Une inversion brutale du champ magnétique terrestre il y a 42 000 ans aurait provoqué un dérèglement climatique massif et soudain<!-- --> | Atlantico.fr
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Le climat a été modifié il y a 42.000 ans.
Le climat a été modifié il y a 42.000 ans.
©MARTIN BERNETTI / AFP

Bouleversement

Il y a 42 000 ans, une inversion du champ géomagnétique a eu un effet sur le climat de la Terre, selon une étude publiée récemment dans Science. L’Amérique du Nord a réagi avec un signal de refroidissement tandis que l’Europe subissait un léger réchauffement.

Julien Anet

Julien Anet

Julien Anet est chercheur à la haute école spécialisée de Zürich (ZHAW). Co-auteur de l’étude « A global environmental crisis 42,000 years ago » parue dans Science en février 2021.

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Atlantico : Vous venez de publier une étude (A global environmental crisis 42,000 years ago) dans Science qui souligne le fait qu'il y a 42 000 ans, une inversion du champ géomagnétique a eu un effet sur le climat de la Terre. Quelles sont les pistes pour étayer cette idée ? En quoi l'utilisation des kauris de Nouvelle-Zélande a-t-elle été utile ?

Julien Anet : Normalement, la Terre est protégée par un champ magnétique qui protège des rayons cosmiques. Quand ces rayons cosmiques traversent l’atmosphère ils ionisent l’azote et l’oxygène ce qui génère des radicaux. Ces derniers ont une grande influence sur la couche d’ozone. La magnétosphère, lorsqu’elle est moins importante, entraîne donc une ionisation plus importante. Mais ces rayons produisent aussi des isotopes du carbone, dont le carbone 14. Ce dernier est radioactif et sa période radioactive, permettant une transmutation en azote stable, est d’environ 5.700 ans. Le carbone 14 est consommé par les êtres vivants de la même manière que les autres carbones. Donc tant qu’une plante vit elle accumule ce carbone 14. Quand elle meurt, ce processus d’accumulation s’arrête. Ceci permet de les dater. Par ailleurs, la quantité de carbone 14 sera dépendante de leur production par ces rayons cosmiques. Ce qui peut créer une difficulté pour dater la plante en raison de l’activité de la magnétosphère. Il est toutefois possible de croiser les sources, en utilisant entre autres l’information d’autres isotopes produits par ionisation. Le plus important est le berillium 10, déposé dans les calottes glaciaires. C’est donc ce qu’on a fait avec les arbres Kauri des marais de Nouvelle-Zélande que l’on pouvait dater par leurs cercles de croissance. Ce qui a été trouvé c’est que la concentration en carbone 14 était beaucoup plus haute qu’on l’attendait ce qui indique qu’il y a eu une plus forte ionisation de l’atmosphère.

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Quel était exactement l'impact de ce phénomène sur le climat à l'époque ?

Nous avons essayé de modéliser le climat il y a 42.000 ans, ce qui n’est pas chose aisée. Les programmes qui le permettent nécessitent beaucoup d’informations pour produire une modélisation robuste. Nous avons considéré les reconstructions de concentrations de gaz à effet de serre, les configurations de l’orbite autour du soleil, les taux d’ionisation, etc. et nous avons lancé une expérience de référence avec une magnétosphère normale et une activité solaire normale et une expérience ou la magnétosphère est très faible, voire inexistante, combinée avec une activité solaire faible. Et nous avons vu que l’Amérique du Nord a réagi avec un signal de refroidissement tandis que pour l’Europe c’était un signal de léger réchauffement. Et ce qui est intéressant, c’est qu’en analysant divers échantillons de stratigraphies faites dans la baie d’Hudson, divers indices démontrent que l’Inlandsis laurentidien commençait un petit peu à augmenter il y a 42.000 ans. Et nous avons une simulation qui montre que quand il y a beaucoup moins d’activité solaire et que la magnétosphère est très faible il y a un signal de refroidissement. La destruction de l’ozone change les différences de températures dans la stratosphère, ce qui peut avoir des effets sur le vent et finalement sur les températures au sol. C’est un refroidissement relativement faible, mais s’il est persistant pendant 500 ou 1.000 ans cela change localement le climat de manière significative. On a constaté des signes de glaciation : l’augmentation des glaciers dans plusieurs lieux au Chili et en Nouvelle-Zélande, l’aridité d’un lac en Indonésie, etc. Toutefois la corrélation ne prouve pas la causalité. Il n’est pas certain que ce que l’on déduit de ces archives ait vraiment eu lieu. Le fait que Neandertal se soit éteint à cause de ce changement climatique est aussi hypothétique. Nous avons néanmoins beaucoup d’indices sur le fait qu’il a dû se passer quelque chose.

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L’inversion des pôles magnétiques a eu lieu à plusieurs reprises dans l’histoire, a-t-elle eu les mêmes conséquences ?

Il y a eu beaucoup de recherches là-dessus mais peu d’autres travaux scientifiques n’ont pu démontrer qu’il y avait eu des gros changements climatiques lors de ces minimums. La nouveauté de notre étude est l’investigation d’ indices démontrant que l’inversement du champ magnétique ait eu lieu en même temps qu’un grand minimum solaire et nous avons émis l’hypothèse que ces deux signaux en s’additionnant aient été assez grands pour chambouler le système climatique. Naturellement, nous allons devoir faire des recherches additionnelles pour la consolider.

Peut-on déduire de vos résultats une analyse plus large sur l'effet des futures inversions du champ géomagnétique sur le climat ?

Lorsque l’on parle, comme dans la publication, d’une variation de 5 % de la concentration d’ozone c’est à peu près équivalent à ce que nous avons de nos jours. Est-ce que cela induit un changement climatique énorme ? Non. A mon sens, l’être humain a influencé bien trop, par ses émissions de gaz à effet de serre, le réchauffement climatique et il est relativement peu probable qu’un inversement du champ magnétique puisse avoir un effet important sur le système climatique qui nous enverrai dans une nouvelle aire glacière. En revanche, notre société est très dépendante de divers produits électroniques. Or, une magnétosphère très inactive, si elle est conjuguée à une éruption solaire, peut entrainer de grands dangers : surcharger les lignes à haute tension, détruire les transformateurs, les satellites, etc. Actuellement le champ magnétique est légèrement en diminution et le pôle magnétique Nord est en train de changer de place mais on ne saurait pas dire si et quand un minimum magnétique serait atteint.

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