Sciences Po : « Mains rouges », la nouvelle recette de la quenelle au sang <!-- --> | Atlantico.fr
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Etudiants de SciencesPo prenant la main sur leur établissement (allégorie).
Etudiants de SciencesPo prenant la main sur leur établissement (allégorie).
©Dimitar DILKOFF / AFP

World cuisine

Un tondu en rangers qui vous dirait que la croix gammée tatouée sur son crâne est en réalité une pacifique svastika bouddhiste, vous le croiriez ?

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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J’ironisais l’autre jour sur les bonnes manières des étudiants de Sciences Po qui, à l’inverse de leurs camarades des facs à 300 euros par an, s’abstenaient civiquement de dévaster leur établissement à 7 000 euros le semestre pour faire avancer une cause, mais c’est parce que j’avais dégainé trop tôt...

Eus-je rédigé ma chronique un poil plus tard dans la soirée, en effet, et c’est plutôt sur cette affaire des « mains rouges » que je me serais penché pour une rapide séance de sémiologie de cuisine.

Car que voulaient dire, concrètement, ces jeunes gens bien élevés en levant ainsi leurs mains préalablement trempées dans un pot de peinture carmin au bénéfice des caméras de télévision ? Les avis divergent...

Eh bien, dans un cas, il s’agirait d’un geste « générique », représentant les mains sales de tous les méchants quels qu'ils soient, et dont la symbolique serait aussi légitime qu’anodine. Pourquoi pas. 

En seconde analyse, il s’agirait au contraire d’une référence au massacre particulièrement sauvage, il y a plus de 20 ans, de deux jeunes conscrits israéliens égarés à Ramallah, et que les étripeurs, les mains rougies par le sang de leurs victimes, avaient promenés comme des trophées de chasse à travers la ville sous les vivats de la populace.

Deux salles-deux ambiances, comme on dit dans les boîtes de nuit ratissant large…

Pour ceux qui ont un peu de mémoire, ou au minimum un peu plus de bouteille qu’un étudiant en première année de symptomatologie, la dernière fois qu’on s’était frappé un débat sur le sens à donner à une pantomime à double-détente de cet acabit, c’était pour la fameuse « quenelle » dieudonnienne.

Là encore, il s’était trouvé un tas de gens pour la décoder en « bras d’honneur inversé », sorte de geste de défiance néo-coluchien à l’égard des puissants tous azimuts, quand d’autres y voyaient surtout un salut nazi grossièrement revisité par crainte d’une convocation rima-hassanienne au commissariat.

Mais les élucubrations de l'ex-comique s’étant faites de plus en plus transparentes au fil du temps, la majorité des night-clubbers avait fini par se regrouper en salle numéro 1. « Il y a bien main !», avait même confirmé l’arbitre après examen de la vidéo. Après tout, un tondu en rangers qui jurerait sur Wotan que la croix gammée tatouée sur son crâne est, en réalité, une pacifique svastika bouddhiste, aurait un peu de mal à convaincre...

Ça va sans dire (même si ça va incontestablement mieux en le disant), on n’imagine pas que tous les cuisiniers boutonneux de cette nouvelle recette dite de « la quenelle au sang » aient été au courant du rôle que leurs aînés plus madrés cherchaient à leur faire jouer. On aimerait toutefois que leur goût fraîchement acquis pour la contextualisation devienne un poil plus universel. 

Car franchement, un type avec un keffieh sur le crâne qui hurlerait « from the river to the sea » et lèverait les mêmes mains ensanglantées qu'un djihadiste en vous certifiant que c'est au nom de la paix, vous lui confieriez les clés de la synagogue, vous ?

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