5 graphiques pour comprendre à quel point le monde échoue à maîtriser sa consommation d'énergies<!-- --> | Atlantico.fr
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La consommation mondiale de charbon atteint des records.
La consommation mondiale de charbon atteint des records.
©Reuters

Dérèglement climatique

Malgré les efforts pour imposer de nouvelles sources d'énergies et réduire les émissions de carbone, le bilan est maigre. Et les chiffres ne sont pas optimistes, les énergies fossiles opposant une résistance qui semble incontournable.

Christian Gollier

Christian Gollier

Christian Gollier est économiste à la Toulouse School of Economics et co-auteur des 4e et 5e rapports du GIEC.

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Malgré l'optimisme affiché par les défenseurs des énergies renouvelables, c'est à un constat d'échec qu'ils doivent faire face. Malgré la hausse continue des sources d'approvisionnement respectueuses de l'environnement, l'expansion de l'Asie, et l'important potentiel minier dont elle dispose encore, empêche les énergies propres de s'imposer. Pire, elles régressent en proportion de la consommation totale, faisant craindre un quelconquze retournement de tendance sur la question du changement climatique. Bilan d'un avenir sombre avec les graphiques ci-dessous.

1 - La consommation d'énergies propres est en augmentation... mais moins que celle des énergies fossiles

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2 - L'intensité de la consommation en carbone n'a pas diminué depuis 1999

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3 - La consommation mondiale de charbon atteint des records

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4 - Les énergies propres sont en pleine expansion... mais ne représentent qu'une petite partie de la consommation

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5 - Conclusion : les émissions de dioxyde de carbone sont toujours en expansion

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Christian Gollier : Vingt-deux ans après la Conférence de Rio et cinq rapports du GIEC plus tard, la planète est-t-elle en ordre de marche pour contrer les pires effets du changement climatique que nos descendants auront à supporter ? Un rapport récent de British Petroleum offre à cette question quelques éléments de réponses peu encourageantes. Ces deux dernières décennies, la part des énergies fossiles dans la consommation d’énergie dans le monde est restée stable autour de 87%. La consommation de charbon a cru en moyenne de 4% par an durant les 10 dernières années, sans signe apparent de fatigue. Et même si les pays de l’OECD réduisent lentement leur dépendance au pétrole, la consommation de cette ressource a continué à croitre au niveau mondial de 1,4% l’an dernier, au même rythme que durant le siècle écoulé, comme de si rien n’était ! Pire, il ne faut pas espérer nos problèmes grâce à la raréfaction des énergies fossiles : les réserves prouvées de pétrole et de gaz ont augmenté de plus de 60% depuis 20 ans, tandis que celles du charbon ont tout simplement doublé. Si tout cela devait être brulé, la concentration de CO2 dans l’atmosphère dépasserait largement les 1000 ppm, alors que nous étions à 280 ppm avant la révolution industrielle, et que nous venons de franchir les 400 ppm.

Selon le cinquième rapport du GIEC publié cette année, il faudra éviter de dépasser 450 ppm si on ne veut pas que la température moyenne de la terre dépasse 2°C.  Selon les modèles, un tel objectif ne peut être atteint qu’en éliminant totalement nos émissions dans le monde d’ici 50 ans, pour ensuite commencer à inverser le cycle.  Mais en fait, les émissions de gaz à effet de serre n’ont jamais été aussi élevées qu’aujourd’hui, augmentant maintenant la concentration de CO² de 2 ppm chaque année. Au lieu de freiner, nous accélérons !

Certes, certains pays riches ont tenté d’infléchir leur course dans le mur climatique, mais l’entrée de milliards d’individus dans le club des consommateurs riches et émetteurs a empêché que ces efforts ne se matérialisent au niveau global. L’Europe, suivi de plusieurs autres régions (Californie, Australie…), ont mis en place des systèmes de permis d’émission visant à inciter les industriels à limiter leurs émissions. L’indigence de la gouvernance de ce système en Europe et la crise économique ont transformé cette louable tentative en un fiasco retentissant, avec un prix d’équilibre autour de 5 euros par tonne de CO², alors qu’il faudrait un prix environ 10 fois supérieur dès aujourd’hui si on voulait obtenir un résultat compatible avec l’objectif politiquement affiché de 2°C. On se rappelle aussi le funeste destin de la taxe carbone du gouvernement précédent, pourtant limitée à 17 euros la tonne de CO² !

Aujourd’hui, la tentative de transition énergétique prend des allures encore plus inquiétantes. En Allemagne, en France, aux Etats-Unis, les gouvernements cherchent à commander par secteur des objectifs quantitatifs de réduction d’émissions, comme au bon vieux temps de  la planification économique. Obama semble aujourd’hui partisan d’une réduction d’autorité du charbon dans le mix énergétique américain, en lui souhaitant bonne chance face aux puissants lobbies charbonniers. En France, le plan Royal de transition énergétique est ambitieux, mais a toutes les chances d’être inefficace, comme on le voit avec l’Energiewende en Allemagne, et mal financé. Dans un monde volatile et en concurrence, fixer par la loi le mix énergétique de la France n’a pas de sens économique, en particulier avec une administration publique traditionnellement mal outillée pour évaluer les coûts et les bénéfices socioéconomiques des décisions politiques. Il vaudrait beaucoup mieux que le pouvoir politique impose un prix du carbone élevé qui s’impose à tous, et que chacun, EDF et GDF-Suez compris, fasse ses propres arbitrages en faveur des différentes actions vertes.  Voici une belle occasion manquée de taxer le "vice" (le CO²) pour réduire la pression fiscale sur la "vertu" (le travail et l’épargne).

Finalement, les meilleurs espoirs dans ce domaine viennent du monde de la recherche. En trois décennies, le coût du kW photovoltaïque a été divisé par 20, grâce à d’incroyables progrès scientifiques et technologiques. Sur les seules 4 dernières années, ce coût a même été divisé par deux ! Alors que le soutien de la filière nécessitait encore récemment un prix astronomique de rachat de 50 centimes le kWh (alors que le kWh nucléaire ne coûte qu’environ  6 centimes), on peut espérer que l’énergie solaire devienne compétitive sans subvention étatique par rapport au gaz dans très peu de temps. Beaucoup de pays se sont lancés il y a dix ans dans une politique de soutien à leur industrie photovoltaïque extrêmement coûteuse en fond public, pour installer une capacité photovoltaïque déjà obsolète, conduisant à créer une filière française d’installateurs plutôt que d’innovateurs. Il eut bien mieux valu inciter à la recherche et au développement technologique.

Malgré les statistiques décourageantes de BP dans le domaine de l’exploitation et de la consommation des énergies fossiles, l’espoir se trouve dans celles des taux de croissance annuels mondiaux à deux chiffres des énergies vertes : éolien, solaire, biomasse. Même si l’ensemble ne pèse que 2.7% de la production mondiale d’énergie aujourd’hui, cette part a triplé en dix ans. La maturité d’une filière technologique ne se décrète pas. Elle se construit dans un processus long et complexe, que l’on peut soutenir, mais pas commander. Rappelons-nous qu’entre l’invention de la machine de Watt et le plein épanouissement de la révolution industrielle dans le monde, un siècle s’est écoulé !

Finalement, les pays riches en énergie fossile n’ont pas dit leur dernier mot. Ils sont possesseurs de richesses minérales évaluées en centaines de trillions d’euros, qu’ils comptent bien transformer en monnaie sonnante et trébuchante dans les décennies à venir ! Notre seul espoir est de développer ces technologies vertes de telle manière que leur coût devienne inférieur au coût d’extraction du pétrole additionné de la taxe carbone que les autres pays réussiraient à imposer. Le succès n’est   possible que si le concert des Nations s’accorde sur un prix du carbone élevé, ce qui n’est pas sûr. Malgré tout, la révolution verte est finalement peut-être à notre porte. Ce qui est sûr, c’est que les pays pétroliers n’y croient pas, car sinon ils auraient déjà cherché à brader leur stock !

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