"Mohican" d'Eric Fottorino : un roman magnifique qui décrypte les mutations du monde paysan avec sensibilité et dignité<!-- --> | Atlantico.fr
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"Mohican" d'Eric Fottorino a été publié aux éditions Gallimard.
"Mohican" d'Eric Fottorino a été publié aux éditions Gallimard.
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"Mohican" d'Eric Fottorino a été publié aux éditions Gallimard.

Claire Français

Claire Français

Claire Français est chroniqueuse pour Culture-Tops. ​Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).  Culture-Tops a été créé en novembre 2013 par Jacques Paugam , journaliste et écrivain, et son fils, Gabriel Lecarpentier-Paugam

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"Mohican" d'Eric Fottorino 

Gallimard
Paru le 19/08/2021
288 pages
19,50 euros

Notre recommandation : EXCELLENT

THÈME

Fierté et souffrance du monde agricole dans lequel deux générations s’affrontent.

Brun, le père, et Mo, le fils, sont les deux figures principales du roman. Ils plongent leurs racines dans les générations successives sur cette terre abrupte du Jura. Enthousiasmé par les promesses de la chimie dans les années 60, Brun déchantera à l’aube de la fracture des années 90 et la remise en cause de l’agriculture intensive. Le sentiment d’avoir été dupé le poussera à aller encore plus loin. Mo, privilégiant une approche raisonnée, se heurtera par là même à son père. Mais le lien entre eux sera indéfectible, ancré dans l’amour de la nature.

POINTS FORTS

- D’emblée la référence à la terre : deux extraits de Zola et Giono mis en exergue, puis l’ouvrage agencé en quatre parties introduites par des citations de Virgile tirées des Géorgiques, livre I. Les chapitres souvent courts permettent d’emblée une appropriation du sujet traité. L’empathie de l’auteur pour ses héros nous fait découvrir dans l’émotion l’évolution de l’agriculture. Brun, Mo et Suzanne - épouse et mère, disparue trop tôt et pourtant toujours présente - imprègnent ce roman de leur humanité. 

Eric Fottorino décrit formidablement les couleurs et les lumières des saisons. Il brosse des portraits justes et attachants de tous ses personnages, y compris secondaires. Du  paysan qui marchait les pieds dans sa terre au rythme des chevaux à l’agriculteur juché sur des tracteurs et des moissonneuses, aidé par des GPS, l’auteur explicite les approches contradictoires liées à l’évolution des différents modèles de production avec le bouleversement des paysages, loin de toute caricature.

QUELQUES RÉSERVES

Certains passages pourraient apparaître un peu manichéens.

ENCORE UN MOT...

L’implication de l’auteur dans la description de la relation entre les hommes et la nature, le ton poétique, la fidélité et la liberté comme valeurs suprêmes inscrivent ce livre dans le courant du réalisme, réminiscence de Maurice Genevoix.

UNE PHRASE

"Brun et Mo ne se sont pas reparlé depuis leur altercation de la veille. Mais ce matin en mettant le nez dehors, ils se sont compris en regardant le ciel un peu trop clément pour la saison. Ils ont mis leurs griefs de côté et ont avancé d’un pas égal vers les abords de la rivière qui chantait, insouciante des gelées possibles, aussi traîtres que la grêle ou le mildiou. Un bref épisode de froid suffirait pour tout remettre en cause. Ce ne serait pas la première fois que le thermomètre descendrait sous zéro en automne. Face au danger ils seront toujours unis.

La matinée s’est écoulée comme cela. Voilà ce qu’on voyait dans le soleil glacé. Deux silhouettes courbées au milieu d’une terre ondulant comme la mer, occupées à la même tâche. Corps qui vont et qui vaguent, bras armés de bêches musclées de fer partout où le tracteur n’entre pas. Deux hommes unis par leurs gestes. Rouler des brouettes de compost et de feuilles. Sarcler, biner, décompacter les mottes, briser l’écaillement de la surface argileuse avant que le gel ne fige tout. Épandre le fumier. Pailler les premières pousses. Leurs ombres sont plus grandes que leurs carcasses pliées. On n’aurait su dire laquelle était celle du fils, laquelle celle du père, n’était cette faiblesse soudaine, chez Brun, qui l’obligeait à ralentir et à chercher l’air la bouche grande ouverte, mains aux côtes, tandis que Mo feignait de ne rien voir".

L'AUTEUR

Eric Fottorino est un journaliste et écrivain français né en 1960 : une riche carrière journalistique à son actif  dont de nombreuses années au journal Le Monde; en 2014 il cofonde Le 1, publication innovante sur le fond et la forme ; suivra la création en collaboration de plusieurs magazines trimestriels tels que America et Zadig. En 2020 il fonde la revue Légende portant sur une unique personnalité et composée majoritairement de photos accompagnées de textes. Eric Fottorino a publié une trentaine d’ouvrages depuis 1991: fictions, essais, récits, dont plusieurs avec Raymond Depardon. Eric Fottorino a été récompensé par plusieurs prix littéraires dont le prix Fémina et le Prix des Libraires.  Enfant naturel et enfant adopté, il a consacré trois ouvrages à ses pères ; en 2009, L’homme qui m’aimait tout bas a reçu le Grand Prix des lectrices de Elle. Mohican est son quatorzième roman.

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