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Crise de l'Aquarius : entre fermeté et accueil, Emmanuel Macron ne risque-t-il pas de perdre sur les deux tableaux ?
©BORIS HORVAT / AFP

Choix cornélien

Après plusieurs jours en Méditerranée, l'Aquarius va accoster à Malte. 60 réfugiés à bord de l'embarcation seront prochainement accueillis en France. Comment expliquer le positionnement du président sur cette question ?

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet, ancien Président de l’Observatoire de l’extrémisme, est chroniqueur, directeur de la Revue Civique et initiateur de l’Observatoire de la démocratie (avec l’institut Viavoice) et, depuis début 2020, président de l’institut Marc Sangnier (think tank sur les enjeux de la démocratie). Son compte Twitter : @JP_Moinet.

 

 

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Atlantico : La question migratoire chez LREM semble montrer un clivage, avec des électeurs LREM bien plus proches de l'électorat de gauche sur cette question que de l’électorat de droite. Doit-on considérer que Malte évite une polémique à Emmanuel Macron ? Comment expliquer le positionnement du président sur cette question ? 

Jean-Philippe Moinet : Le choix et la décision de Malte correspondent à une logique, géographique - la proximité - et politique - celle d'une concertation européenne, qui progresse. En tout cas entre 5 Etats-membres de l'Union européenne, qui vont organiser le partage de l'accueil de ces 141 migrants et désamorcent une controverse. Oui, ce choix de Malte évite une nouvelle polémique - assez artificielle - à Emmanuel Macron. Artificielle dans la mesure où l'accueil de 141 réfugiés pour un Continent de plus de 500 millions d'habitants ne constituent pas une "affaire". Même si le maire communiste de Sète, Jean-Claude Gayssot, vieux briscard de la politique, a un moment embarrassé le pouvoir exécutif en portant son port volontaire pour accueillir l'Aquarius. Sur cette question comme sur d'autres, Emmanuel Macron veut montrer que la réponse doit être européenne, collective et durable, qu'elle doit cesser d'être nationale, de circonstance et à courte vue. 

Dans un tweet, Emmanuel Macron a déclaré : "Coopération européenne concrète actée sur l'Aquarius, sur initiative franco-maltaise. Je remercie Malte pour son geste humanitaire et l'assure de la totale solidarité de la France. Il n'y a pas d'alternative à la coopération". Qu'est-ce que cela révèle de la stratégie du président de la république ? Finalement, si la France accueillera une partie des migrants, elle se passe volontiers des images de l'Aquarius qui accoste en France… 

Il y a en effet une question d'images mais aussi une question de réalités, humaines et politiques. N'en déplaise aux forces qui exploitent dès que possible la xénophobie, l'immigration zéro n'existe pas et la question de l'Asile et des migrations ne cessera d'être posée. Les Européens ont donc le choix entre, d'une part, une gestion concertée du contrôle des flux migratoires, une organisation efficace de l'accueil et de l'intégration à l'échelle des 27 Etats-membres ou, d'autre part, une gestion laissée aux seuls Etats de la façade Sud de l'Europe laissés seuls face au "problème": Grêce, Italie, Espagne… Le paradoxe est qu'en Italie, le courant nationaliste progresse alors que ce pays a tout à gagner d'une meilleure prise en charge de la question migratoire par les autres Etats européens. Ce paradoxe va apparaître aux yeux  des Italiens, qui sont les premiers à souhaiter une politique européenne en ce domaine, et qu'une solidarité entre Etats se concrétise par des actes, pas seulement par des mots. Le symbole Aquarius va peut-être servir à cela. 

En juin 2018, 67% des Français estimaient que l'Aquarius ne devait pas être accueilli par la France. En ne se prononçant pas sur le cas du bateau humanitaire, Emmanuel Macron ne risque-t-il pas de perdre sur les deux tableaux ?

Le paradoxe est là aussi. Le rejet des étrangers est élevé en France, alors que notre pays, comparé aux pays voisins, Allemagne et Italie, a accueilli beaucoup moins de réfugiés et migrants. Sur ce sujet, la pédagogie est difficile, les sensibilités sont vives, mais sur le moyen terme la pédagogie n'est pas impossible et peut être payante. Le "en même temps" macronien, le balancier notamment entre la fermeté des contrôles des migrants et l'humanité de l'accueil pour les réfugiés, a sa place même si la ligne de crête est étroite et peut aussi insatisfaire une partie de la gauche et une partie de la droite. Dans ce contexte, l'Europe sert à apaiser les esprits, à éviter que les passions nationales s'enflamment. Il est et sera impératif que l'Europe, au-delà de 141 passagers d'une expédition humanitaire, montrent son efficacité à la fois pour le contrôle des frontières extérieures, l'organisation du premier accueil et la réussite des politiques d'intégration. Le débat des prochaines européennes va aussi, naturellement, tourner autour de cet enjeu. 

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