Argentine - France : les Bleus n’échouent pas mais perdent une victoire (et gagnent notre mémoire)<!-- --> | Atlantico.fr
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Le capitaine Hugo Lloris lors de la remise du trophée.
Le capitaine Hugo Lloris lors de la remise du trophée.
©FRANCK FIFE AFP

L’affaire est dans le(ur) sacre

Au terme d'une finale déjà mythique, l'une des plus belles de l'histoire, l'équipe de France s'est inclinée au bout du suspense et des émotions. Malgré le triplé de Mbappé, c'est l'Argentine de Lionel Messi, auteur d'un doublé et élu meilleur joueur du tournoi, qui est sacrée.

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez est entraîneur de tennis et préparateur physique. Il a coaché des sportifs de haut niveau en tennis. 
 
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Vous, je ne sais pas, mais moi, je l'ai entendu. J'ai parfaitement entendu le bruit si particulier que font tous les horizons qui s'écroulent. Je m'en souviendrai toujours, c'était pile au moment où Gonzalo Montiel a crucifié Hugo Lloris, sur un ultime tir au but, au bout du temps irrationnel d'une des plus grandes finales de l'histoire... Oui, c'est à ce moment que j'ai compris qu'on tirait à coups de revolver sur nos futurs souvenirs et que l'équipe de France ne relèverait pas le défi insensé qu'elle s'était lancé. 
Oh, bien sûr, nous avions tous compris que l'affaire était mal engagée quand Lionel Messi a transformé un pénalty accordé généreusement par le très vétilleux M. Marciniak, à la 23e minute. Entre nous, il n'y avait rien de surprenant là-dedans... Depuis le début du match, le ballon brûlait les pieds de nos joueurs, notre milieu de terrain était aux abonnés absents et nos attaquants étaient privés de munitions... Rien que ça. Comme l'aurait dit Louis De Funès pour résumer l'affaire : "Ce n'était pas mauvais, c'était très mauvais !" Juste de quoi regagner les vestiaires avec deux buts de retard (Messi, 23e et Di Maria, 36e) et le moral plus bas qu'un taux de caisse d'Épargne. 
Mais ensuite... comment raconter qu'Mbappé a surgi de sa torpeur, à dix minutes de la fin du match, pour inscrire deux buts ? Comment expliquer que ce doublé allait nous mettre le cœur en émeute et nous faire croire que l'impossible était réalisable (80e et 81e) ? Comment raconter que les Argentins ont su réagir pour reprendre l'avantage par l'intermédiaire de leur génie (108e), avant que l'inéluctable Mbappé n'envoie tout le monde aux tirs aux but, à deux minutes de la fin des prolongations ? Et enfin, comment retranscrire l'atmosphère anxiogène des tirs aux buts et le désespoir consécutif aux échecs de Coman d'abord et de Tchouaméni ensuite ?

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Je peux bien vous le dire, je ne sais pas... Car tout ce qui me vient à l'idée pour essayer de vous relater ces réactions en chaîne, ces imprévus ponctuels, ces péripéties lancées à la truelle et cette joie semblable à une exonération d'impôts, se résume, au mieux, à des points d'exclamation !!! Il faut me pardonner, je suis comme les autres : il m'arrive aussi d'être confronté aux limites du langage !
Comme ce n'est pas le cas de tout le monde, il est évident que vous entendrez de tout dans les jours qui viennent... Des explications rétrospectives plus ou moins pertinentes, des statistiques qui donneront quelques éclairages sans rien expliquer, des critiques plus ou moins bienveillantes, etc. Bref, autant de suranalyses qui seront au football ce que la gynécologie est à l'érotisme... Moi, je crois sincèrement que l'essentiel est ailleurs... L'essentiel, c'est que l'équipe de France a proposé à tous ses supporters un magnifique voyage en ballon pendant quatre semaines, en les emmenant en nacelle, et qu'elle les a stupéfiés. Oui, stupéfiés.
Car franchement, à part des joueurs possédés et un entraîneur habité par la certitude des fous, je vous pose la question : qui y croyait ? Hum ?! Qui pouvait imaginer que cette équipe de maquisards embusqués allait venir à bout de toutes les poisses, de toutes les absences et d'un virus, avant d'échouer, in extremis, contre un génie porté par l'idée de concrétiser le dernier de ses rêves ? Franchement, personne. Non, personne n'avait pensé que si ce groupe empruntait aussi souvent les paradoxes, c'était pour les rendre avec intérêts. 
Puisqu'il faut bien faire un bilan individuel, je soulignerai, en vrac :
  • la performance mentale d'Mbappé, auteur d'un triplé d'anthologie après avoir tout raté pendant quatre-vingt minutes... 
  • le martyre vécu par Dembélé et Hernandez, tous deux excellents dans leurs rôles de décomposition... 
  • la belle partie d'un Lloris qui traînera jusqu'à la fin de sa carrière sa neutralité coupable sur les penalties... 
  • le chemin de croix d'un Varane qui, entre blessure et virus, a fini par payer l'addition... 
  • l'acte manqué d'un Griezmann qui a prouvé que quand on n'a plus les jambes, on peut toujours courir... 
  • et enfin les remords éternels d'un Kolo Muani qui a eu la balle du titre au bout du pied, à deux minutes de la fin des prolongations... Un rêve à bout portant donc, mais trop loin quand même.
De cette soirée folle, il faudra aussi se souvenir que si cette équipe d'Argentine, catéchisme de ténacité, fait un beau vainqueur, elle le doit en grande partie à un immense Lionel Messi, à la fois homme providentiel, génie protéiforme et joueur naturellement placé au sommet de la pyramide de son équipe (à ceci près qu'il s'agit d'une pyramide qui repose sur la pointe). Depuis hier soir, en rejoignant Maradona dans la légende, il a simplement gagné le droit de prétendre à l'immortalité.
Voilà, pour tous les amoureux du football, le beau livre de cette Coupe du Monde s'est refermé sur une finale inoubliable qui possède la rare particularité d'honorer ses vaincus. Et il nous faut mesurer la chance qui a été la nôtre d'assister à une telle dramaturgie et à un tel spectacle. Un spectacle que seul le football semble capable d'offrir et qui possède déjà la patine des plus beaux souvenirs d'enfance. 
Parce que l'équipe de France n'a pas échoué mais perdu une victoire, parce que nous n'avons pas toujours compris pourquoi elle a gagné certains matchs et que nous ne saurons pas davantage pourquoi elle a perdu le dernier, il nous faut nous résoudre à cette conclusion : parfois, le foot, comme l'art, ne revendique pas d'être compris, il se savoure, il se respire, il se vit. Tout simplement.

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