Accession à l’Otan : la Suède et la Finlande trouvent la Turquie et la Hongrie sur leur chemin<!-- --> | Atlantico.fr
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Suite au déclenchement de la guerre russo-ukrainienne le 24 février 2022, la Suède et la Finlande ont souhaité tourner la page de la neutralité, à rebours de leur tradition diplomatique.
Suite au déclenchement de la guerre russo-ukrainienne le 24 février 2022, la Suède et la Finlande ont souhaité tourner la page de la neutralité, à rebours de leur tradition diplomatique.
©Kenzo TRIBOUILLARD / AFP

Chemin périlleux

La Turquie a annoncé que les négociations avec la Suède et la Finlande sur l’adhésion des deux pays scandinave à l’Otan allaient reprendre le 9 mars.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : La Suède et la Finlande ont toutes les deux demandé à adhérer à l’Otan. La Turquie et la Hongrie sont les deux seuls pays qui n’ont pas encore ratifié cette adhésion. Pourquoi ces deux pays traînent-ils des pieds ?

Florent Parmentier : Suite au déclenchement de la guerre russo-ukrainienne le 24 février 2022, la Suède et la Finlande ont souhaité tourner la page de la neutralité, à rebours de leur tradition diplomatique. Ces derniers ont officiellement demandé à rejoindre comme membres à part entière l’Organisation de l’Atlantique Nord (OTAN). On peut estimer que lorsque, le 18 mai 2022, les dirigeants suédois et finlandais ont remis au Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, leurs demandes officielles d’adhésion à l’OTAN, une page de leur histoire politique de ces deux «  grands neutres » nordiques s’est tournée. Les implications sont multiples, comme l’a montré un rapport de Cyrille Bret récemment publié par l’Institut Jacques Delors.

Si on se tourne vers les facteurs de blocage, on s’aperçoit que ce changement ne fait plus débat avec la guerre en Ukraine. En revanche, à l’intérieur de l’OTAN, deux Etats-membres, la Hongrie et la Turquie, cultivent le désalignement pour éviter de se solidariser trop fortement avec le bloc OTAN-UE. Le Premier ministre Orban continue à faire entendre une voix dissonante en matière de sanctions au sein de l’UE comme en matière d’élargissement au sein de l’OTAN. Mais surtout, Ankara exploite sa politique multivectorielle afin de défier la logique de bloc.

Cependant, la capacité des deux acteurs à tenir leur position est variable. Pour le pouvoir hongrois, les Suédois et les Finlandais répandent des fausses nouvelles sur la qualité de la démocratie de leurs pays. Cela n’empêche toutefois pas le parti au pouvoir de soutenir l’adhésion des deux pays. Le Président Erdogan en revanche est aujourd’hui beaucoup plus près d’une élection interne déterminante pour lui. La taille, le positionnement et la puissance de son pays le rendent moins susceptible de faire des concessions.

La Suède et la Finlande sont-elles obligées de céder aux exigences des Hongrois et des Turcs si elles veulent espérer entrer ?   

L’OTAN continue de générer des niveaux exceptionnels d’interopérabilité, de planification opérationnelle intégrée et de mise sur pied de forces inégalés. Cependant, la cohésion politique de l’OTAN est remise en question à la fois par des divisions internes entre les membres et par des acteurs extérieurs qui cherchent à exploiter ces différences à leur propre avantage.

Il est certain que la Turquie semble mécontente du fonctionnement de l’OTAN depuis plusieurs années. En effet, elle estime que l’OTAN ne reconnaît pas pleinement ses préoccupations légitimes en matière de sécurité, en particulier la migration et le terrorisme, ni n’y répond d’ailleurs. Dès la fin des années 2010, la méfiance mutuelle était d’ailleurs si élevée que de nombreux alliés se sont demandés si la Turquie partageait toujours les intérêts et les valeurs de l’OTAN, et beaucoup en Turquie ont eu du mal à voir les avantages de l’adhésion à l’OTAN, notamment pour sa politique au Moyen-Orient et en Syrie.

Les exigences d’Ankara mettent ces pays devant le dilemme politique suivant : faut-il abandonner la diplomatie nordique des droits de l’Homme, notamment vis-à-vis de la population d’origine kurde, ou faut-il conserver ses principes au détriment d’une adhésion rapide à l’OTAN en période de guerre ? Au côté de la neutralité, l’idée de vertu en matière de politique internationale était liée à la région. Cela pourrait être moins le cas aujourd’hui.

Toutefois, si l’on considère les règles d’adhésion de l’OTAN, alors il faudra bien l’approbation de l’unanimité des membres de l’Organisation. Cela signifie que la Turquie use de son droit de véto et qu’il faudra, pour la Finlande et la Suède, trouver un compromis avec elle.  

La Suède et la Finlande pourraient-elle connaître des destins différenciés ? Avec l’un des pays adhérant à l’Otan et pas l’autre ?   

Les deux pays se trouvent dans une situation légèrement différente : d’un côté, la Finlande partage près de 1300 km de frontières communes avec la Russie, de l’autre, la Suède est enclavée entre la Norvège et la Finlande. En termes pratiques, cela signifie que la Finlande participe à la défense de la Suède. Cette frontière a des incidences très concrètes : la Finlande a ainsi décidé de se lancer dans la construction d’un mur de 200 km, afin d’éviter une utilisation de l’arme migratoire par la Russie.

Cependant, pour le moment, les deux Etats souhaitent entrer de manière conjointe, et il est probable que cela soit le cas, même si le processus devait être ralenti.

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