d’y être minoritaires.

Il est indispensable de combattre le front Mélenchon car sa victoire conduirait notre pays au chaos. Son programme fait penser à des gamins rassis par la haine sociale et ignares des lois de l’économie, qui pensent qu’elles se votent au parlement.

En quelques mots, ce programme c’est dépenser, dépenser beaucoup, dépenser plus, un argent que l’on a pas. En faisant croire que l’on fera payer les nouvelles dettes par la Banque de France, ce qui est impossible. Une situation qui nous enfoncera dans une crise qui conduira aussi à la crise de l’euro et de l’Europe. Une crise qui sera plus rapide qu’on le croit car le rôle des marchés financiers n’est pas d’attendre au pied du mur mais bien d'anticiper.

Ce programme c’est aussi taxer, taxer, taxer. On fera payer les riches, mais deux millions de contribuables sont  visés. Beaucoup plus si l’on ajoute la CSG progressive. Résultat on va détendre le ressort de la croissance et provoquer la grande migration des talents. Mais ils ont pensé à tout : il y aura une taxe sur l’émigration française. On replie l’économie sur elle-même en instaurant par exemple une taxe kilométrique sur les produits importés. Qui peut croire que nos exportations ne seront pas menacées elles-mêmes. D’ailleurs si vous taxez les smartphones, vous les rendrez plus cher en France. Encore un impôt payé par le consommateur.

Au chaos économique, Mélenchon ajoute un chaos social sous la forme d’une haine qui réveille les démons de l’antisémitisme dans une triste tentative de conqsuérir l’électorat islamiste en France.

Dans la plus grande inconscience, il se propose de favoriser l’immigration et même, grande nouveauté, d’ajouter à l’asile politique l’accueil des réfugiés climatiques. Comme s’il fallait les accueillir en France et non les installer à proximité. Merveilleux prétexte pour un nouveau statut qui comme le détournement du droit d’asile entraînera d’autres détournements à prétexte écologique, simplement dans des proportions beaucoup plus considérables.

En matière de sécurité, on sait qu’il veut désarmer la police mais il veut tout autant désarmer la justice lorsqu’il propose de “lutter contre la surpopulation carcérale”. Qui ne le souhaiterait pas. Mais il ne s’agit pas de place de prison en plus mais d’incarcérer encore moins, de rendre encore moins les peines de prison effectives, c’est-à-dire de renoncer à la dissuasion que représente l’exécution d’une peine. 

Bien sûr, combattre Mélenchon, mais faut-il voter pour Bardella ?

Je n’ai jamais, pour ma part, participé à la diabolisation du Rassemblement national. Je me contente d’examiner de près ses propositions.

Sur le plan économique, longtemps,le RN est apparu comme étatiste et populiste avec un programme dangereux pour l’économie française. Aujourd’hui les choses sont différentes. De jour en jour, le RN édulcore ses promesses. Et nombreux sont ceux qui de Gabriel Attal à Bruno Le Maire, en passant par nombre de journalistes soulignaient cet écart entre les programmes d’hier et d’avant hier et les positions d’ajd. Ils pensent ainsi saper la confiance dans le RN. C’est exactement l’inverse qui se produit. C’est dire que voter pour Bardela ne peut pas conduire à une catastrophe économique et au en plus  au contact de la réalité on peut penser que le RN sera forcé de se méloniser. 

En ce qui concerne les questions de la sécurité et de l’immigration pour lesquelles beaucoup de Français ont une attente forte après des années d’inaction des gouvernements précédents toutes tendances confondues, j’ai tendance à penser que le RN a fait naître une attente supérieure à ce qu’il pourra délivrer. Néanmoins, en s’alignant sur un contrôle plus strict de l’immigration que pratiquent déjà de nombreux pays européens, notamment sur le regroupement familial, l’exigence d’un logement ou d’un travail et bien d’autres mesures qui peuvent être prises sans rupture majeure avec l’Europe et avec le droit international il lui est possible - s’il fait preuve de souplesse et non de rigidité - de donner le sentiment d’un coup d’arrêt à l'installation en France d’immigrés qui n’ont guère l’intention d'y travailler mais d’y vivre en y faisant France à part.

Reste une question extrêmement importante. Une question que Bardella devrait mieux clarifier dans cette dernière semaine de campagne : la question de l’Ukraine et du soutien déterminé qu’il faut lui apporter. C’est un enjeu existentiel pour la France. De l’issue de l’agression de Poutine contre l’Ukraine va dépendre le futur des démocraties – et donc de la France – pour les décennies à venir. Ne nous trompons pas : Poutine mène une guerre aux démocraties, avec l’appui de la Chine, de l’Iran et de nombreux autres gouvernements totalitaires. L’enjeu des législatives dépasse celui de la réforme de l’assurance chômage.

A cet égard, la politique du Rassemblement national interroge. Une forme de poutinisme est restée très vivante dans ses rangs et il devient urgent de tourner cette page de leur histoire, dans l’intérêt de la démocratie française. 

Nul doute que Poutine ne se réjouisse d’une possible victoire du Rassemblement national. Car pour lui, c’est un mouvement ami. C’est une longue histoire. MLP qui disait “admirer Vladimir Poutine”, que “la démocratie de Poutine était plus libre que la démocratie en France”, qui défendait l’agression et l’annexion de la Crimée par la Russie, qui après l’annexion de celle-ci défendait la livraison du porte hélicoptère mistral à la Russie. D’un RN dont nombre de ses candidats se sont fait les faux témoins de référendums honnêtes en Crimée ou dans les républiques séparatistes du Donbass. On dira, tout ceci c’était hier. Soit. Aujourd’hui les dirigeants du RN condamnent l’agression russe et affiche une position de soutien à l’Ukraine. Ceci s’est beaucoup moins vu dans les votes du RN au Parlement européen. Le risque n’est pas de voir la Franceà renoncer au soutien à l’Ukraine - cohabitation oblige - mais parler de paix, de cesser-le-feu ce que Poutine agite mais ne veut pas pour donner le sentiment d’une hésitation française. Compte tenu du leadership qu’a pris la France, ceci peut entraîner le délitement du soutien européen. S’ajoutant aux possibles hésitations de l’Amérique après une éventuelle élection de Donald Trump. Il est facile de dire “nous ne voulons pas être entraînés dans une guerre nucléaire”, “pas d’escalade”... donc par exemple, “gelons l’envoie de nos Mirages”. L’opinion pourrait suivre en partie mais en réalité l’arme nucléaire qu’agite Poutine est justement une arme destinée à faire peur aux opinions. L’escalade c’est celle que pratique Poutine et nous ne faisons que la suivre… avec retard.

Le RN doit prendre conscience qu’on ne peut se dire patriote en France sans résister vraiment à Poutine, sans affirmer la souveraineté de l’Ukraine et sans prendre toute sa place dans le combat des démocraties.

Emmanuel Macron a très souvent été présenté comme le candidat porteur d’une vision libérale en France. Dans quelle mesure peut-on dire qu’il l’a été… et dans quelle mesure peut-on aussi dire que c’est une erreur d’analyse ?

Emmanuel Macron a été un peu libéral sur la question économique. Il a compris quels étaient les impôts qui pénalisaient le plus l’initiative, les a réduits et s’est montré favorable à l’ouverture à la concurrence. Il faut aussi mettre à son actif une réforme plutôt libérale de la formation professionnelle. Tout cela a entraîné de plutôt bons résultats en matière d’emploi. Point final.

Pour le reste, il demeure particulièrement étatiste. Sa réforme des retraites, même quand il pensait présenter une réforme à point (ce qui était une bonne idée) a été assortie de l’étatisation des systèmes de retraite. Cela n’a aucun sens ! Le système à point permet justement de mettre en place une monnaie commune entre les différents systèmes de retraite. Il n’a pas non plus compris le principe de subsidiarité et la nécessité, dans un monde moderne, de laisser le maximum de liberté à tout un chacun et à tous les niveaux. Par ailleurs, sa politique comporte un autre angle mort : celui du non-engagement d’une quelconque réforme de l’Etat.

Qu’est-ce qui se rapproche le plus, dans notre environnement français (où le libre-échange ne parvient pas à convaincre, notamment) à un programme libéral pour les prochaines élections législatives ?

Renforcer les libertés d’agir et de choisir à tous les points et à tous les niveaux. D’ailleurs, à chaque fois que vous posez une question, sur n’importe quel sujet et que vous y apportez une réponse en termes de liberté d’agir ou de choisir vous avez le soutien de deux-tiers Français. 

Voulez-vous choisir librement l’âge de votre retraite ? Oui, répondent massivement les Français. C’est la retraite à la carte, sur le plan technique c’est la retraite par point. Pourquoi avoir gâché une si bonne idée ?

Ce qui montre qu’il y a encore de la place pour les libéraux ou les idées libérales.

Cette version de l'entretien d'Alain Madelin pour Atlantico a été enrichie et amendée

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