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"Superflu et indispensable : à quoi "servent" les Grecs et les Romains ?" de Maurizio Bettini :  sauvegarde de l'identité et expérience de l'altérité
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Hélène Renard pour Culture-Tops

Hélène Renard pour Culture-Tops

Hélène Renard est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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LIVRE
SUPERFLU ET INDISPENSABLE A quoi "servent" les Grecs et les Romains ? 
de Maurizio Bettini 
traduit de l'italien par Pierre Vesperini
Ed. Flammarion
210 p.
16.90 €
RECOMMANDATION
            BON
THEME
- D'abord, Maurizio Bettini démontre que l'expression "servir à" est ambigüe, inadaptée, et même suspecte. "Notre civilisation s'est développée justement parce qu'on n'a jamais demandé à la création culturelle "à quoi ça sert"(p. 39). Ensuite,  l'enseignement du grec et du latin -qui s'avère souvent malheureux et ennuyeux parce qu'il repose sur un modèle érodé, périmé-, doit être renouvelé. Commencer par grammaire, déclinaisons et conjugaisons ne permet que rarement aux élèves d'apprécier la beauté des textes et de comprendre la culture antique "dans son ensemble" (expression fréquente sous la plume de l'auteur). La connaissance de la culture classique n'est nullement obligée de correspondre à un apprentissage linguistique (souvent plus formel que réel) ni à l'étude de l'histoire littéraire...  L'important est d'intéresser les jeunes élèves à une autre civilisation, brillante s'il en est, et pour ce faire, bien d'autres voies sont envisageables. Certes, viendra un moment où il faudra apprendre la langue (l'auteur approuve l'idée de la faire étudier à l'école) mais sans doute  pas d'emblée.
- Deuxième idée, à contre-courant celle-ci: Les Anciens ne sont pas nos "racines" (image végétale inappropriée). Considérons plutôt les Grecs et les Romains comme des étrangers, des "autres",  qui, sans être semblables à nous aujourd'hui, nous permettent de découvrir que, par le monde, il existait et il existe encore d'autres façons de vivre, de penser, d'organiser la société : la culture antique permet de percevoir l'altérité ;  à l'heure du dialogue constant entre les cultures, ce changement de regard, cette ouverture comparative,  est formatrice : Grecs et Romains autorisent "la découverte de l'autre".
- Troisième démonstration forte : le patrimoine culturel classique constitue un "bien" qui est de nos jours, et doit l'être toujours plus, ouvert à tous. Il est une composante fragilisée de notre mémoire culturelle que nous devons veiller à entretenir.
POINTS FORTS
  • Un vigoureux discours contre bien des clichés par un auteur qui, fortement attaché à la culture antique, apporte un souffle nouveau dans un débat qui s'essouffle régulièrement...  ou qui est souvent mal posé.
  • Des propositions audacieuses ou surprenantes pour rompre avec la "praxis" traditionnelle de l'enseignement des matières classiques.
  • Une conviction : ces études restent indispensables pour transmettre aux générations futures, la mémoire de notre civilisation.
  • Quand il parle de l'Italie, il parle aussi de la France (il est d'ailleurs parfaitement francophone) tant les points communs entre ces deux pays sont nombreux.
  • Intéressant chapitre sur l'invasion des métaphores économico-financières dans le discours médiatique et politique relatif à la culture.  "Biens", "patrimoine", évaluation", "valeurs",  etc : le marché et son vocabulaire cernent désormais la représentation de la culture. 
  • savoureux exemples sur l'inculture de quelques responsables politiques italiens... qu'on pourrait aisément transposer à quelques Français !
POINTS FAIBLES
  • Opposé à toute religion monothéiste, Maurizio Bettini passe sous silence l'importance des moines copistes chrétiens et le rôle de l'Eglise (évoqué seulement en négatif) dans la préservation et la transmission des manuscrits.  Certes, le latin d'Eglise a toujours été considéré avec condescendance mais il est injuste de ne pas reconnaître qu'il s'est maintenu durant des siècles et encore aujourd'hui, en bien des endroits du monde.
EN DEUX MOTS
Si Jacqueline de Romilly a toute sa vie combattu en faveur de l'apprentissage des langues anciennes, elle insistait sur ses bienfaits dans la formation individuelle des esprits. Maurizio Bettini préfère insister sur l'importance pour la survie collective de notre civilisation, confrontée à la "mondialisation", de maintenir vivant notre lien avec l'Antiquité. Les deux approches ne sont pas contradictoires, mais plutôt complémentaires.
UN EXTRAIT
"L'étude de la culture classique peut devenir un moyen de tenir ensemble deux aspects de l'expérience contemporaine : la sauvegarde de la mémoire et de l'identité d'un côté, l'expérience de l'altérité, de l'autre." 
L'AUTEUR
Professeur de philologie classique à l'université de Sienne, francophone, il donne régulièrement des conférences au Collège de France et à l'Ecole pratique des Hautes Etudes. Il a également publié Eloge du polythéisme aux Belles Lettres (2016) et Contre les racines, collection Champs chez Flammarion. Il est en lien avec  de nombreux enseignants du secondaire et avec le Centre Anthropologie et Monde Antique, de l'université de Sienne, engagé, depuis des années, dans un renouvellement de l'enseignement des matières classiques.

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