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Ursula von der Leyen et Charles Michel lors d'une conférence de presse commune.
Ursula von der Leyen et Charles Michel lors d'une conférence de presse commune.
©ARIS OIKONOMOU / AFP

Direction politique

Face à l'accumulation de crises au sein des Etats membres de l'UE, la question de la responsabilité se pose. L'Union européenne n'est-elle pas de plus en plus influencée par des « valeurs » de gauche ?

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Alors que l’Union européenne et ses Etats-membres sont confrontés à une série de crises, la question de la responsabilité, si naturelle en démocratie, commence à poindre. Et l’on se demande par exemple, qui est responsable de l’impasse énergétique collective dans laquelle l’UE se trouve. L’on peut aussi être amené à se demander qui est compétent – au sens « qui est en charge ? » - pour telle ou telle politique européenne. 

Face à ces questions, un premier niveau de réponse est naturellement d’ordre institutionnel. Que disent les Traités européens ? A la vérité, les réponses apportées ne sont pas très satisfaisantes. D’abord, parce qu’au-delà des règles de l’UE, il y a leur pratique et leur esprit. En matière d’élargissement par exemple, alors qu’il est clair que c’est une responsabilité des Etats, donc du Conseil, l’on a vu la Présidente de la Commission se lancer dans une croisade en faveur de l’entrée de l’Ukraine sans qu’aucun Etat-membre n’y trouve à redire : la nature ayant horreur du vide, la Commission a ainsi sciemment empiété sur le Conseil.L’on pourrait aussi parler de la façon dont le Parlement européen s’est octroyé le pouvoir de décider qui serait président de la Commission, au travers du système de Spitzencandidat, dont le Président Giscard d’Estaing estimait qu’il s’agissait rien moins que d’un « coup d’État ». Et que dire de la BCE, seule à mener un semblant de politique de change alors que cette prérogative est clairement de la responsabilité du Conseil ? Etc. 

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Une autre analyse est d’ordre plus politique. Elle revient à observer les rapports de force, les jeux d’alliance. A cette aune, la France a longtemps cru qu’avec l’Allemagne, elle dirigeait l’UE au travers du couple franco-allemand. Les années récentes, et plus encore les mois récents ont dissipé – sauf pour les plus idéologues – cette illusion. Pire, le Conseil, avec ses 27 Etats membres (et bientôt 35 si la vision d’Olaf Scholz prévaut) est traversé de multiples crises Nord/ Sud (notamment sur l’euro et la dette) et Est/ Ouest (questions de sociétés, rapport à l’Otan). Impossible d’y déceler un fil directeur. Il en est de même au Parlement européen, ou le jeu d’alliance traditionnel entre le centre droit (PPE) et le centre gauche (PSE) est devenu beaucoup moins lisible.

Que faire alors ? Se contenter de constater que l’UE est un bateau ivre sans direction politique ? Baisser les bras et sympathiser avec Barack Obama qui reconnaissait après deux mandats ne toujours pas comprendre le fonctionnement de l’UE ? En réalité, si l’UE n’a pas de politique au sens où nous l’entendons selon les catégories inventées par la Révolution française, il est possible de déceler les principes qui la meuvent : le droit, les valeurs.

L’UE, avant toute chose, est une communauté de droit. Laissons au premier Président de la Commission, l’allemand Walter Hallstein l’exprimer mieux que quiconque : « Nous continuerons à reconnaître comme l’élément qui seul garantit une unité durable la puissance du droit, la majesté du droit, et à ériger l’édifice européen sur cette solide fondation. On a souvent essayé dans l’histoire européenne d’unifier par la force, par la conquête, par l’asservissement. Mais toutes ces tentatives, ruisselantes de sang et de larmes, se sont révélées de vaines entreprises. ». Tout découle de cet axiome fondamental : la composition humaine de l’UE, où les juristes prédominent ; la toute-puissance du juge de Luxembourg ; au cœur du fonctionnement journalier des institutions, la façon dont les services juridiques ont acquis une suprématie qu’il faut avoir touchée de l’intérieur pour en saisir la réalité. Le résultat ? L’UE, ne fait pas de politique, à tout le moins pas directement : elle fait du droit, et ce droit, éventuellement, est l’expression d’une vision politique. La nuance est immense. 

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Ce qui gouverne l’UE, ensuite, et ceci est une nouveauté depuis dix ans environ, ce sont les « valeurs » : la démocratie, les droits de l’homme, la lutte contre les injustices etc. Il y a là un changement majeur de la nature même de l’UE, conçue comme une organisation internationale non souveraine spécialisée dans les questions économiques. L’UE, dans tout ce qu’elle entreprend, a comme boussole les « valeurs ». Ce sont ces valeurs qui justifient toutes les orientations diplomatiques de l’UE. Ce sont elles qui expliquent que la politique de cohésion, pourtant purement économique, soit désormais tributaire d’une conditionnalité en matière d’état de droit qui semble aller d’évidence pour ceux qui ne connaissent pas l’UE. Ces valeurs pointent-elles vers une « politique » ? Sans doute. Et pour autant que l’on veuille absolument catégoriser l’action européenne, il est clair que l’UE, projet économique de centre droit, devient de plus en plus un projet global porté par des « valeurs » de gauche (environnement, lutte contre les discriminations voire flirte avec le wokisme quand une commissaire européenne va jusqu’à estimer que la Commission est « structurellement raciste »). 

En définitive, ceux qui posent la question démocratique « qui dirige l’UE ? » en sont partiellement pour leurs frais. L’UE est plus une processus juridique qu’un organe politique. Cela ne signifie pas qu’elle ne fait pas de politique. Son glissement vers la gauche est un fait majeur. Cela signifie que ce glissement s’opère selon des modalités vis-à-vis desquelles l’action politique telle que nous l’entendons usuellement en système de démocratie représentative – et singulièrement en France – est pour partie inopérante.

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