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Le jour des attentats de Charlie Hebdo dans la peau de la femme d'un policier de la BRI
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Bonnes Feuilles

Dans "Femme de policier d'élite", (Editions Mareuil) Véronique Fauvergue et Catherine Salinas, épouses du patron du Raid et du numéro 2 de la BRI, reviennent sur le jour des attentats de Charlie Hebdo.

Véronique Fauvergue et Catherine Salinas

Véronique Fauvergue et Catherine Salinas

Véronique Fauvergue et Catherine Salinas sont les épouses du patron du Raid et du numéro 2 de la BRI au moment des attentats de Charlie Hebdo. Elles reviennent sur leur expérience dans "Femme de policier d'élite".

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Il est midi, par là, je ne sais plus très bien. Il y a déjà pas mal de monde quand, soudain, des bandeaux apparaissent sur les écrans des télévisions: «Des individus armés sont entrés dans Charlie Hebdo6 . Des dessinateurs et deux policiers seraient décédés…» À cette heure-ci, le Soleil d’Or est toujours bruyant mais là, plus un bruit, plus un geste. Tout le monde fixe les écrans des télévisions d’un air hébété, comme en état de sidération, jusqu’au moment où l’un des flics qui se trouve au bar s’exclame:

— Putain, mais c’est quoi ce truc !?

Bien évidemment, je me dis que la BRI va être envoyée sur place. Les faits se sont produits à Paris, dans le 11e arrondissement, sur leur secteur d’intervention. Mon fils qui, mieux que moi encore, connaît tous les véhicules et les équipements de l’unité, le pense aussi. Comme on est pile en face du 36, on le saura très vite.

Je n’ai pas peur pour mon mari. Pour moi, le massacre est terminé. Comme tout le monde, je trouve cela épouvantable, très choquant, mais à aucun moment je ne relie ce drame à du terrorisme. J’imagine que c’est un fou qui est passé à l’acte. Je suppose alors que si mon mari doit se rendre sur les lieux, il ne sera pas en danger…

Attablés et toujours en état de sidération, nos clients passent quand même leurs commandes car ils devront bientôt retourner travailler. «C’est dingue! Mais c’est dingue!» répètent-ils en boucle. Matthieu et moi voyons de loin la BRI quitter le 36. Mon fils distingue tout de suite la voiture de son père.

Je reste assez sereine. Pour moi, Georges et ses gars quittent le quai des Orfèvres normalement, comme pour toute prise d’otages. En plus, ils doivent avoir les bonnes informations, savoir ce qu’il s’est vraiment passé. Mon mari connaît son boulot. Matthieu et moi avons des clients à servir. Nous devons rester concentrés sur notre tâche. Manière aussi, sûrement pour moi, de me protéger et de protéger mon fils…

À la télévision, on dit que c’est fini. Qu’il n’y a plus de «méchants» à l’intérieur de la rédaction de Charlie Hebdo. C’est en tout cas ce que je retiens à ce moment-là. Il y a eu un carnage. C’est affreux. Mais pour moi, cela reste toujours un acte isolé. Je pense à l’un de mes amis dessinateur qui collabore parfois avec ce journal. Pourvu qu’il n’y soit pas. C’est la seule chose que j’espère véritablement à cet instant-là. Je continue à travailler, il le faut bien. Ce n’est pas le moment de psychoter comme dans les années 1980 où il y avait des attentats tous les jours ou presque. J’écarte donc tout de suite cette idée de ma tête. Charlie Hebdo, ça n’a rien à voir. Ce n’est pas un attentat. Je persiste à croire qu’il s’agit d’un fou ou de deux fous qui ont pété les plombs. J’ai vaguement compris que les auteurs de cette tuerie étaient en fuite et qu’un policier 8 avait été tué au cours d’une course-poursuite dans une ruelle. Tout est encore très flou pour moi. Et puis, en réalité, on ne sait rien de plus. Et Georges dit toujours : «Quand on ne sait pas, on ne sait pas ! Ça ne sert à rien d’interpréter! »

Mes clients «flics» sont évidemment repartis très rapidement. Je ne leur ai pas posé de questions non plus. Deux choses seulement m’importent à ce moment-là : que mon mari ne soit pas en danger et que le rendez-vous de mon fils, prévu à 8 heures le lendemain matin à l’hôpital Georges-Pompidou à Paris, se passe bien.

Matthieu souffre à nouveau de l’une de ses jambes. Depuis toujours, ses tibias et ses péronés sont mal positionnés, ce qui a entraîné de fréquentes et douloureuses luxations des rotules. L’année de ses 20 ans, il a fallu l’opérer pour remettre ses os dans l’axe. Pour la première jambe, tout s’est bien passé. Pour la seconde, des complications à n’en plus finir, des infections… Résultat, huit opérations en un an ! Une année noire au cours de laquelle j’ai bien cru qu’il allait perdre entièrement sa jambe. J’ai donc très peur que le chirurgien, qui n’est pas le professeur qui l’avait suivi précédemment, nous annonce de mauvaises nouvelles demain. Que mon fils doive à nouveau se faire opérer…

À la mi-journée, le président de la République, qui s’est rendu sur les lieux du drame, est interviewé en direct. À travers les mots et l’émotion de François Hollande, on comprend vite que c’est un carnage et que, parmi les personnes qui ont perdu la vie, se trouvent les plus célèbres dessinateurs de Charlie Hebdo : Cabu, Charb, Wolinski, Tignous… Il est bien question d’attentat, mais s’il avait eu lieu comme en 1986 dans un grand magasin, on serait tous sûrement plus effrayés. Là, tout le monde trouve cela atroce, mais on pense encore qu’il s’agit d’un acte ciblé. Donc isolé.

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