"La femme de Tchaïkovski" de Kirill Serebrennikov : entre réalisme et onirisme, cruauté et érotisme, un film d’exception…<!-- --> | Atlantico.fr
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"La femme de Tchaïkovski" de Kirill Serebrennikov sort au cinéma ce mercredi.
"La femme de Tchaïkovski" de Kirill Serebrennikov sort au cinéma ce mercredi.
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"La femme de Tchaïkovski" de Kirill Serebrennikov sort au cinéma ce mercredi.

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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THÈME

1872, Moscou . Antonina Milioukova, une jeune apprentie pianiste issue d’un milieu fortuné (Alyona Mikhailova), épouse le compositeur Piotr Ilitch Tchaïkovski (Odin Biron). Il l’a pourtant prévenue qu'il ne serait pas un mari idéal, elle n’a rien voulu entendre. Les mois passent. Entre les deux mariés, la situation s’envenime. Il ne la supporte pas, ne la regarde pas, s’absente de plus en plus souvent. Eperdue d’amour, elle s’accroche à lui aveuglément, tout entière, semblant ne se rendre compte de rien, même quand il lui fait comprendre à demi-mot, qu’il est homosexuel et qu’il la  « hait » . Pour sauver les apparences de son couple, elle va se faire faire des enfants par un autre, enfants qu’elle placera à l’orphelinat et qui y mourront. Frustrée, Antonina finira folle, dans un asile d’aliénés….

POINTS FORTS

  • Kirill Serebrennikov s’intéressait  depuis longtemps au compositeur Tchaïkovski. « Tout le monde le connait, disait-il, mais personne ne sait rien de lui ». Un jour, il tombe sur un livre en deux tomes signé Alexander Poznansky et en le lisant,  il comprend pourquoi la vie du génial compositeur a été longtemps occultée : ce dernier était homosexuel dans un pays qui réprouvait alors  sévèrement - encore plus qu’aujourd’hui -  ceux qu’on appelait encore les« invertis ». Peu de temps après, il découvre  Antonina Tchaïkovskaïa : une vie oubliée. Dû à Valeri Sokolov, cet ouvrage relate l’abominable  destin de celle qui fut la femme de Tchaïkovski. Le cinéaste tourne casaque et décide d’évoquer sa vie à elle.
  • Pour lui, pas question de romancer. A part quelques mini-écarts, il essaie de respecter au plus près l’histoire de son héroïne. Presque toutes les répliques qu’il lui attribue sont véridiques
  • Pour donner du nerf à son film, il décide d’en faire à la fois un récit sur un amour déçu et un thriller psychologique. Et comme à son habitude, il imagine sa mise en scène très en amont du tournage. Elle va donner ce film halluciné, sombre, baroque, fiévreux et virtuose.
  • Pour jouer Tchaïkovski, il fait appel à Odin Biron, un comédien américain qui s’était exilé en Russie pendant 20 ans ( avant de la quitter pour Berlin, à la suite de l’invasion de l’Ukraine). Pour interpréter Antonina, il engage une jeune comédienne encore presque inconnue Alyona Mikhaïlova.  Elle va crever l’écran.

QUELQUES RÉSERVES

Aucune réserve.

ENCORE UN MOT...

Après deux longs métrages Leto (2018) et La fièvre de Petrov ( 2021 )qui, dans une sorte de tourbillon punk, évoquaient, pour le premier, le besoin de liberté de la jeunesse moscovite dans les années 80 et pour le second, la déliquescence de l’actuelle société russe, Kirill Serebrennikov se plonge dans la Russie du XIXème siècle, son hypocrisie et ses faux semblants sociaux. Cela, à travers le portrait d’une femme qui n’eut jamais raison dans une société moscovite alors corsetée par le patriarcat. Eblouissant dans la force de sa charge politique que dans sa mise en scène aussi belle que virtuose, La Femme de Tchaïkovski avait été présenté à la compétition officielle du Festival de Cannes. Il en était reparti bredouille. Inexplicablement. C’est un chef d’œuvre.Ou au moins, l’idée qu’on s’en fait.

UNE PHRASE

« Je me suis permis quelques écarts avec la vie réelle d’Antonina Tchaïkovski, mais ils sont minimes. J’ai un peu changé son caractère, lui ai fait accomplir des actes peut-être différents de ce qu’elle avait réellement faits…En revanche, ce qu’elle dit des juifs, par exemple, est issu de ses lettres. En fait… Je voulais vraiment que  mon film colle au plus près de sa vraie histoire » ( Kirill Serebrennikov, cinéaste).

L'AUTEUR

Né en 1969 à Rostov-sur-le-Don d’un père juif et d’une mère ukrainienne,  Kirill Serebrennikov est l’un des artistes russes les plus connus dans le monde, à cause de son côté rebelle  (il est considéré comme le  chef de file russe des anti-Poutine ) et ses talents de  metteur en scène et cinéaste..

Diplômé de l’Université d’État, il débute comme metteur en scène de théâtres locaux, avant de partir travailler à Moscou en 2000.  Plasticine, de Sigarev, sa première production au Centre de dramaturgie et de mise en scène provoque un tel engouement que très vite plusieurs théâtres se l’arrachent. Il montera aussi  un peu partout en Europe des opéras et des ballets.

Depuis 2006, ce créateur infatigable est l’un des directeurs artistique du festival-école d’art contemporain Territory  et depuis 2011, celui de Plateforme.

Quand il ne travaille pas sur les scènes, Kirill Serebrennikov tourne pour la télévision et le cinéma.

Parmi sa dizaine de films  : Bed Scenes (2003), Yuri’s Day (2008), Leto (2018), La Fièvre de Petrov (2021), et cette année, La Femme de Tchaïkovski.

Grande voix de l’opposition à Poutine, longtemps assigné à résidence à Moscou, le réalisateur a fui son pays en mars dernier et s’est exilé à Berlin. En, 2018, il avait été nommé Commandeur des Arts et des Lettres.

On attend maintenant la sortie de son Limonov, un portrait du poète qu’il a tourné d’après le livre d’Emmanuel Carrère.

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