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Michael Tubbs, le maire de Stockton en Californie, a mis en œuvre un essai du revenu de base universel pour 125 résidents de sa ville.
Michael Tubbs, le maire de Stockton en Californie, a mis en œuvre un essai du revenu de base universel pour 125 résidents de sa ville.
©Marvin RECINOS / AFP

Stockton

Pendant 2 ans, la ville de Stockton a distribué 500 dollars à des résidents sans aucune obligation en contrepartie. Alors que la pandémie a bousculé nos systèmes d’aides, ce type d’étude doit-il être sérieusement considéré par les pouvoirs publics ?

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Atlantico : Une expérience menée dans la ville de Stockton en Californie montre qu’un revenu de base (500 dollars par mois à 125 personnes pendant 24 mois) est bon pour l’emploi, contrairement à ce que ses détracteurs aiment penser. Dans les faits, en l'espace d'un an, la proportion de personnes bénéficiant d’un revenu de base qui occupaient un emploi à temps plein est passée de 28% à 40%. Le groupe témoin (sans revenu de base) n'a vu qu'un bond de 5 % au cours de la même période. Comment expliquer que le revenu de base encourage l’emploi ?

Marc de Basquiat : L’expérience à toute petite échelle menée depuis deux ans dans cette ville de 290 000 habitants n’a évidemment pas valeur de preuve de quoi que ce soit. Mais on peut tout de même noter deux points marquants. Tout d’abord, les comportements observés à Stockton sont semblables à ceux d’autres pays, que ce soit en Finlande ou en Inde par exemple. Ceci nous incite à en tirer des enseignements généraux sur la nature humaine. La constatation la plus importante est à l’évidence que les personnes qui reçoivent cette somme mensuelle – sans contrôle de quoi que ce soit ni contreparties – n’en profitent pas pour s’installer dans le farniente. Au contraire, la fameuse expérimentation finlandaise – 2000 personnes privées d’emploi ont reçu 560 euros chaque mois, conservés même en cas de reprise d’un emploi – a montré que les bénéficiaires ont en moyenne plus souvent repris un emploi que le groupe de contrôle. En Inde, en particulier dans les villages animés par l’association de femmes SEWA (Self-employed women association), on a constaté une forte dynamisation des populations bénéficiaires.

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L’expérimentation de Stockton – même sur un nombre très limité de personnes – montre une tendance identique, mais avec des chiffres remarquablement positifs. Passer de 28% à 40% de bénéficiaires employés à temps plein est une très belle performance. Peut-on tenter une explication générale, applicable à la diversité des pays et situations sociales ?

Il me semble qu’il faut oser affirmer une vérité qui va à l’encontre des préjugés culturels qui ont tenu nos civilisations jusqu’ici. Je l’exposerais en deux volets. D’abord en affirmant que l’être humain a un besoin profond de se réaliser par son travail. La pyramide de Maslow l’illustre bien. Chacun de nous a la nécessité de satisfaire ses besoins physiologiques et de sécurité – ce à quoi un revenu de base contribue – et cherche aussi à monter vers les degrés supérieurs, en établissant des liens sociaux satisfaisants, en bénéficiant de l’estime de soi et des autres, et en trouvant réellement sa place par la valeur de ses réalisations.

Le deuxième volet nécessite de comprendre qu’un revenu qui est entièrement consommé est intégralement recyclé dans l’économie, qu’il fluidifie les échanges économiques et invite tous les acteurs à développer leurs activités. Donner 500 euros à un pauvre qui va entièrement les dépenser pour satisfaire ses besoins vitaux en quelques semaines nourrit aussi le producteur des biens consommés. Personne n’a matière à s’en plaindre.

Enfin, il faut aussi remarquer que les effets du revenu de base de Stockton sont significatifs alors que le montant de l’allocation est modique, 500 dollars par mois. Ceci nous invite à nous méfier du discours des idéologues irresponsables qui réclament un revenu garanti de 800 ou 1000 euros, voir atteignant le montant du SMIC, sans travailler.

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Les participants à cette expérience font également état d’un mieux-être mental. Est-ce l’un des avantages du revenu de base ?

La diminution du niveau de stress des bénéficiaires avait également été parfaitement mise en évidence par l’expérimentation finlandaise. L’expérimentation Mincome organisée dans l’Etat canadien du Manitoba dans les années  1970 s’est également traduite par une franche diminution des détresses psychiques.

Oui, il est raisonnable de conclure que les diverses expériences sur plusieurs continents depuis un demi-siècle convergent sur le constat de conditions de vie meilleures, même dans la frugalité, la sécurité alimentaire évitant bien des souffrances psychiques. 

Alors que les aides sont plus que jamais d’actualité en cette période de pandémie, ce type d’étude doit-il être sérieusement considéré par les pouvoirs publics ?

En lisant votre question, je commence par m’interroger sur cette expression « pouvoirs publics ». Parle-t-on ici des représentants élus de la Nation, dont le rôle en démocratie est de mettre en œuvre la volonté générale des citoyens ? Je crains qu’en réalité cette expression désigne l’administration, dont la toute-puissance – et parfois la cuisante impuissance – nous terrifie.

Je perçois d’énormes réticences des administrations à remplacer un maquis de dispositif compliqués – dont elles assurent à grands frais la gestion – par un mécanisme simple, unique et hyper-performant. Disons-le crument : l’administration ne veut absolument pas d’un revenu universel simple qui donnerait aux citoyens le contrôle de leur vies. En réalité, les « pouvoirs publics » ne mettront jamais en place une solution simple, équitable et efficace si les citoyens ne la leur imposent pas.

Crédit Photo : NICK OTTO / AFP

Michael Tubbs, le maire de Stockton en Californie, a mis en œuvre un essai du revenu de base universel pour certains résidents de sa ville. 

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