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Pourquoi les agences de notation
sont-elles si mal-aimées ?
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Crise de l'euro

Michel Barnier, commissaire européen chargé des marchés financiers, voudrait interdire aux agences de notation d'évaluer un Etat qui fait l'objet d'un plan d'aide internationale. Mais qui a dit que Moody's ou Fitch sont responsables de la crise de l'euro ?

Didier Salavert

Didier Salavert

Didier Salavert est co-fondateur du think-tank la Fondation Concorde qu'il a aujourd'hui quitté.

Vice-président et porte parole d’Alternative Libérale, il a participé à plusieurs campagnes électorales de Jacques Chirac, sans toutefois jamais adhérer au RPR.

 

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Michel Barnier, commissaire européen chargé des marchés financiers, a proposé de sévir à l'encontre des agences de notation, en leur interdisant d'évaluer un pays faisant l'objet d'un plan d'aide internationale et en autorisant des poursuites à leur encontre. Cette déclaration fait suite à celles de plusieurs dirigeants européens sur les agences de notation. Accusées d’empêcher la mise en place du plan de sauvetage de la Grèce, c’est tout juste si la crise de l’euro ne leur est pas imputée. Ce dernier avatar politique montre qu’il est temps que des dirigeants responsables prennent en main le destin de l’Europe menacée de l'effondrement de sa construction.

On peut ne pas s’intéresser à la politique. On peut regarder avec amusement ou quelque cynisme les gesticulations des hommes de pouvoir. On peut retenir sa pensée et son expression par respect pour les institutions. Mais il arrive un moment où tout citoyen a un devoir d’exprimer sa colère à l’égard de ceux auxquels il a délégué la gestion des institutions. Et ce moment me semble arrivé.

Les rigidités de l'euro

En résumé que se passe-t-il depuis quelques mois en Europe ? L’euro aggrave la situation financière des pays les plus faibles au lieu de les protéger. Les causes de ce renversement de perspectives ont fort bien été identifiées par les économismes sérieux, à savoir que l’euro a introduit une rigidité financière structurelle supplémentaire dans une zone monétaire et économique non optimale. En termes plus prosaïques, l’euro a empêché les pays les moins compétitifs de procéder aux ajustements nécessaires de leur économie au travers des dévaluations et des politiques de taux appropriés. Les agences de notation sont-elles responsable de cette situation ? A l’évidence non. Elles ne font qu’évaluer une situation financière à un instant donné. Alors pourquoi les désigner comme responsables et coupables de la débâcle à laquelle nous assistons ? C’est la vraie question qu’il convient de se poser.

La réponse est de deux ordres, tout aussi insupportables pour nombre de dirigeants européens.

Reconnaître erreurs et errances

Michel Barnier fait reproche aux agences de notation de ne pas tenir compte de l’engagement européen de soutenir les pays en difficulté de l’Union européenne. A le suivre, il conviendrait de noter la Grèce "AAA". Ce qui irrite en réalité Michel Barnier, c’est de se voir rappeler, en tant que dirigeant politique, que ses déclarations ont peu de crédibilité. Qui se souvient du Pacte de Stabilité ? Qui se souvient des chiffres annoncés de semaine en semaine : plan de sauvetage passant de 40 à 80 puis 110 et bientôt 200 milliards d’euros avec chaque fois la même assurance ? L’Europe – comme nombre d’états – a perdu sa crédibilité financière non en raison des agences de notation mais de l’incapacité de ses dirigeants à tenir une ligne de gestion quelque peu impopulaire et ensuite de reconnaître leurs erreurs et leurs errances. Telle est sans doute la première réponse.

Déni de réalité

La seconde réponse est encore plus grave : la construction européenne s’engage dans une fuite en avant qu’il faut justifier. L’illusion des promoteurs de l’euro qui avaient un minimum de connaissances économiques et qui donc connaissaient l’effet potentiellement pervers de l’euro, fut de croire que les citoyens se plieraient aux contraintes nécessaires à son fonctionnement. Pour que la monnaie unique apporte des bénéfices, il fallait que la zone euro devienne une zone monétaire optimale et donc que l’ensemble de ses citoyens adhèrent au même projet sociétal et politique. L’histoire vient de montrer que ce ne sont pas les citoyens qui ont plié mais la monnaie. Qu’à cela ne tienne, on va forcer les citoyens en leur imposant une politique économique unique, une politique budgétaire identique et compenser les déséquilibres subsistant au travers de transferts financés par un impôt européen. S’engager dans cette voie est un pur déni de réalité. Les agences de notation viennent indirectement de le rappeler à Michel Barnier et ce dernier n’aime pas ce rappel.

L’auteur de cet article n’est ni à la solde d’une agence de notation ni un adversaire de la construction européenne. Il veut seulement rappeler que l’Union européenne a pour seuls objectifs la paix entre ses membres et la prospérité de tous ses citoyens. Conformément à la vision de génie de ses pères fondateurs, cette paix et cette prospérité ne peuvent être durablement acquises que par la liberté politique et économique. La construction dans laquelle certains de leurs successeurs veulent entrainer l’Union européenne mènera à sa désintégration. L’Europe et l’euro peuvent encore être sauvés mais sûrement pas en cherchant des boucs émissaires aux difficultés présentes ou en créant de nouveaux impôts, de nouvelles dettes, des rigidités supplémentaires et un super-état européen. C’est exactement ce que vient de démontrer la crise de l’euro.

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