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Vous êtes vous déjà demandé ce que vous souhaitiez pour votre vie en ligne après votre mort ? Les solutions et les usages s’installent
©Reuters

Réseaux sociaux

Raconter sa vie sur les réseaux sociaux est une chose, prévoir ce que deviendront vos comptes après votre décès en est une autre.

Eric Delcroix

Eric Delcroix

Eric Delcroix est conférencier et consultant, spécialiste du web 2.0, des réseaux sociaux et de l'identité numérique. Il a notamment participé à l'ouvrage Les réseaux sociaux sont-ils nos amis ?, paru en juin 2012. Il est créateur du site Génération Z.

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Atlantico Certaines études montrent que d'ici quelques années, il y aura plus de gens décédés que vivants sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook. Est-ce qu'il y a une procédure sur ces différentes plate-formes en cas de décès ?

Eric Delcroix : Selon les plate-formes il y a des procédures, mais c'est toute une décision familiale ou de la part de la personne décédée, à prendre en amont, en disant « qu'est-ce qu'on veut faire du réseau social, de la présence sur un réseau social ? ». Par exemple dans Facebook vous pouvez déclarer qu'une personne est décédée et à partir de ce moment-là ça devient une page mémorielle. Donc grosso modo une page en l'honneur de la personne et on laisse tout les éléments à l'intérieur, on ne peut plus y toucher. Il y a d'autres plate-formes qui ont choisi d'indiquer que la personne était décédée mais les descendants gèrent ce qui se passent derrière. Et après on peut demander également à fermer le compte. Après tout dépend si on possède ou non les informations pour accéder au compte.

Donc cela nécessite que la personne ait prévu la situation avant ?

Oui, si je prends mon cas par exemple, j'ai des comptes dans Facebook où toute la famille est au courant et ils connaissent les mots de passe donc ils peuvent les changer comme il veulent. Par contre comme j'ai travaillé sur des projets pour Facebook j'ai des comptes qui ne sont pas connus, qui sont simplement en tête, que je n'utilise jamais, ça ils ne peuvent jamais les trouver. Et Facebook ne sera même pas au courant que je suis décédé parce que je ne mets pas de nouvelles informations.

Donc on peut donc faire « mourir » un proche numériquement en cas de décès réel ?

C'est plus compliqué que ça parce que là vous employez un autre terme qui est la mort numérique. Faire mourir quelqu'un sur les réseaux sociaux ou sur Internet de manière générale c'est hyper compliqué. Je viens de vous donner un exemple avec mes profils autre que mon profil habituel, les autres c'est quand même moi quelque part. Même si ce n'est pas sous mon nom réellement. Ca c'est le premier point, sur Facebook. Mais il y a aussi toutes les présences, il y a même des présences dont je ne me souviens pas moi-même, où je me suis inscrit dans un réseau social un jour pour dire je regarde je teste, je mets une ou deux photos, un ou deux textes et c'est tout. Mais j'ai quand même ma présence qui est toujours là-bas. Et ça le retrouver c'est quasiment impossible. Donc faire mourir quelqu'un dans les réseaux sociaux ou sur Internet de manière générale c'est beaucoup plus complexe qu'on ne pourrait l'imaginer. Le réflexe qu'on aurait c'est de dire oui mais j'aurai accès aux boîtes mail. Seulement les boîtes mail c'est compliqué parce que au niveau juridique, suivant ce que faisait la personne, c'est soit du droit d'auteur soit de l'usage privé, toutes les sociétés n'ont pas le même comportement par rapport au décès, est-ce qu'il le ferme est-ce qu'il ne le ferme pas, est-ce qu'on peut aller voir ce qu'il y a dedans ou pas. A partir de ce moment-là on pourrait se dire « oui mais on va trouver toutes les présences parce qu'il y a toujours eu un mail ». Sauf que moi par exemple j'ai des mails particuliers, que les gens ne connaissent pas du tout autour de moi, qui me permettent justement de créer des comptes pour aller voir différentes choses, et mes créations parfois sur les réseaux sociaux sont faits à partir avec ces comptes emails. Et aller les retrouver c'est quasiment impossible. Même en passant par des outils très particuliers qui recherchent par rapport à des adresses emails. Par exemple je pense à Stokyo qui permet de faire une recherche des présences sur les réseaux sociaux à partir des adresses emails, donc qui permet d'aller détecter à quel endroit vous étiez, mais ça vous ne pouvez pas l'avoir puisque je n'ai pas l'adresse email.

Dans ce cas-là, est-ce qu'on peut hériter du profil et des fichiers postés sur Internet, que ce soit boîte mail ou bien le Cloud, de nos proches ? Y-a-t-il une législation spécifique dans ce domaine ?

Il n'y a pas de législation, ça se passe au niveau des sociétés. C'est-à-dire que Google, Yahoo, etc. ont des comportements différents à partir du moment où vous dîtes que la personne est décédée. Donc il y en a qui vont fermer complètement le compte, il n'y a plus du tout d'accès, d'autres qui vont dire oui, vous pouvez encore y avoir accès, tout ce que vous voulez. C'est pour ça que tout à l'heure je précisais qu'il faut faire attention parce que si, je prends mon exemple, j'écris des bouquins sur les médias sociaux, ou sur d'autres sujets, si les mails par exemple, les contenus, concernent la publication d'un bouquin cela devient du droit d'auteur. Ce n'est pas la même législation que le droit civil habituel. Donc on n'a pas les mêmes droits, par rapport à ça, que si on est dans du droit civil habituel. Le droit d'auteur a des contraintes qui st autres. Je ne peux pas par exemple toucher un contenu qui a été publié sous droits d'auteur, ça appartient à l'auteur d'origine.

A l'inverse de la vraie vie, où si jamais on a un échange de communication sur papier, on hérite des lettres de la personne décédée tout comme on hérite de ses objets.

On hérite de ça mais on ne peut plus y toucher. Le problème qu'on a c'est qu'on pourrait continuer des discussions. Je continue à prendre mon cas. Par exemple on doit faire une réédition du bouquin Les réseaux sociaux sont-ils nos amis ?, donc je vais devoir travailler dessus, je vais avoir des échanges avec l'éditeur, avec les autres co-auteurs du bouquin. Je viens à décéder en cours de route. J'ai mes filles qui sont branchées dans tout ce qui est Internet et médias sociaux etc. qui pourrait dire « Je prends sa place et je continue la discussion. » Sauf qu'elles ne peuvent pas puisque c'est le droit d'auteur qui est dessus. Donc elles sont obligées de se plier au texte tel que moi je l'ai créé. Donc si vous voulez, la conséquence qu'il va y avoir c'est qu'on ne peut pas faire ce qu'on veut de tous les textes, ou des images, ou des photos etc.

Il n'y a vraiment aucune législation au niveau étatique ? C'est réellement laissé à la volonté des entreprises ?

Il n'y a aucune décision, pour l'instant, au niveau de tout ce qui se passe.

Dans ce cas, à l'heure où il y a une forte partie des discussions privées qui passent par Messenger, par Facebook, qui a vraiment remplacé les SMS pour beaucoup de gens, en héritant d'un compte comme celui-là on hérite aussi des discussions des gens. La vie privée risque d'être dévoilée contre notre propre volonté. Est-ce que ce genre de cas est couvert ?

Il n'est pas couvert plus que cela, la seule protection qu'on aurait c'est ce que Michel Blanc, un transsexuel, avait fait notamment, car son opération durait autour de douze heures, donc c'était énorme, il y avait un risque qu'il décède pendant l'opération. C'est nommer quelqu'un, au niveau des dernières volontés, une personne de confiance qui viendra nettoyer complètement votre ordinateur. C'est la seule chose qu'il est possible de faire. C'est très surprenant car il n'y a aucune législation qui l'empêche, mais quelque part ce n'est pas si illogique que ça, c'est-à-dire que quand vous avez quelqu'un qui décède autour de vous, si la personne n'a pas jeté ses courriers papiers, vous allez les retrouver. On se permet certainement beaucoup plus d'écarts sur Internet, dans les relations qu'on peut avoir avec certaines personnes, de ce qu'on peut faire, ou des rencontres etc., qu'on ne pouvait le faire avant. Donc effectivement on a ce problème par rapport à tout ça : qu'est-ce qu'on en fait ? Il faut complètement assumer tout ce qu'on publie, et être conscient que tout peut être retrouvé à un moment ou à un autre, donc si on ne veut pas le retrouver, soit on le vire, de son vivant, soit on assume complètement ce qui se passera derrière. De toutes façons on ne sera plus là pour le voir...

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