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"La nuit du 12" : un petit chef-d'oeuvre signé Dominik Moll
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Inspiré de faits réels, ce polar autour d’un meurtre non élucidé aurait mérité de figurer dans la compétition de Cannes.

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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THÈME

Un soir, dans un quartier pavillonnaire plutôt résidentiel de la banlieue de Grenoble, Clara, 21 ans, rentre à pied chez elle. Elle n’y arrivera jamais. Son chemin croise celui d’un homme cagoulé de noir. Il va arroser la jeune fille d’essence et actionner son briquet. Clara va mourir, brûlée vive. Deux inspecteurs de la PJ (Bastien Bouillon et Bouli Lanners) sont chargés de l’enquête. Qui a pu commettre un tel féminicide et pourquoi ? Les deux hommes vont se lancer dans une série d’interrogatoires. Tous les suspects sont d’anciens amis ou amants de Clara.

Pour des raisons diverses, ils ont tous un profil de coupable, mais en ce qui concerne cette « nuit du 12 »,  leurs alibis étant en béton, ils seront tous disculpés. Après trois années de recherches, face à ce qui s’annonce être un « cold case » (un crime dont on ne trouve jamais le meurtrier), un des deux policiers du tandem donne sa démission, l’autre noie son désespoir et ses doutes dans de folles courses solitaires en vélo. La nomination d’une femme juge d’instruction ( Anouk Grinberg, formidable) ne servira à rien. La mort de Clara restera inexpliquée et impunie

POINTS FORTS

D’emblée, sur un carton placé en début de son film, Dominik Moll annonce la couleur. En France, environ 20% du millier de crimes commis chaque année demeure irrésolu et donc impuni. C’est sur l’enquête de l’un d’entre eux que  La Nuit du 12 va s’arrêter. Le cinéaste l’a choisie parmi d’autres relatées par Pauline Guéna dans un livre qu’elle a intitulé :18.3- une année  à la PJ

Ce parti-pris, audacieux, de dévoiler la fin d’un polar avant même qu’il ait commencé aurait pu faire flop. C’est tout le contraire ! Dominik Moll et son co-scénariste Gilles Tourman ont écrit un scénario d’une telle finesse, d’une telle  précision mécanique et d’une telle tension qu’il est impossible de décrocher de l’écran avant le dernier  plan, ne serait-ce qu'une seconde ! Non seulement le cinéaste nous fait assister très concrètement à l’enquête, avec tout ce qu’elle comporte (dans la réalité) de fausses pistes, de découragements et de témoignages insensés venant des suspects ( froideur, ironie, détachement, grossièreté, machisme, cynisme, etc…) mais à travers elle, il réussit à nous faire prendre conscience de la misogynie qui gangrène encore trop souvent - et souvent, inconsciemment - la police ( majoritairement constituée d’hommes), lors de ses enquêtes sur les féminicides.

Si un seul mot devait qualifier ce film, ce serait celui de « perfection », car tout est y magistral : le scénario, donc, mais aussi les dialogues ( ciselés, percutants, jamais bavards ni elliptiques), les cadrages ( d’une précision millimétrée), les décors, le rythme et la lumière signée Rodrigo Sorogoyen. Certains plans sont d’une telle beauté qu’ils laissent pantois.

Evidemment, la distribution se hisse à la même hauteur, notamment Bastien Bouillon, Bouli Lanners et Anouk Grinberg, tous les trois d’une humanité bouleversante.

QUELQUES RÉSERVES

Aucune, absolument aucune.

ENCORE UN MOT...

Que dire de plus  sur ce thriller magnétique, implacable, d’une beauté formelle renversante et qui dénonce, au passage, ces plaies ouvertes de notre société que sont, en vrac, les féminicides, la misogynie et le manque de moyens d’une police pourtant dévouée, que dire de plus donc, sinon que La nuit du 12 est à voir absolument, qu’on soit ou non, amateur de polar.

UNE PHRASE

Souvent quand un film retrace une affaire criminelle, on commence en disant au spectateur « Voilà un meurtre », et on finit en disant «  Voilà l’assassin, et c’est réglé, on ne se pose plus de questions. Ce n’est pas ce que je voulais faire. Ce qui m’a hanté dans cette histoire, c’est le mystère. Et précisément que le fait que plus on cherche, plus le mystère s’épaissit » (Dominik Moll, réalisateur).

L'AUTEUR

Né en 1962  à Bühl en Allemagne d’un père allemand et d’une mère française, le cinéaste Dominik Moll, a grandi à Baden-Baden avant d’étudier à l’université de New York puis à l’IDHEC à Paris où il rencontre Gilles Marchand avec lequel il écrira presque tous ses films et Laurent Cantet, dont il sera l’assistant sur quatre longs métrages. Dominik Moll devient  célèbre en 2000 avec un thriller grinçant, Harry un ami qui vous veut du bien , présenté à Cannes et récompensé ensuite par quatre César, dont celui du meilleur réalisateur (pour lui), et celui du meilleur acteur(pour Sergi López). Après Lemming, un film  fantastique à suspense moins convainquant  - sorti en 2005 avec pourtant une distribution haut de gamme : Charlotte Gainsbourg, André Dussolier et Charlotte Rampling - il revient au sommet avec Des nouvelles de la planète Mars qui emprunte à plusieurs genres, la comédie, le fantastique, le surnaturel, le paranormal et le film sociologique.

Après un petit détour par la télé pour une série intitulée Eden, il revient au cinéma en 2020 avec Seules les bêtes, un thriller haletant avec Denis Ménochet et Laure Calamy, qui lui vaudra un César de la meilleure adaptation.

Présenté à Cannes Première, La Nuit du 12  aurait mérité d’être sélectionné dans la compétition officielle de Cannes. Il arrive  cette semaine sur les écrans français unanimement encensé ( à juste titre) par la critique, française et internationale.

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