Du “Yes We Can” au “Yes I can” : de quelle crise politique le succès phénoménal de Michelle Obama est-il le symptôme ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Du “Yes We Can” au “Yes I can” : de quelle crise politique le succès phénoménal de Michelle Obama est-il le symptôme ?
©MARTIN SYLVEST / RITZAU SCANPIX / AFP

Notre-Dame des Amériques

Dans le monde contemporain éclaté, tel que le décrit Jérôme Fourquet dans "L'Archipel français", les partis et leurs idées ne suscitent plus l'adhésion, mais les stars sont des inspirations.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

Voir la bio »
Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

Voir la bio »

Atlantico : Au lendemain de l’incendie de Notre-Dame, Michèle Obama a présenté son livre devant plusieurs milliers de personnes. Cet événement a été unanimement célébré. Comment expliquer que, dans un moment où le collectif est mis en question, on se tourne vers un individu, une célébrité, un exemple individuel ?  Pourquoi les individus deviennent-ils de plus grandes inspirations que les projets collectifs ?

Jérôme Fourquet : Un des constats auquel j’arrive dans mon livre “l’archipel français” qui revient sur les processus de fragmentation de la société française, est la montée en puissance d’un très fort individualisme qui se mesure de multiples façons, notamment au travers de l’engouement pour des prénoms rares, marquant une volonté de distinction plutôt que l’inscription dans une lignée. Ce phénomène d’individualisme a eu raison de toute une série de matrices qui structuraient la société française. On a en tête le catholicisme et dans une certaine mesure la famille, les appartenances partisanes, syndicales et de plus en plus la société tend à se transformer en une société d’individus. Et c’est sans doute là aujourd'hui que se situe une certaine force de rappel dans la mesure où ce déploiement de l’individualisme sans limite nous a fait atteindre un stade ou le niveau de fragmentation est tel que les individus, mêmes ceux qui sont mus par leurs propres intérêts, en sont à prendre conscience du rôle utile que peut jouer une appartenance collective. La tension de nos sociétés s'inscrit dans ce phénomène. Nos sociétés modernes et occidentales sont profondément individualistes qui, à force d’arasements des matrices, en vient à éprouver les limites de ce modèle. Face à cela, deux réactions sont possibles. Soit se tourner, avec une certaine cohérence, vers des modèles iconiques, symptomatiques d’une réussite pleine et entière de leurs vies, et Michelle Obama correspond à ce portrait robot, soit revenir à une forme de réactivation plus ou moins réussie d’un certain nombre d’appartenances réelles ou fantasmées, pour essayer de se réinsérer dans quelque chose. Soit on prend exemple sur un premier de cordée pour reprendre l’expression consacrée, soit on se dit que l’individu doit se réancrer dans une forme de collectif, hérité ou choisi, avec le développement de communautés affinitaires, de groupes d’intérêts. Aujourd'hui, la société française est traversée par ces tensions, ces pulsions, contradictoires.   

Bertrand Vergely : Pour comprendre ce qui vient de se passer après l’incendie qui a ravagé Notre-Dame, il importe de distinguer trois éléments à savoir la réaction profonde, la réaction normale et la réaction médiatique.

S’agissant de la réaction profonde, beaucoup de personnes ont été bouleversées par ce qui s’est passé et leur réaction ne va pas disparaître de si tôt.

Que Michelle Obama, aussi sympathique soit-elle, vienne à Paris, ils n’en ont rien à faire et ce ne sont pas eux qui se sont précipités pour assister à la conférence qu’elle a donnée ni eux qui ont célébré sa venue.

Déjà, des dons affluent de partout. Cela va continuer. En outre, Paris et la France vont désormais vivre avec Notre-Dame en réparation. Aux dernières nouvelles cela va prendre au moins cinq ans. Durant tout ce temps, Paris et le monde entier ne vont pas arrêter de se souvenir de l’incendie qui s’est produit le 15 Avril 2019. Donc, ne dramatisons pas. Les Parisiens et le monde ne sont pas devenus amnésiques en vingt-quatre heures. Le traumatisme qui s’est produit est encore bien présent et il y a de fortes chances pour qu’il mette un certain temps à se dissiper.

Par ailleurs, s’agissant de la réaction normale, le fait que la vie reprenne  son cours est une chose normale, saine et souhaitable. Quand un deuil ou une catastrophe se produit, comme le souligne l’Ecclésiaste, il y a un temps pour tout. Il y a un temps pour le chagrin. Et il y a un temps pour la fin du chagrin. Après la sidération du drame qui a eu lieu, la vie a repris son cours. Tant mieux ! À quoi aurait-il servi que l’on passe son temps à se lamenter, en déchirant ses habits et en se couvrant la tête de cendres ? On parle de reconstruction. Bravo ! Quel magnifique discours de vie !

Enfin, s’agissant de la réaction médiatique, il y a le phénomène économique et médiatique. La venue de Michèle Obama était programmée depuis longtemps. Il y a dans cette venue de gros intérêts financiers ainsi que médiatiques. Sachons le : le système financier et médiatique n’abandonne jamais. C’est pour lui une question de vie ou de mort. Il ne peut pas s’appesantir sur une infirmation ni décommander un événement prévu de longue date. On peut le regretter. Dans ce cas là, il importe d’être cohérent et de ne plus consulter les médias, de ne plus s’intéresser à Michelle Obama, de ne pas acheter son livre et de ne pas se rendre à ses conférences. Seul un jeûne médiatique ou une grève médiatique fera comprendre aux médias qu’ils n’ont aucune pudeur. Mais, qui le fera ? Personne. Pourquoi ? Parce que nous sommes tous esclaves de ce système.

Le système qui a rendu compte de l’incendie de Notre-Dame avec des photos somptueuses est le même qui a rendu compte de la venue de Michelle Obama. C’est le système du sensationnel qui a toujours fait vivre les médias et qui les fera toujours vivre.  Une information chasse l’autre ! Une dame chasse l’autre ! Lundi, c’était Notre-Dame de Paris ! Mardi, c’était Notre-Dame des Amériques !

Lundi, il y a eu un moment de grâce. Mardi, on est retombé dans la société du spectacle, pour reprendre le terme utilisé par Guy Debord pour qualifier la société marchande dans laquelle nous vivons et où le spectacle est la marchandise suprême.

En 1991, à la mort de Freddie Mercury, le groupe Queen,dont il était le leader, a chanté The show must go on.  Le spectacle doit continuer ! On n’arrête pas le spectacle ! Ce groupe enchantant cela a dit la vérité de notre monde. Le spectacle ne doit pas s’arrêter !

Pour ce monde, tout est spectacle ! Notre-Dame de Paris qui brûle ? C’est un spectacle ! On prend ! On filme ! C’est un scoop ! Michelle Obama vient à Paris ? On prend ! On filme ! C’est un autre scoop !

Tirons en les leçons. Les médias ne sont pas la vie.  Ils ne sont que les médias. Ne l’oublions jamais. La société ce n’est pas eux. La vie ce n’est pas eux. Ne leur donnons pas plus qu’ils ne le méritent. La vie, la société, ce sont ces milliers de gens bouleversés sur les quais autour de Notre-Dame. C’est la beauté de ces cœurs bouleversés. Cette beauté-là n’est pas prête de disparaître.

Comment avons-nous pu perdre l’idée même de collectif ? Si l’unité suscitée par l’incendie de Notre-Dame a été saluée, n’est-elle pas l’incarnation de notre sentiment d’appartenance qui est en train de disparaître ?  

Jérôme Fourquet : Je pense qu’Emmanuel Macron est pleinement conscient de l’état de fracturation de la société française, il a, en conséquence, la volonté de recréer du lien et un sentiment d’appartenance collective. Dans ce registre, il fait flèche de tout bois en se saisissant de toutes les occasions, heureuses ou dramatiques pour aller dans cette direction. On peut citer sa présence sur un autre parvis d'église au moment des obsèques de Johnny Hallyday, ce qui a été diversement apprécié parce qu’il s’agissait de capter ce moment de communion de toute une partie de la population. Dans un tout autre registre, on peut également se rappeler du discours hommage au gendarme Arnaud Beltrame, qui est très intéressant puisque le sacrifice de ce gendarme a été unanimement salué tout en suscitant un certain nombre d’interrogations dans la société française. Dans la mesure où notre société est devenue très hédoniste et très individualiste, le fait qu’un homme se sacrifie pour des valeurs supérieures suscite même un problème de compréhension. Cela est assez fortement à rebours des motivations qui animent le fonctionnement de la société, cela est presque anachronique dans une société de la réalisation de soi et des entrepreneurs de soi-même. Parce que si on est entrepreneur de soi-même, il faut maximiser les points à la fin de la partie, et si quelqu’un décide sciemment d’arrêter la partie avant la fin, alors cela devient totalement incompréhensible pour beaucoup de personnes.

Autre exemple d’investissement très fort du président de la République, dans un moment plus heureux, c’est la victoire des bleus à la coupe du monde de football en jouant à fond la carte de la France tricolore soudée derrière son équipe nationale. L’incendie de Notre Dame est le dernier épisode en date ou Emmanuel Macron a aussi été très présent.  

Ce président, qui est jeune, est pleinement en phase avec cette société d'individus. Néanmoins, il est conscient de son état de fragmentation et de parcellisation et essaye de recréer du lien avec les moyens du bord. Et “en même temps”, étant de son époque et étant pétris d’un logiciel qui lui est propre, il a beaucoup de caractéristiques et de tropismes qui sont ceux de personnes de son époque. C’est ”l’empowerment”, la “maximisation des possibles”, c’est à dire cette vision, cette philosophie que Ismäel Emelien et David Amiel (anciens conseillers d’Emmanuel Macron) ont mis dans leur livre. Cette vision qui indique que les inégalités ne sont pas condamnables en soi, mais qu’il faut donner à chacun les moyens de son émancipation. C’est une philosophie très anglo-saxonne pétrie de protestantisme, qui voit la réussite individuelle comme traduction de la valeur. Emmanuel Macron est imprégné de cela et est en même temps conscient que tout cela aboutit quand même à un degré de fragmentation sans précédent contre lequel il faut quand même essayer de présenter un certain nombre de gardes fous, au premier rang desquels un sentiment d’appartenance collective. Ce sentiment peut-être convoqué soit en se rassemblant  pour défendre un pan de notre histoire commune, Notre Dame, soit vis à vis de certaines expressions collectives, Arnaud Beltrame ou l’équipe de France, soit en se reposant sur des figures charismatiques qui disposent d’un pouvoir fédérateur important. On peut jouer sur les différents registres, mais le but, à chaque fois, est le même. Ce qui est intéressant, c’est que dans le discours prononcé par Emmanuel Macron le 16 avril au soir, au lendemain de l’incendie de Notre Dame, il y a un appel à renouer avec le fil de notre histoire, on essaye ici de cultiver le plus possible le sentiment d’appartenance via l’héritage commun, mais il y avait également l’éloge du collectif, qui se serait incarné à ce moment là dans la figure des pompiers. Quand il dit “ils ont 20 ou 30 ans, ils viennent de toute la France, et, soudés derrière leur chef, ils ont sauvé Notre Dame”. Nous avons bien ici une autre figure de collectifs avec ces jeunes hommes qui viennent des quatres coins de France et qui sont soudés dans un idéal qui les dépasse, derrière leur chef, qu’Emmanuel Macron essaie de manier. Mais, comme les individus sont ambivalents et que les humains sont complexes, on voit ici tout un autre versant de la personnalité du président qui existe, cela est aussi révélateur des contradictions philosophiques internes de la société.

Bertrand Vergely : L’unité qui est apparue Lundi soir a-t-elle disparu ? Et l’engouement dont a bénéficié Michèle Obama en est-il l’illustration ? Rien n’est moins sûr.

La France est le pays des Lumières. Quelle est la caractéristique de celles-ci ? Elles détestent Dieu, la religion en général et le christianisme en particulier.

Dans quels bâtiments se reconnaissent ces mêmes Lumières ? Dans ceux qui symbolisent la politique et la science : l’Assemblée Nationale qui ressemble à un temple grec, le Palais de la Découverte, l’abbaye de Saint Martin des Champs, rue Saint Martin à Paris,  qui abrite le CNAM, le Conservatoire National des Arts-et-Métiers,  où l’Église a été transformée en un musée automobile, le Jardin des Plantes avec la Galerie de l’Évolution, l’Observatoire de Paris, l’École Polytechnique.

Notre-Dame ? Les Lumières ne veulent pas en entendre parler. Elles aimeraient bien même que celle-ci n’existe pas et n’ait jamais existé. Une cathédrale au centre de Paris ?  On la détruirait aujourd’hui, un certain nombre de personnes, dont beaucoup de scientifiques (c’est le cas d’un certain nombre de mes collègues en sciences dans le lycée ou j’enseigne) n’y verraient aucun inconvénient et seraient même  ravis. À leurs yeux, toutes les églises devraient disparaître, cette façon d’afficher sa foi dans l’espace publique étant contraire à la discrétion que suppose la laïcité. Dans un pays laïque et moderne, c’est une insulte au principe même de neutralité et un symbole de la superstition. N’oublions pas que Le Corbusier avait comme projet de la détruire afin de la remplacer par un parking.

Quand Rabelais parle du moyen-âge, que dit-il pour résumer cette période ? Il parle de « l’obscurité et de l’infélicité des Goths ». En 1792, que se passe-t-il ? Un nouveau calendrier est proclamé dans lequel 1792 est déclaré être l’an 1 de l’humanité. Avant, il ne s’est rien passé.  Pourquoi ? Le christianisme est synonyme d’Ancien Régime, de noblesse, de royauté, de privilèges, d’injustices, d’oppression du peuple. En 1793, que se passe-t-il ? La Révolution guillotine des prêtres. En 1905 que se passe-t-il ? L’Église catholique est en partie expropriée.  Pour un certain nombre de mes collègues en philosophie, la culture véritable commence avec la Révolution Française. Avant ?  Il ne s’est rien passé. La pensée médiévale ? Ce n’est pas une pensée. Victor Hugo et Notre-Dame de Paris ? C’est une régression romantique réactionnaire opposée au progrès.

Or, Lundi que s’est-il passé ? Un phénomène stupéfiant. La foule, qui était là et qui était en larmes, a jugé que Notre-Dame de Paris lui appartenait, qu’elle faisait partie de son histoire. Elle a jugé que cet édifice  était beau, qu’il fallait qu’il dure et qu’il soit  reconstruit d’urgence. Tout d’un coup, cette foule s’est reconnue dans Notre-Dame de Paris et a vu en elle  en elle autre chose qu’un symbole de la religion ennemie du progrès. Tout d’un coup, la foule, qui était là, a  bâti un lien d’appartenance. Elle s’est sentie appartenir à une histoire et à un souffle de l’esprit où Notre-Dame de Paris a toute sa place. Soudain, la modernité n’a plus interdit  Notre-Dame et Notre-Dame n’a plus interdit la modernité.

Pierre Georgini a écrit un ouvrage, Le crépuscule des lieux, dans lequel il montre que les technologies les plus modernes qui soient et le passé le plus ancien peuvent collaborer. La copie des grottes de Lascaux afin que les grottes originelles soient préservées en est l’illustration. Avec la reconstruction de Notre-Dame, c’est ce qui va se passer.

Qui dit religion dit beauté. Qui dit beauté dit patrimoine mondial de l’humanité. Qui dit patrimoine mondial de l’humanité dit désir que ce patrimoine soit préservé. Lundi, c’est ce qui s’est passé. La foule a vu dans Notre-Dame un symbole de la beauté à préserver. Elle a fait son unité autour de cette beauté. Elle a créé un sentiment d’appartenance à partir d’elle.

À l’heure qu’il est, de quoi parle-t-on ? De Michelle Obama ? Nullement. On parle de Notre-Dame, de l’enquête qui est en cours sur l’origine de l’incendie, des dons qui affluent pour sa reconstruction, de la reconstruction, des pompiers qui ont sauvé Notre-Dame en l’arrosant avec précaution et qui vont être reçu à l’Élysée par Emmanuel Macron, de la messe qui a eu lieu à Saint Sulpice à Paris des cloches de Paris et de France qui ont sonné. Si tout ça n’est pas l’expression d’un sentiment d’appartenance, qu’est-ce donc ?

Emmanuel Macron a bénéficié de l’aspiration des Français à la réussite individuelle. Le macronisme n’est-il pas le reflet d’un monde qui a transformé le « Yeswecan «  en «Yes I can » ?

Jérôme Fourquet : Emmanuel Macron, de part sa trajectoire et de part, pour parler en bon français, le “storytelling” qui a accompagné son accession au pouvoir a mis en scène et à incarner la “success story” à la française. De la même manière qu’il y avait eu Barack Obama, nous avons eu Emmanuel Macron qui a défié les lois de l’apesanteur politique et électorale qui, sans parti et sans soutiens, a réussi à s’imposer dans les urnes. Nous avons effectivement une dimension de réussite personnelle qui est mise en avant, faite pour susciter un certain attrait. Cela a manifestement fonctionné mais cela a suscité également, ce qui n’est pas contradictoire, un sentiment d’identification. Quand on regarde la sociologie des électorats, on s’aperçoit qu’Emmanuel Macron fait ses meilleurs scores chez les cadres, chez les plus diplômés, mais également chez ceux qui ont le plus le sentiment d’avoir une situation qui est meilleure que celle de leurs parents. Ceux qui ont pris l'ascenseur social, ceux qui sont les “winners”, ont majoritairement voté pour Emmanuel Macron alors que ceux qui se vivaient plus dans une situation de stagnation et à fortiori ceux qui se vivaient dans une situation de déclin, se sont beaucoup moins reconnus dans cette rhétorique et dans ce “story telling” qu’Emmanuel Macron a déployé pendant sa campagne. Dans le cadre d’une campagne ou on raconte l’ascension ou un individu seul, face à un système, et qui se définit par le mouvement “En Marche”,  le candidat a dit que pour lui “il n’y a pas de culture française”. Il ne s'embarrasse pas d’un bagage qui serait lourd à porter et montre aussi sa capacité à procéder à un devoir d’inventaire, notamment pour ce qui est de la colonisation, dans ses déclarations faites à Alger. Aujourd’hui qu’il est président de la République et au moment ou il se rend sur le parvis de Notre Dame, et lors de son commentaire du lendemain, il nous appelle à renouer avec le fil historique de notre mémoire, de notre conscience, en rappelant que la France est ce pays de bâtisseurs. Il est ici profondément en rupture avec la sonorité qu’il avait mise en avant au moment de la présidentielle. On a un peu le sentiment que la saison “Start-up Nation” est un peu passée de mode.

Bertrand Vergely : Emmanuel Macron est un phénomène. Il est jeune. Il est doué. Il réussit. Avec son épouse, il forme un couple photogénique. Les médias ont utilisé cette image pour faire de l’audience. Emmanuel Macron a soigné cette image pour se faire élire. Les médias ont utilisé  Emmanuel Macron et Emmanuel Macron a utilisé les médias. Les medias  ont utilisé Michèle Obama et Michèle Obama a utilisé les médias. Dans le système médiatique, qui a cours habituellement, tout le monde utilise tout le monde.

Ce système détourne l’attention collective ? Oui. Dans tous les sens. Un jour, il détourne l’attention pour s’intéresser à Notre-Dame. Le lendemain, il détourne l’attention pour s’intéresser à Michèle Obama. Les célébrités participent-t-elles de ce détournement ? Oui. Là encore, dans tous les sens. Aujourd’hui, en recevant les pompiers à l’Élysée, Emmanuel Macron va détourner l’attention vers ces pompiers et Notre-Dame. Demain, il la détournera vers autre chose. Les célébrités et la personnalisation de la vie politique et sociale détournent-elles le sentiment d’appartenance ainsi que l’unité de la société ? Pas vraiment. Pas autant qu’on pourrait le penser. Si tel était le cas, le phénomène d’unité et de respect qui a eu lieu Lundi soir n’aurait jamais eu lieu.

La personnalisation de la vie politique et sociale est un fait. Ce fait, qui n’est pas nouveau, est intensifié par la société du spectacle dans laquelle nous vivons. C’est ainsi, les gens aiment savoir ce qu’il en est d’untel ou d’unetelle et les médias satisfont ce désir de savoir à travers Gala qui parle des stars, Point de vue qui parle des reines, Match qui parle de tous ceux qui défrayent la chronique. Ce jeu détourne l’attention et empêche toute unité sérieuse ? C’est vrai. Mais, comme il est superficiel, il se détruit lui-même. Si bien qu’il est son pire ennemi. 

Michelle Obama, Emmanuel Macron, utilisent les médias qui les utilisent en retour. Dans ce jeu, tout le monde prend tout le ponde et jettetout le monde. Tout cela n’a aucune importance. Une seule chose est à retenir : Lundi soir, il s’est passé quelque chose de très beau qui dépasse les médias ainsi que le politique. Ceux-ci aimeraient bien pouvoir bénéficier de l’attention dont Notre-Dame a bénéficié. Cela ne se fera pas, parce que cette attention est venue d’ailleurs. D’un ailleurs que le monde avait exclu et qui, soudain, a fait son apparition à l’occasion du drame qui s’est déroulé.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !